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 Mad tea party } PV Lulu

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Lady Aleth

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Lady Aleth
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MessageSujet: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptyMer 25 Aoû - 10:57

    *Pourquoi m’a-t-on obligé à venir ?*

    Cette question, c’était peut-être la vingtième fois qu’Aleth se la répétait. Plantée dans un coin de l’immense salle de réception, elle attendait que le temps passe. Quand on l’avait appelé le matin pour lui annoncer qu’elle participerait à une soirée de la noblesse en compagnie de ses parents, elle avait d’abord cru à une blague. Malheureusement, lorsqu’elle avait commencé à rire un peu, elle avait réalisé que c’était tout sauf une plaisanterie. D’où la raison de sa présence ici.
    La jeune fille soupira avant de balayer la salle du regard. Il n’y avait pas à dire, la salle était sublime… Tout semblait avoir été ajusté pour plaire : du parquet ciré à la perfection au plafond illuminé par des centaines de bougies, en passant par les immenses baies vitrées menant au jardin. Le seul point noir en réalité, c’était les convives. Aleth avait beau les observer de long en large et en travers, elle les trouvait toujours aussi… inintéressant. Ils étaient tous figés dans la même expression de bonheur béats parce que leur seul but était de plaire. Évidemment, plus on plaisait, plus on était connu et plus on avait de chance de se faire remarqué par les Princes. Mais était-ce réellement le plus important ? Ça, la jeune fille en doutait fort.

    « Faut-il obligatoirement plaire à tout le monde, pour être heureux ? »

    Hum, elle avait encore pensé à voix haute. Autour d’elle, pas mal de personne s’était retourné au son de sa voix et la dévisageaient maintenant comme si elle était folle. Bah, rien d’inhabituel, elle commençait à avoir l’habitude. Voyant que la plupart des personnes la regardaient encore, Aleth grava sur son visage son sourire le plus sarcastique avant de parler.

    « Un problème, messieurs dames ? Je peux vous aider ? »

    En un instant la foule était retournée à ses occupations premières, marmonnant contre la jeunesse insolente. Cet incident, la jeune comtesse pouvait être sûre qu’elle en entendrait à nouveau parler lorsque sa mère l’apprendrait. A moins que cette dernière décide que son imbécile de fille n’en valait pas la peine ? Possible.
    C’est alors qu’elle le vit. Avec sa canne et son habit de soirée, il ne détonnait pas vraiment des autres convives, pourtant il se dégageait de lui quelque chose de… spécial. Ses yeux peut-être, c’était la première fois qu’Aleth en voyait des pareils. Deux couleurs différentes. Étrange. Le noble qu’elle observait discutait avec une dame d’un certain âge qui ne tarda pas à lui fausser compagnie pour un duc mieux habillé. Il se retrouva donc seul comme elle, ses cheveux blonds lui tombant un peu devant les yeux. Ce fut à ce moment qu’elle décida que se serait avec lui qu’elle passerait le temps jusqu’à ce que sa mère l’appelle. S’il acceptait de parler avec une comtesse de quatorze ans parlant toute seule, bien entendu.
    La jeune fille l’observa encore un peu, envisageant diverses approches, mais abandonna rapidement. Elle n’était pas vraiment du genre à programmer ce qu’elle allait dire. Aleth avança donc vers lui, se frayant un passage à travers les couples dansant au son de l’orchestre. En arrivant, un peu essoufflée, elle se plaça en face de lui attendant qu’il baisse les yeux vers elle. Lorsque ses yeux vairons se placèrent sur elle, la jeune comtesse eut un court moment d’hésitation, à peine perceptible, avant d’ouvrir la bouche et de parler d‘une voix assez joyeuse.

    « Bien le bonjour ! Je m’appelle Aleth et je m’ennuie un peu, alors j’aimerais savoir si je pouvais rester parler avec vous quelques instants… ? »

    … Un peu pathétique comme présentation, non ? Finalement, elle aurait peut-être dû se préparer un peu à l’avance… mais est-ce que ce n’était pas encore plus pathétique de répéter bêtement un texte vu et revu ? Au fait, à qui parlait-elle ?

    « D’ailleurs, vous êtes… ? »

    C’était bien elle, ça, de parler sans se demander à qui.

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Lord Lucien

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MessageSujet: Re: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptyMar 31 Aoû - 15:37

    Allongé en travers du lit, le drap entortillé autour de son corps, Lucien étendit un bras vers la table de chevet où reposait sa montre. Il prit l'objet d'un geste languide pour l'ouvrir d'une simple pression au creux de sa paume. Se retournant sur le dos, il apprécia un long moment les reflets qui venaient s'éclater contre la surface du cadran. Quand il se releva dans l'atmosphère refroidie de la chambre, les couvertures émirent un bruit continu de froissement. Lucien réprima un frisson. On était déjà au milieu de l'après-midi ; il entendait le vacarme des domestiques s'activant dans la maison, leurs pas précipités, les ordres aboyés, un bruit de vaisselle cassée, des portes qui claquent dans le lointain. Dans la cheminée située en face de lui, le feu se mourrait, seules quelques cendres continuant à rougeoyer au milieu des cadavres friables de leurs congénères dévorés par les flammes. Il poussa un soupir d'agacement. Comment Lelio avait-il pu oublier de chauffer la chambre où il se trouvait? Exaspéré, il ne lui vint même pas à l'idée que si son majordome n'avait pas pensé à lui, c'était parce qu'il ignorait sa présence dans une chambre habituellement inoccupée. Lelio aurait dû attendre derrière la porte qu'il l'appelle, puis lui apporter à manger, lui passer ses habits, sortir de quoi faire sa toilette. Il se serait bien levé afin de lui rappeler son existence à coup de réprimandes ironiques, mais il lui d'abord fallu passer la porte et quitter le cocon protecteur du lit et cheminer à travers toute la demeure dans l'espoir de tomber sur la bonne personne, ce qu'il se refusait à faire. Jamais il ne serait contraint à de telles extrémités.

    En se replaçant sur le coté, prêt à se recoucher, il fut tiré de ses lamentations silencieuses par un raclement de gorge sur sa droite. A cet endroit était allongé un jeune homme d'une vingtaine d'années -sûrement moins, ce genre de garçons ne donnait que rarement leur âge véritable-, les cheveux roux tombant sur ses épaules en fines ondulations, les cils recourbés au-dessus de ses joues enfantines, ses paupières fermées sur des pupilles fascinantes, au mélange invraisemblable de brun et de vert, pigmenté de minuscules paillettes d'or étincelantes. Lucien ramena vers lui une boucle échouée sur son épaule et la caressa un instant avant de la laisser retomber sur le cou de son amant, la laissant effleurer un menton courbe. Il suivit la ligne dorsale de son index, descendit jusqu'à ses hanches, s'attarda sur la peau soyeuse vibrant sous ses doigts, avant de remonter la couverture en la calant près de la nuque du garçon. Il resta à observer son souffle entre ses lèvres, la vibration d'un morceau de chevelure près de sa bouche entrouverte. Enfin, il se laissa retomber sur les oreillers et se colla à son compagnon, écartant ses bras pour se glisser à l'intérieur. Il se recroquevilla contre lui et ferma les yeux, sa figure appuyée sur son torse, une main passée sous sa tignasse flamboyante. En état comateux de demi-sommeil, il retrouva naturellement l'ambiance lourde et enfumée de la baraque miteuse où il avait rencontré l'autre. Il était entré au commencement de la soirée, ignorant volontairement l'invitation à une réception qu'il avait reçue il y avait de cela plusieurs mois et dont l'organisatrice le poursuivait de ses ardeurs, espérant le marier à sa fille. Elle aurait réalisé ainsi un mariage très lucratif, celui-ci assurant à sa descendance regain de renommée -ternie par la réputation de son héritier, mais c'était le titre qui l'intéressait- et richesse. L'esprit des mères de famille était vraiment tortueux. Pervers, à traiter sa fille comme une marchandise à revendre. Et ce comportement était si courant qu'il en devenait lassant. On avait vu des filles unies à des nobles venus de pays lointains qui ne revenaient jamais, coupées de leur famille pour le reste de leur vie, des filles données à des escrocs qui les vendaient ensuite comme prostituées à des bordels, parfois dans la ville de leur propre naissance, sous les yeux de leurs parents qui ne leur accordaient plus un regard, des filles tombant enceinte sans être mariées et disparaissant mystérieusement au cours de leur grossesse, des filles que l'on cloitrait dans leurs chambres sous des motifs divers et qui devenaient folles, et tellement d'autres histoires que l'on entendait, chuchotées entre deux piliers, si l'on tendait suffisamment l'oreille pour saisir les propos fébriles des commères caquetantes. Le genre de racontars qui devenaient par la suite de petites légendes urbaines pétries de fantastique.
    Après cette dernière réflexion, l'esprit de Lucien s'immergea au fond d'une brume cotonneuse avec une lenteur mystique, et le brouillard se dissipa en laissant place à l'obscurité.

    Quand il se réveilla une seconde fois, un feu d'une taille respectable grondait dans l'âtre de la cheminée et la nuit commençait à tomber, déversant sur le paysage ses vapeurs encrées. Dans l'ombre, il devina la silhouette de Lelio assis dans un fauteuil, le vermillon de ses yeux brillant sous son front recouvert de mèches noires. Sur la table de chevet trônait un plateau que son domestique s'empressa de déposer sur ses genoux une fois qu'il eût adopté la position adéquate. Sans un mot, il commença à émietter un bout de pain, en déposant une de temps à autre sur sa langue. Du coin de l'œil, il remarqua que le lit était vide de toute présence, hormis la sienne.
    « J'ai installé votre ami dans une des chambres habituelles près de la vôtre, au deuxième. » fit Lelio en finissant d'ouvrir les rideaux de velours rouge qui descendaient en chatouillant le sol. Il sembla à Lucien qu'il avait insisté sur le terme ''ami'', mais il n'y prêta pas d'attention particulière. Ses excentricités étaient familières à Lelio et il n'avait, de toute façon, pas voix au chapitre sur ses agissements. Il n'était qu'un des nombreux hommes sous ses ordres, pas un égal, encore moins un proche. Il saisit la tasse fumante par sa anse de porcelaine et la porta à ses lèvres, les trempant dans le liquide brulant.
    « Le thé a commencé à refroidir, tu aurais pu faire attention. » se contenta-t-il de répondre avec mauvaise foi. Il n'avait toujours pas digéré l'abandon dont il avait été victime lors de son premier réveil. Le brun s'inclina avec respect, la tête légèrement courbée.
    « Je suis désolé. »
    Sa voix était monocorde, exempt de réel repentir, mais Lucien n'en avait cure, désirant juste lui montrer sa désapprobation quant à son comportement. Il reposa la tasse sur le plateau et l'écarta de lui pour que Lelio vienne le reprendre, bien qu'il y ait à peine touché. Il finissait rarement ses repas, préférant demander une collation venant des cuisines à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit, fut-elle farfelue. La nourriture qu'il demandait différait également beaucoup selon son humeur. Lelio gardait un souvenir cuisant de la fois où il avait écumé la ville afin de dégoter des pommes en plein hiver. Il avait lamentablement échoué et était rentré les pieds trempés, frigorifié, contraint d'écouter les commentaires désobligeants de son maitre pendant une heure sans interruption. Il avait eu des envies de meurtre ce jour-là. Lucien se leva, emportant le drap avec lui.
    « Va me chercher mes affaires, nous sortons ce soir. »

    La réception à laquelle il comptait se rendre se serait volontiers passée de sa présence, bien que la bienséance ait voulu qu'on lui accorde une invitation. C'était pour cette raison qu'elle était plus divertissante qu'une fête normale. Les nobles le regardaient d'un air torve avant de détourner la tête comme s'ils allaient se bruler rien qu'en le regardant. Lucien sourit derrière son verre. Ils étaient tellement ridicules. Tellement pitoyables, engoncés dans leurs principes et leur morale à quatre sous. Quel bonheur de pouvoir les outrager si facilement. En connaissance de cause, il aborda une femme d'un âge déclinant, engoncé dans une robe trop colorée pour elle, serrée dans un corset qui devait l'obliger à respirer par à-coups, au bord de l'étouffement. Ses bras dépassaient de ses manches, gras abattis ayant perdu le semblant de grâce qu'ils avaient un jour possédés. Une expression enjôleuse sur le visage, il entreprit de lui faire la conversation en glissant une ou deux fois des allusions sur une éventuelle infidélité conjugale, l'insultant de remarques acides et discrètes, s'attaquant à la morale par des phrases détournées. Au final, la dame partit vers un autre homme, d'un rang supérieur au sien et qui se ferait vraisemblablement un plaisir de discuter avec elle en vantant les mérites de sa beauté et de son intelligence -et en mentant ouvertement par la même occasion. Il reposa son verre sur un plateau porté par un serviteur évoluant au milieu des convives et sentit soudain une présence près de lui. Il baissa les yeux vers une jeune fille blonde, mince, aux yeux d'une couleur oscillant entre le bleu et le vert qui semblait attendre qu'il la remarque. Un peu surpris, il la laissa se présenter de sa voix précipitée, un peu essoufflée. Quand elle lui demanda son nom, son sourire moqueur revint flotter sur ses lèvres sans méchanceté, appréciant l'audace de cette enfant qui venait l'aborder. Elle était délicieuse, toute en candeur et en innocence, directe. Il remit derrière son oreille une mèche qui était venue lécher une de ses pommettes, puis se pencha vers elle, saisit sa main et la porta à ses lèvres.
    « Lucien pour vous servir, jeune demoiselle. C'est un honneur de vous rencontrer. »
    Il se redressa, les pupilles brillant d'un amusement contenu, la tête délicatement penchée sur le coté.
    « Ce serait un plaisir de discuter avec vous, Aleth, du sujet qu'il vous plaira. Après tout, une soirée n'est-elle pas faite pour parler? »
    Se rapprochant, il désigna d'un geste large l'ensemble de la salle décorée avec un luxe tapageur, les convives enturbannés répartis par groupes de deux ou trois, la table regorgeant de mets à la mode.
    « Malheureusement, il est triste de constater que les réceptions de ce type se révèlent souvent par trop ennuyeuses. » murmura-t-il près de son oreille.
    Il salua d'un bref signe de tête un marquis et un duc qui l'avaient entendu et le fixaient avec un froncement de sourcils désapprobateur.

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Lady Aleth

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MessageSujet: Re: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptyMer 1 Sep - 18:18

    L’homme la regarda un instant, un sourire étrange sur le visage, avant de se présenter.

    - Lucien pour vous servir, jeune demoiselle. C'est un honneur de vous rencontrer.

    Son ton était poli, mais ses yeux brillaient d’un amusement contenu. Il… se moquait d’elle ? Elle n’était pourtant pas spécialement drôle, elle était même plutôt sérieuse !

    - Ce serait un plaisir de discuter avec vous, Aleth, du sujet qu'il vous plaira. Après tout, une soirée n'est-elle pas faite pour parler ?

    Parler… elle n’allait pas souvent à des soirées, mais Aleth pensait que c’était plutôt pour s’amuser et danser que les convives venaient. Le noble montra la salle dans son ensemble avant de reprendre à voix basse.

    - Malheureusement, il est triste de constater que les réceptions de ce type se révèlent souvent par trop ennuyeuses.

    La jeune fille hocha lentement la tête pour approuver, laissant les invités les regarder d’un air scandalisé. De toute façon elle était partie pour se faire sérieusement réprimander, alors autant que ce soit pour quelque chose ! Prise d’un soudain malaise Aleth se tourna vers son interlocuteur, mais le comte semblait également se ficher des rumeurs. Tant mieux, elle n’aurait pas pu supporter une leçon de morale, surtout en ce soir particulièrement assommant.

    - Si vous vous ennuyez, pourquoi avez-vous pris la peine de vous présenter ici ? J’ai été forcé à venir, mais si j’avais été à votre place j’en aurais profité pour…

    D’ailleurs, qu’aurait-elle fait ? La jeune noble pris son menton dans sa main, un doigt sur la bouche, signe qu’elle réfléchissait. Il y avait tellement de choses à faire, d’endroits à visiter… mais ce soir, où serait-elle aller ? L’adolescente se tourna vers les immenses baies vitrées, avant de sourire et de reprendre la parole d’un air rêveur.

    - Peut-être que je serais aller voir les étoiles, le ciel est dégagé et je suis sûre que j’aurais vu énormément de choses magnifiques. Et vous ? Si vous n’aviez pas eu l’idée, pardonnez-moi, un peu stupide de venir ici, qu’auriez vous fait ? Non pas que votre présence me dérange mais je me demande un peu…

    Son ton avait changé au cours de sa tirade, passant de la divagation à la réelle curiosité. En effet, la plupart d’un gens venant à la réception était là pour ragoter et se montrer au Monde. Aleth marqua un temps de pause dans ses réflexions, puis se rendit compte que rien ne prouvait que Lucien n’était pas comme tout les autres. En attendant sa réponse, elle piocha un muffin dans un des innombrables plats s’étendant sur la table. Elle n’avait pas beaucoup mangé en prévision de la soirée, mais la vue de tout ces nobles grouillant autour de la nourriture lui avait coupé l’appétit au début de la fête. Maintenant que les convives s’était éloignés elle ne ressentit aucun malaise à mordre dans le gâteau qu’elle venait de choisir. Comme prévu la nourriture était délicieuse, les cuisiniers devait vraiment se surpasser lors de ses soirées. Autour d’elle les convives continuaient à danser au rythme de l’orchestre, envahissant la salle de corps tournoyants. La jeune fille aimait bien danser, mais elle avait peur de se faire écraser par la foule si jamais elle commettait l’erreur de faire un pas sur la piste de danse. Tant pis, elle danserait dans sa chambre lorsqu’elle rentrerait, en essayant de se rappeler des mélodies. En se retournant vers Lucien elle avala le dernier morceau de muffin et attendit.


    HRP : C'est couuurt par rapport à toi buuuh ;__;

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Lord Lucien

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MessageSujet: Re: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptyVen 10 Sep - 14:40

    Immobile, Lucien écouta l'adolescente lui répondre d'une manière qui l'enchantait particulièrement. La dernière personne à qui il avait fait part de ce genre d'observations l'avait dévisagé d'un air choqué pendant une minute avant de lui tourner le dos en pestant contre son caractère désobligeant. Il était donc appréciable de mesurer la différence de réaction, d'autant plus vive que celle qui s'adressait à lui à présent ne devait pas dépasser les quinze ans. Et qu'elle n'était nullement déstabilisée par sa remarque.

    « Si vous vous ennuyez, pourquoi avez-vous pris la peine de vous présenter ici ? J’ai été forcé à venir, mais si j’avais été à votre place j’en aurais profité pour… »

    Il haussa un sourcil, ses doigts gantés venant caresser ses lèvres, puis se glissant dans la poche de sa veste, laissant son bras pendre avec flegme le long de son corps. Quelle question. Il ne lui serait pas venu à l'idée que l'on puisse la lui poser, ses pensées enfermées comme elles l'étaient à l'intérieur de son quotidien clos de contestations et de bravades. La réponse lui en semblait tellement logique. Il était là justement parce qu'il abhorrait ce qu'il y voyait, parce qu'il méprisait ce type de réceptions et les gens qui s'y trouvaient dans leur totalité. Il était là parce qu'on désapprouvait sa présence, parce qu'on aurait préféré qu'il s'enferme chez lui, vivant reclus pendant le reste d'une vie qu'ils espéraient courte. Parce qu'entre lui et les autres s'était forgé un mur d'irritation et de désapprobation qu'il entretenait soigneusement, gravant ses provocations sur leurs cœurs avec un soin d'orfèvre, doucement. Il se fichait des rumeurs qui circulaient sur lui: elles étaient la récompense de ses efforts. Suivre ses envies était sa première règle. Aller à l'inverse de celles des autres était la seconde. Il se plaisait à aller là où on ne l'attendait pas. La discrète ironie était son arme, les remarques ouvertes ses ornements, et la seule barrière qu'il s'astreignait était ce qui touchait aux chefs de leur régime politique. Il était virulent dans ses effronteries, mais non suicidaire. Et chacun savait que les opposants aux petits jouvenceaux les gouvernant ne faisaient jamais long feu. Les chuchotements parlaient d'une résistance à mots couverts, de coups d'état qui se préparaient puis échouaient, de plans téméraires se montant dans le froid d'une chambre d'auberge impersonnelle ou dans l'intimité de bouges malodorants. En public, on assistait aux exécutions sommaires, à la chute d'hommes abattus d'une balle logée proprement dans la nuque puis laissés dans la boue comme des chiens. En connaissance de cause, le comte affichait profil bas et ne s'approchait pas de ces deux garçons dardant sur leurs sujets un regard cruel et fixe, telles des poupées de faïence insensibles. Ils étaient trop loin pour lui, trop irréels aussi. Ainsi, il privilégiait ceux de son espèce, ceux qu'il connaissait et pouvait atteindre, pas comme ces enfants étranges. Étrangers. Ils n'étaient pas assez réactifs et possédaient sur lui une marge de pouvoir importante. Pourquoi appeler la mort de soi-même? Ce n'était que stupidité. La bêtise et l'orgueil de pauvres gens pour lesquels il n'y avait plus que leur extinction qu'ils puissent dédier à leur fierté bafouée, plus que la fin de ceux qui n'ont pas courbé la nuque et se sont battus. Et lui ne comprenait pas comment on pouvait attacher tant d'importance à des événements si futiles. Tant que l'on avait une tranquillité relative, pourquoi provoquer ce que l'on ne serait pas capable de réfréner par la suite? C'était pitoyable.
    La prétention du jeune homme l'aidait à se penser différent. Il surplombait ses congénères sans que leurs coups ne l'atteignent, riait de leurs regards courroucés, se déployait sans eux et leur stupide morale, une ronce froide et sauvage. Il les laissait s'empêtrer dans leurs lois implicites sans s'en imposer d'autres que les siennes propres, bafouant leurs codes avec une joie non dissimulée. Si cela le rendait heureux, quelle raison aurait-il eu de s'arrêter? Pensifs, ses doigts vinrent caresser le fond de sa doublure pendant que la jeune fille continuait à parler.

    « Peut-être que je serais aller voir les étoiles, le ciel est dégagé et je suis sûre que j’aurais vu énormément de choses magnifiques. Et vous ? Si vous n’aviez pas eu l’idée, pardonnez-moi, un peu stupide de venir ici, qu’auriez vous fait ? Non pas que votre présence me dérange mais je me demande un peu… »

    Lucien la détailla avec insistance, son regard posé affichant une intensité claire, presque malsaine, impassible. Iris gênant quelquefois ses partenaires. Aleth ne s'encombrait pas de fioritures, elle paraissait exprimer directement sa pensée avec une facilité effrayante. Était-elle encore trop jeune pour tomber dans la spirale enivrante de promesses d'une existence plate et sans attraits? Ou avait-elle fait le choix de tourner le dos aux valeurs de l'hypocrisie de son plein gré? Il haussa les épaules. Dans les deux cas, elle serait distrayante à côtoyer, ne serait-ce que par le fait qu'elle n'avait pas l'air d'avoir vraiment la tête sur les épaules, affichant un idéal rêveur et dissipé. Lui ne faisait que peu de cas des étoiles. Elles n'étaient que des points opalescents qui répandaient leur pâle lumière une fois la nuit tombée, ne conférant pas assez de visibilité pour marcher sans éclairage, disparaissant avec une facilité déconcertante derrière les nuages, trop faibles pour imposer leur présence d'elles-mêmes. Même la lune se laissait imposer son rythme par les saisons, les mois, les jours, ne se montrant que partiellement la plus grande partie de l'année. Magnifique, ce spectacle? Il n'y trouvait qu'une scène commune, habituelle. Il suffisait de sortir de chez soi pour l'admirer tout son soûl, alors quel intérêt y avait-il à le rechercher? Il était plus attiré par les choses de la terre, ce qu'il pouvait palper et apprécier. Il ne voyait pas d'intérêt à ce qui n'avait d'autre utilité que celle de servir d'artifice à un morceau d'obscurité. En cela, Aleth se distinguait des membres de son espèce, ces nobles aux vêtements ouvragés et aux intonations forcées qui préservaient leurs faux-semblants. Mais peut-être était-elle à l'image de ces jeunes filles romantiques qui rêvent d'un beau garçon à épouser et qui croient dur comme fer que l'amour viendra frapper à leur porte. Dans la masse de celles qui aspiraient à un beau mariage, elles existaient, fleurs délicates qui ne s'en briseraient que plus vite.
    Pourtant, Lucien se surprit à réfléchir. S'il n'était pas venu ici -idée proprement impensable, il était bien trop heureux de venir casser les pieds à l'assistance- quelles auraient donc été ses occupations? Rien que de très ordinaire, probablement. Il éclata d'un rire cristallin.

    « Une question à la fois, charmante enfant. » Il marqua une pause dans son élocution, balayant la salle du regard. « Vous avez raison, je suis mon propre maitre et rien ne m'obligeait à me présenter en ce lieu. » Il braqua à nouveau ses yeux sur elle, son sourire s'élargissant sur ses dents. « Cependant, il se trouve que me rendre là où je ne suis pas le bienvenu me plait énormément. »

    S'il n'avait pas été là, à l'intérieur de cet écrin d'or et de velours, il aurait été emprisonné dans un cocon de draps, occupé à satisfaire la créature qui avait en ce moment ses faveurs. Il serait resté à paresser pendant des heures contre un corps chaud et vigoureux, puis se serait endormi, blotti sur l'oreiller, ses doigts passés dans ceux de l'autre, ses ongles grattant sa peau. Ou il serait allé s'amuser dans les quartiers peu recommandables de la ville, adressant la parole aux voyantes crasseuses, ces charlatans qui se contentaient de prédire un avenir aléatoire en échange d'une somme misérable, aux poivrots qui sortaient en titubant des auberges, aux gamins qui cherchaient à lui faire les poches quand il passait auprès d'eux. Ou alors il serait resté auprès de sa mère, transparente créature habillée de dentelle. Une vieille femme maintenant, qui radotait en parcourant la maison, passant sans arrêt d'une humeur joyeuse à une hystérie inquiétante.

    « Quand à ce que j'aurais fait si je n'étais pas venu... »

    Il plaça son menton dans la paume de sa main comme s'il réfléchissait, détachant à nouveau ses pupilles disparates de son interlocutrice avant de revenir à elle. La franchise lui semblait de mise avec cette demoiselle qui aimait lancer des interrogations sans préavis. Contrairement à son entourage, il n'avait pas l'impression qu'elle se cachait. Si ces questions étaient venues d'une de ces femmes vieillies et endimanchées qui pullulaient ce soir, aucun doute qu'il les aurait esquivées, ou mieux, qu'il aurait remodelé ses propos de manière à choquer leur esprit bien-pensant. Si elles étaient sorties de la bouche charnue d'une idiote juvénile, il aurait piqueté ses phrases d'un zeste de séduction, histoire de les guérir de leurs illusions colorées avec calme et rudesse.

    « Hé bien, je serais resté chez moi, sans aucun doute. Je ne suis pas très original. »

    Faisant une pause, Lucien empoigna sa canne pour en tapoter les dalles devant lui, déclenchant un bruit régulier et aigu qui fit se retourner sur lui quelques nobles irrités. Il s'arrêta et la tendit devant lui, tenant en visée une cible invisible, plissant une paupière androgyne.

    « Mais, il me vient également une question. Si vous voulez tellement voir les étoiles -activité qui ne me passionne pas personnellement, mais après tout je suis mal placé pour juger de vos goûts- pourquoi ne vous éclipsez-vous donc pas de cette soirée qui paraît vous ennuyer au possible? Ce serait tellement facile de partir l'espace d'une heure et de se faufiler au-dehors sans que personne ne s'en aperçoive. »

    Il se sentait réellement curieux. Car si Aleth désirait sortir, si elle le désirait vraiment, il lui aurait été simple de changer ses aspirations en actions et d'appliquer ses rêveries pour se rendre sous le ciel étoilé. Que lui importait les réprimandes de ses proches puisqu'elle aurait obtenu ce qu'elle voulait? Il n'y avait rien d'insurmontable dans ce souhait. Et Lucien, s'il avait eu le même, n'aurait pas hésité à l'assouvir aussi sec, sans se soucier outre-mesure des désagréments qui pourrait en résulter. Cela lui aurait été égal. Il s'en serait même sûrement réjoui, heureux de bafouer leur futile étiquette.
    Au loin, il aperçut une femme éclater d'un rire poussé à la plaisanterie d'un soupirant.


[HJ: On s'en fiche de la longueur et puis en général long c'est chi/sblarf, tu écris bien alors <3

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MessageSujet: Re: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptyDim 12 Sep - 19:57

    Aleth sentait que le jeune homme réfléchissait et le laissa tranquille. Ça ne voulait pas dire qu’elle abandonnait sa question, juste qu’elle n’était pas spécialement pressée d’en entendre la réponse. Lentement, elle porta sa main à ses lèvres pour en enlever une miette restée accrochée. A l’autre bout de la salle, elle voyait sa mère parler avec un homme aux cheveux noirs. Elle souriait tandis que l’inconnu la prenait par la taille et l’emmenait loin des regards. Le geste de la jeune fille se fit plus distrait puis elle laissa retomber son bras. Voilà une question à laquelle personne ne pouvait répondre. Pourquoi sa mère s’intéressait-elle plus à de vulgaires inconnus qu’à sa propre fille ? L’adolescente secoua la tête puis se ressaisit. Après tout, elle s’en fichait pas mal. Elle détestait sa mère, elle n’avait pas besoin de son amour.
    Dans son dos, elle sentit soudain un regard la transpercer. Elle se tourna curieusement pour voir qui l’observait ainsi, avec néanmoins l’intention de l’envoyer balader, lorsqu’elle se rendit compte que la personne en question n’était autre que Lucien. Elle s’était tellement laissée absorber par ce qu’elle voyait qu’elle en avait oublié la présence du comte. Il la dévisageait avec attention, et pendant un instant Aleth se demanda s’il ne lui avait pas parlé sans qu’elle ne s’en rende compte. Vaguement gênée, elle essaya de se remémorer si elle avait entendu quelque chose, mais rien ne ressortit de sa mémoire. Le jeune homme résolu son problème en reprenant la parole.

    « Une question à la fois, charmante enfant. » Il marqua une pause dans son élocution, balayant la salle du regard. « Vous avez raison, je suis mon propre maître et rien ne m'obligeait à me présenter en ce lieu. » Il braqua à nouveau ses yeux sur elle, son sourire s'élargissant sur ses dents. « Cependant, il se trouve que me rendre là où je ne suis pas le bienvenu me plait énormément. »

    Huum, voilà une réponse à laquelle elle ne s’attendait pas. Enfin, pas vraiment. A vrai dire, à la première impression, elle avait bien soupçonné qu’il était tout sauf comme les autres. Par contre, elle n’avait pas imaginé que l’un de ses buts personnels était d’énerver le monde.

    « Quand à ce que j'aurais fait si je n'étais pas venu... »

    Aleth ouvrit grand ses oreilles, attendant avec impatience la suite de la phrase. Effectivement, qu’est-ce qu’un homme comme Lucien pouvait bien faire lorsqu’il n’était pas à des soirées ? Il semblait tellement… étrange, c’était la première fois qu’elle voyait un noble aussi insoucieux des règles. Tout semblait si facile pour lui. Il faisait ce qu’il voulait, un point c’est tout.

    « Hé bien, je serais resté chez moi, sans aucun doute. Je ne suis pas très original. »

    Sur le coup, la jeune comtesse fit une grimace de déception. Elle avait espérer entendre quelque chose de plus inhabituel, alors que sa réponse était en fin de compte assez banale. D’ailleurs, elle semblait tellement banale qu’Aleth se demanda pendant un instant si Lucien ne lui mentait pas. Elle avait cependant la vague impression qu’il n’oserait pas lui cacher la vérité. A part ses parents, elle n’avait vu personne capable d’une telle chose. L’adolescente le regarda frapper le sol dallé de sa canne puis la lever comme il aurait pu le faire avec une arme quelconque.

    « Mais, il me vient également une question. Si vous voulez tellement voir les étoiles -activité qui ne me passionne pas personnellement, mais après tout je suis mal placé pour juger de vos goûts- pourquoi ne vous éclipsez-vous donc pas de cette soirée qui paraît vous ennuyer au possible? Ce serait tellement facile de partir l'espace d'une heure et de se faufiler au-dehors sans que personne ne s'en aperçoive. »

    De surprise, la jeune fille ne su que répondre. Tout ce qu’il disait était vrai. Elle aurait très bien pu allez dehors si tel était réellement son désir. Pourtant, quelque chose la retenait. Aleth réfléchi un instant avant de répondre d’une voix un peu évasive.

    « En fait… Je me demande si je n’ai pas peur d’aller à l’extérieur. Je pense que même si je me suis jurée d’abandonner… j’en suis incapable… et j’espère toujours que si je suis sage et que je fais ce qu’on me demande, on me remarquera enfin… »

    Ces paroles, même si elles avaient été prononcé à voix haute, étaient plus pour elle-même que pour Lucien. L’adolescente cligna des yeux puis repris la parole d’une voix plus assurée.

    « Je suis venue parce que j’espérais rencontrer des gens intéressants, et je reste parce que je vous parle et que vous m’intriguez beaucoup. »

    Voilà, elle avait dis ce qu’elle pensait. Ce n’était pas exactement la vérité, mais ce n’était pas non plus un mensonge. Elle n’aurait pu répondre mieux.

    HRPG : Voilàà, j'ai écris plus que d'habitude hoho *toute contente* par contre je ne me suis pas relue faute de temps, donc j'espère que ça ira *foudroyée*

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MessageSujet: Re: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptySam 15 Jan - 17:46


[Désolée du retaaaaaard! Et je suis partie intensément en live, désolée pour ça aussi .___.]


    Lucien observa Aleth alors qu'elle hésitait. Sa question était-elle si difficile? Il espérait avoir une réponse à la hauteur de ses attentes et digne d'un individu avec un minimum de caractère, contrairement à ces poupées stupides qui les entouraient. Leurs rires de gorges retentissaient à ses oreilles tandis qu'il attendait, comme si elles s'amusaient à crier contre son oreille. Ils emplissaient la salle, montaient vers le plafond, redescendaient vers les messieurs qui leur faisaient face et affichaient une expression enchantée, très contents de savoir encore que malgré leur âge, ils faisaient rire les demoiselles. Que de réactions creuses! Comme si ces adolescentes ne forçaient pas leur gaieté, comme si ces hommes ne faisaient pas semblant de ne pas s'en apercevoir. Ils étaient bien étouffants, ces semblables aux apparences de soie et à l'intérieur tapissé de pierre.
    Enfin, la voix de son interlocutrice lui parvint, égrenant ses mots par groupes, lentement, comme si elle avait peur de se tromper en accélérant.

    « En fait… Je me demande si je n’ai pas peur d’aller à l’extérieur. Je pense que même si je me suis jurée d’abandonner… j’en suis incapable… et j’espère toujours que si je suis sage et que je fais ce qu’on me demande, on me remarquera enfin… »

    Il resta grave, sa canne précédemment levée basculant à son côté avec un bruit sourd puis raclant le sol lorsqu'elle reprit sa place près de sa hanche. Il s'y appuya brièvement, faisant basculer la charge de son corps sur sa jambe droite pendant que deux de ses doigts se glissaient dans la poche de son vêtement, frottant l'un contre l'autre tandis qu'il réfléchissait. Il ne pouvait comprendre qu'à demi-mot la portée des paroles de la petite fille qui lui faisait face. Petite fille, car quelle âge pouvait avoir une enfant si blonde, si minuscule et si naïve, qui pensait que le changement était possible? Lucien n'y croyait pas, ou plutôt il avait cessé d'y croire depuis longtemps. Ce qui était ne se défaisait pas, ce qui avait avancé ne revenait pas en arrière, ce qui n'était jamais arrivé était peu probable de se produire un jour. Seulement, ce genre de constatations s'appliquaient souvent dans le mauvais sens ; car si les événements bénéfiques étaient rares, les catastrophes avaient tendance à ne pas se faire prier pour troubler l'ordre établi, allant jusqu'à se multiplier quand leurs victimes demandaient grâce avec un désespoir qui faisaient pâlir d'envie les cris déchirés des bêtes sauvages à l'approche de la mort. Lors d'une chasse particulièrement meurtrière, quand ils sentaient que leur famille n'était plus et que leur fin était inévitable. Ainsi, les nobles restaient nobles, les boulangers continueraient à cuire du pain jusqu'à ce qu'ils s'éteignent, les chiens seraient toujours des gardiens fidèles ou des mendiants dépendant des poubelles. Seuls quelques membres du bas peuple osaient rechigner contre leur destin. Mais s'ils arrivaient à changer leur existence, s'ils parvenaient à se hisser dans la hiérarchie plus haut que ce qu'ils en avaient espéré, nul doute qu'ils deviendraient comme ceux qu'ils haïssaient, épris de pouvoir et insoucieux du sort de leurs congénères. Leurs amis restés dans la crasse leur sembleraient dérangeant, leur famille mal éduquée honteuse, leur maison indigne. Ils chercheraient à imiter ce qu'ils avaient détrôné pour se sentir à la hauteur.
    Il était préférable de ne pas aller contre sa nature. On ne se métamorphosait pas. Coincé entre des œillères opaques, les humains préféraient ne pas reconnaitre leur fautes, persuadés de leur bon droit. Ils la rejetaient automatiquement sur leurs voisins. Il était tellement plus facile de se dire que les autres avaient tort plutôt que de se retourner sur soi-même et de s'interroger, risquant de détruire ce que l'on avait été jusque là, ce que l'on avait accompli, ce que l'on avait vécu. Ce qui avait été à la sueur des fronts ne méritait-il que d'être défait, comme une simple erreur qui oblige la brodeuse à arracher les fils d'une tapisserie pour la recommencer? Comment accepter de sortir d'un cocon si chaleureux d'auto-satisfaction? Il fallait bien se convaincre qu'on avait raison. Inconsciemment pour la plupart, consciemment pour les autres, ils avançaient avec la certitude que reculer serait donner des marques d'une faiblesse qui les définirait comme coupable. Ne pas faire demi-tour devenait leur credo, marteler leur mode de vie comme un idéal une nécessité pour survivre. La mort des actions commençait par la mort des mots ; pour y parer il fallait clamer ses opinions de toute la force de ses poumons. Et lorsqu'on l'avait fait, on pouvait affirmer avec un sourire pleinement satisfait ''J'ai fait ce qu'il fallait que je fasse, parce que j'avais deviné juste''. Malheureusement, ce qui était juste différait selon les individus, et les conflits, alimentés par le refus d'un abandon, n'en finissaient pas.
    C'était un concept applicable à la politique comme aux relations familiales ou amicales. Un vaste cercle répétitif.

    Si Lucien était persuadé de détenir une vérité fondamentale, il se considérait également comme extérieur à ces généralités. Il n'avait pas d'opinion politique à proprement parler -ses dirigeants comme ses semblables ne méritaient que son mépris, pas d'attachement particulier -il aimait quelques personnes, certes, mais n'en considérait que peu comme irremplaçables, et pas d'habitudes spécifiques. Il faisait ce qu'il voulait et cela lui suffisait pour supporter son quotidien. Vivre, chez les autres, c'était comme marcher sur des œufs qui menaçaient de se briser à chaque pas. Ils oscillaient dans un état de semi-malheur qui menaçait de les engloutir à chaque pas, des améliorations épisodiques leur permettant de maintenir la tête hors de l'eau. Jamais il ne lui serait venu à l'idée de se considérer dans un cas semblable, se prétendant libre et au-dessus de toute contrainte, qu'elle soit sociale ou psychologique.

    Je me demande si je n'ai pas peur d'aller à l'extérieur. Malgré lui, Aleth lui rappelait la princesse des contes pour enfants, celle qui, au sommet de sa tour, attend que l'on vienne la chercher sans réussir à faire le premier pas.
    J’espère toujours que si je suis sage et que je fais ce qu’on me demande, on me remarquera enfin. Il eut envie de lui dire : jamais, jamais on ne fera attention à toi si tu restes en arrière. On te lancera un regard appréciateur pour dire que tu es une bonne fille obéissante et on t'oubliera. Si tu restes passive on ne reconnaitra pas que tu existes. Le mouvement est la seule solution pour t'imposer. Seulement, si tu n'oses pas, il ne se passera rien et tout restera à l'identique.

    « Je suis venue parce que j’espérais rencontrer des gens intéressants, et je reste parce que je vous parle et que vous m’intriguez beaucoup. »

    Lucien sourit, abandonnant ses débats philosophiques pour plisser les yeux dans une expression légèrement prédatrice, son orgueil se trouvant magnifié par l'intérêt que venait d'avouer la fillette. Il aimait qu'on le remarque. Que ce soit en bien ou en mal, il s'appliquait à se détacher du troupeau béat de la noblesse. Il n'accepterait pas qu'on le confonde avec eux.
    Il s'inclina devant Aleth, mi-moqueur mi-sincère, comme il l'aurait fait devant une jeune fille à conquérir. Cependant, la comparaison ne lui parut pas judicieuse. Il savait que certains nobles appréciaient les jeunes gens d'une manière qu'il jugeait fortement obscène, mais salir ainsi des innocents ne l'attirait pas. Lui qui ne possédait qu'un sens moral assez restreint jugeait un tel acte répugnant. Que l'on croit qu'il s'y adonnait l'amusait relativement et il entretenait la rumeur pour le plaisir d'admirer les visages choqués, mais il ne l'aurait pas fait. Ces agneaux se souilleraient bien assez vite, pourquoi avancer si cruellement l'échéance? Il fallait leur laisser le temps de l'espérance.

    « Je suis heureux de vous intéresser. Sachez que ce sentiment est réciproque. »

    En se redressant, il remit en place des boucles de cheveux blonds qui étaient venues s'égarer devant ses yeux, lui brouillant la vue. Son regard, un instant absent, se fixa sur l'entournure du corsage d'Aleth.

    « Si je puis me permettre, la sagesse peut aussi être une plaie. Personnellement, je n'ai que peu d'admiration et de considération pour ce trait de caractère. Être sage est très ennuyeux. »

    Quelque part il le pensait, bien que les gens trop démonstratifs ou engoncés dans leur opinion aient tendance à lui courir rapidement sur les nerfs. Cependant, ceux qui n'osaient pas s'affirmer et restaient dans l'ombre des autres ne lui inspiraient qu'un mépris condescendant.
    Il laissa son regard balayer la salle. De qui Aleth avait-elle envie de conquérir l'estime? Un amoureux indifférent, une famille agacée, des amis trop sérieux? Il finit par hausser les épaules. Tout cela n'avait que peu d'importance ; pourquoi ne les laissait-elle pas fulminer dans un coin tandis qu'elle pourrait faire ce qu'elle désirait? Pourquoi essayer de conquérir des gens qui n'en avaient rien à faire?
    Soudain, il eût envie de leur subtiliser la petite fille pour qu'elle puisse réaliser ce dont elle avait envie, fût-ce un acte minime. Ce n'était pas de la gentillesse. C'était sa constante révolution et son esprit de contradiction qui s'émoustillaient à la vue d'une nouvelle rébellion possible, emmenant dans son sillage un complice ignorant.

    « Me permettiez-vous de vous emmener dehors? » finit-il par demander d'un ton doucement ironique, semblant mélanger la demande d'une faveur et un défi dissimulé.

    Oserez-vous répondre positivement?

    « C'est une invitation, il serait malpoli de refuser, n'est-ce pas? » continua-t-il. « Si j'en prend l'initiative, on ne vous en tiendra pas rigueur. »

    Rien n'était moins sûr au vu de sa réputation, mais il trouvait drôle de faire semblant de l'ignorer. Humour assez improbable, mais qui donnait à Lucien une pleine satisfaction parce qu'il en saisissait l'entière ironie : celle du mouton noir au milieu des brebis qui acceptaient de jouer au jeu de la conciliation en l'absence du loup qui disperserait automatiquement leur solidarité fictive. En s'affichant comme un briseur de règles dès le début, sans doute faisait-il preuve de moins d'imposture. Pourtant, il y avait encore tellement de raisons à énumérer qui l'affirmaient hypocrite ; et ce trait de caractère le renvoyait irrémédiablement à son milieu, dont il était l'image fidèle passé de l'autre bord, le reflet enfermé de l'autre côté du miroir, analogue et indiscutablement séparé de son double.
    Ses doigts tapotèrent le pommeau de sa canne tandis qu'il tournait la tête vers une fenêtre située à sa droite. Si les étoiles lui étaient agréables, il tacherait de les trouver à mon goût aussi. Cela faisait longtemps qu'il ne leur avait pas prêté attention.

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J'ai tous les défauts des autres, et cependant
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MessageSujet: Re: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptyMer 19 Jan - 19:36

    Sur le visage de Lucien apparaissait maintenant... Un sourire. Pas un sourire faux comme ceux des servantes ou des nobles désirants se faire apprécier. Non, un vrai sourire, un qui ne cache pas de pensées et qui laisse tout apercevoir. Un léger pli se forma entre les deux sourcils de la jeune fille alors qu'elle essayait de distinguer les différents sentiments du comte. De l'enthousiasme peut-être... Ou bien était-ce simplement de l'orgueil ? Aleth avait beau essayer de trouver, elle n'avait jamais été très douée pour ce genre d'exercice. Soudain, elle vit le jeune homme s'incliner et elle recula de surprise. Il avait pris un coup sur la tête ?! Quelqu'un l'avait frappé et sa tête avait été propulsé en avant, c'était impossible autrement. Jamais aucun noble ne s'était incliné devant elle... La toute petite comtesse parmi les comtesses ! Incroyable.

    "Je suis heureux de vous intéresser. Sachez que ce sentiment est réciproque."

    Un instant, le cerveau de l'adolescente se bloqua. Avant de repartir brusquement. Il plaisantait n'est-ce pas ? Bien sûr qu'il plaisantait, elle n'était pas réellement intéressante... Les yeux à demi plissés, elle l'observa se redresser et enlever quelques mèches de cheveux de son champ de vision. Ses yeux se perdirent dans le vague, et au moment où Aleth allait prendre la parole il se réveilla. Quel étrange monsieur...

    "Si je puis me permettre, la sagesse peut aussi être une plaie. Personnellement, je n'ai que peu d'admiration et de considération pour ce trait de caractère. Être sage est très ennuyeux."

    Ennuyeux ? Elle n'avait pas l'impression de s'ennuyer lorsqu'elle était obéissante... Même s'il était vrai que la vie était on ne peut plus intéressante lorsqu'elle n'était pas limitée. Ne sachant que dire, elle balança le poids de son corps sur son pied droit, puis sur son pied gauche, et à nouveau sur son pied droit. Elle avait l'impression d'être parfaitement stupide. Pourtant, ce n'était pas quelque chose qui lui arrivait souvent. Ce Lucien était très fort.

    "Me permettiez-vous de vous emmener dehors?"

    Le ton détenait quelque chose qu'Aleth n'arrivait pas à identifier. Un tout petit quelque chose qui la dérangeait, lui donnait envie de réfléchir sérieusement à sa réponse. Parce qu'évidemment, si elle avait obéit à son envie première, elle aurait dit non. Elle n'était pas venue ici, se traînant misérablement à cette fête avec désespoir, pour repartir au bout d'une seule petite heure. C'était inconcevable. Mais... Il y avait cette intonation. Cette misérable intonation qui l'empêchait de parler maintenant. Peut-être que la suite de la tirade l'aiderait à y voir plus clair ?

    " C'est une invitation, il serait malpoli de refuser, n'est-ce pas? Si j'en prend l'initiative, on ne vous en tiendra pas rigueur."

    Ah. Un défi. Et puis de l'ironie horriblement dissimulée. Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus tout à l'heure et ça l'énervait, mais maintenant qu'elle avait trouvé, ça allait. Un autre doute arriva cependant. Il était sérieux lorsqu'il avait dit qu'elle ne risquait pas d'être réprimandée si elle le suivait ? Parce que personnellement elle en doutait un peu... Enfin, de toute façon, elle savait quand même exactement ce qu'elle allait répondre. Un sourire adorable - presque de petite fille - aux lèvres, elle entama sa phrase d'un ton enjoué.

    "Mais bien sûr, avec grand plaisir. Si nous allions dans le jardin ? Nous pourrions jouer à cache-cache. Cependant, je vous préviens, je suis très douée."

    A un défi, elle répondait par un autre. Aurait-il l'audace d'accepter ? Si c'était le cas, de toutes les manières elle gagnerait. Elle connaissait toutes les cachettes, il était impossible de la trouver - ou de lui échapper d'ailleurs -. Au moins, ça l'amuserait un instant. Si elle avait l'occasion de voir ce comte si étrange jouer à un jeu aussi banal, elle rirait certainement beaucoup. Elle le voyait bien pourtant, chercher dans l'herbe frénétiquement à la recherche d'une fillette ne s'y trouvant pas. Ha oui, très très amusant ! Si seulement il pouvait donner une réponse positive... Sa soirée deviendrait probablement beaucoup plus amusante qu'elle ne le promettait au départ ~

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MessageSujet: Re: Mad tea party } PV Lulu    Mad tea party } PV Lulu  EmptySam 5 Fév - 21:44

    C'est une jolie distraction que cette rencontre. C'est une valse effrénée, c'est un tourbillon secret, c'est un complot caché. Et dans ce pas-de-deux plein d'une élégante dissimulation, je veux vous emmener. C'est mon initiation et mon apprentissage. Plus que cela, c'est une mise à l'épreuve à laquelle je veux vous soumettre de telle manière que le refus vous soit impossible.

    Jouez avec moi, le temps n'en passera que plus vite.

    Qu'avons-nous besoin de ces gens qui nous frôlent sans nous voir de leurs chaussures pointues? Vous avez tellement à offrir au monde et j'aimerais vous donner ce que je sais. Oh pardonnez-moi, c'est un mensonge. J'aimerais vous manipuler comme je le ferais d'une charmante marionnette de bois. Finalement, chassons la vérité : vous voir vous tendre contre cette autorité à laquelle vous semblez irrévocablement soumise, celle qui vous aveugle, ressemblerait à mon triomphe. Que vous importent les rires qui vous mettent à l'écart. Je vous apprendrai la médisance et la moquerie. Nous nous sentons toujours mieux dans le dédain quand nous ne pouvons susciter l'approbation. Nous sommes soulagés en crachant sur ce que nous ne possédons pas. Ces principes seront la base qui enflammera votre émancipation. Et si vous n'acceptez pas mon enseignement, ce serait si, si amusant de vous isoler contre votre gré. C'est peut-être de la cruauté. Qui êtes-vous pour juger? Ce sentiment, je l'appellerais plutôt compassion. Ainsi je vous sauverais, n'est-ce pas romantique? Oui, dans un sens. Le romantisme est la séduction des conteurs et l'arme des menteurs. C'est l'exagération portée à son point culminant, c'est l'hypocrisie -encore elle, pourrait-on crier- sous son plus beau jour, c'est le reflet sans son référent mimétique.

    Mais laissons là ces contemplations stériles, à l'instant où la puérilité de l'enfant que vous êtes se déclare, où celle de l'enfant que j'ai cessé d'être se manifeste, comme un relent des années passées, comme le miroitement fugace d'un paysage d'été verdissant. Les images en défilent plus ou moins consciemment dans ma tête. La verdure, les cerises, l'étang, les rires, les feuilles de chêne, les peupliers au bord de l'eau, les discussions joyeuses, les cris des petits jouant au loup, les rayons du soleil battant la surface, les barques, le bruissement léger du vent, les tasses de thé, la nappe de dentelle, l'odeur des gâteaux, la table blanche, le trottinement de la cuisinière, les tâches sur les vêtements, l'odeur de savon de ma mère, les poupées des fillettes, les tignasses emmêlées, les joues rougies comme des pommes mûres. Une image d'Épinal sur du papier glacé, insensible et brillant. Où s'arrête la réalité et où commence ma réinvention? A partir de quand l'idéalisation a-t-elle pris le pas sur la mémoire en la modifiant de ses discrètes retouches successives? Les pigments se sont mélangées et la vérité s'est perdue. J'ai oublié. Mais cette défaillance a-t-elle réellement une quelconque importance? Si les souvenirs n'en deviennent que plus chers, je me dois de les accepter. Quel contraste avec le monde déclinant d'aujourd'hui! Les yeux de l'âge tendre, confinés sous les œillères que leurs proches accrochent soigneusement sur les côtés de leur tête, sont sans doute les plus beaux. La crédulité est souvent la recette des bienheureux. Fût un temps où j'eus l'honneur de posséder cet atout. La chute n'en fût sans doute que plus dure, comme le disent les faussement compatissants. Je déteste cette phrase prédéfinie. Elle n'a aucun intérêt. Elle ne me plait pas. Je devrais la rayer. Cependant je l'ai déjà formulée et ne peut revenir en arrière ; elle restera donc là, comme le témoin dérangeant de mes déraillements linguistiques. Mais effacez-la de votre mémoire, s'il-vous-plait, je vous ai dit qu'elle n'en valait pas la peine, comme l'ensemble des lieux communs. Pourtant ils sont toujours là, parasites. Dommage qu'il n'existe aucun moyen d'écraser ces sangsues intellectuelles. Ce serait très pratique. On serait capable d'annihiler les existences néfastes assez facilement. Ce serait, ça aussi, une sorte de jeu.

    Jolie Aleth, encore une fois je m'égare et vous laisse sans attention. N'ayez crainte, en cette soirée -et sûrement seulement pour elle, mais qui pourrait l'affirmer avec certitude? Le destin nous mènera-t-il vers une autre rencontre imprévue? Je n'aime pas le destin. Il m'ennuie. Le destin, c'est moi. Je décide et le monde m'obéit : et cela, simplement, c'est la jouissance- vous êtes le centre de mes préoccupations les plus intenses. Et du haut des trois petites pommes qui composent votre taille, votre visage se change, et moi je l'observe. Si je l'osais, je parlerais de fascination, planté comme je le suis devant cette glissade d'expression. Saurez-vous me surprendre? Saurez-vous surprendre les autres? Saurez-vous vous surprendre vous-même? Les anges de plâtre, coincés sur leur plafonnier, vous jaugent de leurs yeux creux.

    C'est le début de la comédie.

    « Mais bien sûr, avec grand plaisir. Si nous allions dans le jardin ? Nous pourrions jouer à cache-cache. Cependant, je vous préviens, je suis très douée. »

    Lucien dévisagea la jeune fille puis sourit doucement. Les coins de sa bouche se relevèrent imperceptiblement selon la courbe de l'étirement qui les malmenait. Devant lui, une chenille difforme se tortillait pour devenir papillon. Il entrevoyait ses ailes humides à l'aube de la chrysalide, les antennes fragiles palpant l'air de la naissance, les pattes filiformes formant une araignée noire sur la blancheur de son enveloppe. Les cercles s'affaissaient au fur et à mesure. C'était l'accouchement d'une nature instable. En provoquant Aleth, il ignorait ce qui en ressortirait exactement ; il désirait seulement, dans son éternel désir de chaos aristocratique, amener un semblant de querelle entre elle et ceux qui lui imposaient obéissance, ou du moins un embryon de rébellion. Et voilà que l'élève cherchait à dépasser le maitre. La chenille grimaçante voulait prendre le contrôle et instaurer son autorité par-dessus ses ailes racornies, alors que son arrière-train était toujours dans sa carapace. Vaillamment, l'humide papillon, tel une figure de l'Alice, abattait ses cartes avec aisance, semblant sûre de son coup. Car au pays de l'absurde, les téméraires ne remportent-ils pas toutes les victoires?

    Candide Aleth devient manipulatrice. Elle veut blesser à son tour, elle veut rendre les coups. Sous son expression innocente brille l'éclat d'un poison dilué. Qu'as-tu compris, petite chose? Contre quoi te bas-tu, ou contre quel monstre crois-tu te battre? Tu mords, tu mords et tu te débats. J'en suis heureux, car je n'en attendais pas moins de toi et mes attentes ne sont pas déçues. Ta voix sonne comme une bravade. C'est rafraichissant. Les autres auraient détourné la conversation, mais toi tu te dresses devant moi avec ta fierté de gamine, et à ma question tu réponds par une autre. Notre partie a commencé.

    Un frisson d'excitation le parcourut. Un défi. C'était une atteinte à son honneur, un coup à sa fierté, mais également une occasion de s'imposer. Avant qu'Aleth n'ait fini sa phrase, il savait déjà que répondre : le refus était inenvisageable. Sous ses dehors calmes et hautains, il était difficile d'être plus puéril que le Comte. Lucien ne pouvait résister à un pari quel qu'il soit, bien qu'il soit assez malchanceux dans ce genre de domaines -Et ''assez'' était un euphémisme ; autant dire qu'il perdait irrémédiablement quand il n'avait pas la possibilité de tricher. Sa réaction aurait pu passer pour de la fierté exacerbée, et quelque part, c'était le cas. Mais, en plus et surtout, Lucien était encore un enfant qui ne prenait pas grand chose au sérieux et s'amusait avec tout ce qui lui tombait sous la main sans se soucier des conséquences encourues, qui prenait le monde pour un terrain de jeu et n'hésitait pas à l'utiliser, qui tournait autour des hommes avec la séduction d'un animal pelucheux et les jetait sans remords. Ce n'était même pas un acte conscient, ou il ne l'était pas assez. Et puis, quelle importance? Aleth souhaitait elle aussi entrer dans le jeu. Un jeu vivant, en taille réelle, comme la métaphore mille fois revisitée du jeu d'échec géant dont ils seraient les pièces antagonistes fichées sur un plateau bicolore. Un jeu doublement amusant. Il fit tourner le pommeau de sa canne entre ses doigts, réfléchissant à la menace que contenait la dernière phrase de son interlocutrice. Très douée? Peu importait, il avait l'entêtement. Seuls comptaient les fragments ''cache-cache'', ''grand plaisir'' et ''jardin''. Quel besoin avait-il des autres mots, entités nébuleuses, trop abstraites? Ils ne servaient qu'à coordonner les termes importants entre eux. Les paupières à demi-fermées, Lucien secoua la tête doucement, le menton légèrement baissé vers sa poitrine, avant de redresser vivement son visage, les yeux brillants, son sourire s'accentuant. Ses gestes se firent prédateurs, sa bouche fébrile. Il se rapprocha de la blondinette.

    « Il serait désobligeant de refuser, surtout après vous avoir moi-même proposé une promenade. Vos désirs sont à présent les miens, petite demoiselle. » susurra-t-il contre son oreille, sa main posée sur son épaule et sa canne effleurant les plis de sa jupe.

    Immaturité. Les apparences s'effaçaient. Lucien s'enflammait comme un jeune garçon sur un sujet anodin. C'était presque risible. Il s'écarta d'Aleth, parut partir, puis se retourna pour lui tendre la main, avant de changer d'avis et de lui tendre son bras pour qu'elle s'y accroche comme une dame. Plutôt que d'opter pour une hiérarchie entre adulte et enfant, il choisissait l'égalité des actions, en attendant que les faits redéfinissent les positions de dominant et de dominé. Dans son esprit, il ne doutait évidemment pas qu'il obtiendrait la supériorité. Sa confiance en lui confinait à l'arrogance. Il chercha son regard et planta ses yeux vairons dans les siens en lui adressant un léger signe de tête, l'invitant à le suivre pour se laisser conduire au-dehors.

    « Permettez-moi donc de vous enlever loin de ces... réjouissances. »

    Il était dommage que son orgueil l'empêchât de se rendre compte immédiatement à quel point il était lamentable à ce genre de jeux. Il aurait évité la catastrophe.

    Pourtant, indifférent aux problèmes qu'il venait sans doute de se créer lui-même, il coula un œil distrait vers les portes derrière lesquelles il devinait la présence des jardins postés aux extrémités d'un dédale de couloirs jumeaux. L'idée qu'il connaissait à peine les règles du cache-cache ne lui effleura pas l'esprit. Il se contentait d'attendre la présence d'Aleth à son côté, afin qu'ils puissent commencer leur duel excentrique.

    Autour, quelques groupes de nobles leur jetaient de rapides œillades en chuchotant, s'étonnant sûrement de ce couple disparate. Que de cancans pour si peu de choses. Ils devaient vraiment s'ennuyer. D'aussi loin qu'il était, Lucien percevait juste leurs paroles comme un long sifflement aigu.








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tout ce qu'ils font me parait inconcevable. [Cioran]

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