Là où succombent les coeurs religieux. } Louis.

Invité

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Là où succombent les coeurs religieux. } Louis. K_00910

Les roues écartèrent vivement l'eau qui coulait à flots sur les pavés noirs et humides, le coche secoué, ébranlé de tous les côtés. Les voitures avançaient rapidement dans la rue, en voir d'aussi luxueuses était rare dans ce coin, et pour cause des têtes se tournèrent sur le passage des fiacres, non sans peur ou méfiance. L'on pouvait même lire haine sur certains visages, citoyens voués à une vie misérable, de travail, de souffrance, de pauvreté. D'autres encore admiraient la scène avec envie, s'imaginant eux mêmes confortablement installés sur les sièges de velour du véhicule. Mais leurs rideaux se refermaient vite lorsqu'ils voyaient les voitures des gardes royaux suivre l'éclatant carosse de la famille royale. Qu'auraient ils pu voir d'ailleurs ? La pluie embrouillait ce spectacle, donnant l'impression d'une illusion. Un mirage. Il valait mieux que ça ne soit qu'un mirage. Un voile noir couvrait la ville, malgré l'heure. Début d'après midi, un mois de Novembre. Et l'air était glacé. Glacé comme les morts.

Après plusieurs dizaines de minutes de trajet les chevaux s'arrêtèrent enfin. Plusieurs hommes descendirent rapidement. Tandis que Shad ne bougeait pas. Ses doigts vinrent effleurer les rideaux de sa propre voiture, il observa les gardes du service royal entrer dans un bâtiment. Il attendit. Patiemment. Quand enfin ils revinrent, certains se postèrent des deux côtés de l'entrée, se figeant instantanément sous la pluie battante qui luisait leurs armures, ils auraient presque pu être confondus avec les sombres et sinistres gargouilles à leurs côtés. Shad leva lentement les yeux vers les statues, elles semblaient crier, crier des grognements muets. Il fut soudain arraché à ses pensées quand il sentit une main secouer son épaule. « Monsieur, c'est bon, tout est prêt, dépêchez vous, il ne vaut mieux pas s'attarder ici avec ce temps. » L'homme était rustre, trempé, il lui criait presque aux oreilles. Shad fronça un peu les sourcils et fit un mouvement rapide de la main pour que le garde ôte ses pattes de lui. Puis il enfila rapidement une cape, prit un parapluie et ordonna à l'homme d'aller mettre les véhicules à l'abri de la pluie avant de sortir dans le froid, sans un mot de plus.

La pluie commençait à imbiber ses vêtements, il se dirigea rapidement vers le carosse royal où il vint chercher un jeune garçon. Il invita ce dernier à marcher à ses côtés, sous le parapluie qu'il maintint au-dessus de lui, sacrifiant son corps à la pluie pour que l'enfant ne soit pas mouillé. Aucune importance. Shad ouvrit la grande et imposante porte, qui grinça. Le vent s'engouffra dans un hurlument d'effroi à l'intérieur de l'édifice dans lequel il fit entrer le garçon. Après quoi, et non sans effort le majordome refferma la porte, étouffant les derniers souffles de vie de la tempête. Un bruit sourd, et la porte était enfin close, la pluie ne devenait plus qu'un lourd écho au loin. Enfin. Shad poussa un léger soupir d'effort, plutôt content d'être à l'abri. Il resta devant la porte quelques secondes puis s'en détourna enfin, ôta sa cape et posa le parapluie sur un mur. Puis ses yeux rougeâtres vinrent contempler la maison de Dieu. Ils étaient arrivé dans la plus grande, la plus belle, et la plus ancienne église de la ville. Puis son regard vint s'abaisser jusqu'au Prince. Prince qu'il se dépêcha de déshabiller de ses vêtements de pluie, qu'il garda sur son bras.

Prince Louis.

Shad l'avait accompagné dans cette miteuse et obsolète église, qui pourtant semblait infestée de cet esprit chrétien. L'air de religion planait, comme un vent lourd, comme une aura mystique en ces lieux. L'intensité des sons était multipliée ici, le brun entendait sa propre respiration qui se calmait, petit à petit. Il faisait froid. Il faisait sombre. Les seules sources de lumières étaient les petites bougies posées dans des compartiments de bois, un peu plus loin. Que représentaient-t-elles ? L'espoir ? La mort ? Shad détourna le regard, il détourna le regard des énormes colonnes de pierre, des sculptures de marbres représentant divers personnages de la trinité, de la religion et de la bible, il détourna le regard de la majestueuse table au bout de l'église, au dessus de laquelle posait un crucifix, à l'air bien malheureux. A vrai dire il y avait quelque chose qui intéressait bien plus le majordome de la famille royale. Que voulait faire Louis ici ? Pourquoi aller dans un tel endroit ? La dernière fois qu'ils étaient entrés dans cette église remontait à fort longtemps. C'était avec leur père.... une virée en famille...Avec Armand, Eden, Louis, et l'auteur de leurs jours. Bref, cet endroit lui rappelait d'angoissants souvenirs.

Mais Louis alors, pourquoi y revenir. Shad se doutait de quelque récapitulatif avec le prêtre, problèmes économiques entre la religion et le pouvoir royal, quelque chose de cet ordre là. Ou bien... Louis était-il venu ici par curiosité, défier Dieu peut-être. Bref, le majordome se le demandait.

Shad se mit à marcher lentement, les talons de ses richelieu claquaient sur le sol de pierre froid. Il s'avança jusqu'au bénitier où il plongea le bout de ses doigts. Une fois cela fait il fit le signe de croix. La religion était extrêmement présente à cette époque, et même le plus inculte, même le plus hérétique avait été instruit selon les bonnes moeurs de la religion. C'était le quotidien. C'était une obligation. Ce n'était même pas pensable de ne pas prier. Shad avait été particulièrement instruit de ce côté là. Il se posait beaucoup de questions sur la religion...mais...pas pour autant qu'il croyait à l'existence d'un quelconque Dieu. Bref.

Le brun se tourna vers le jeune garçon.

« Allez vous m'éclairer sur la raison de notre venue ici, ... my Lord ? »

Sa voix résonnait dans un grave écho. Les paroles semblaient rebondir sur les murs de pierre. Graves. C'était...presque sinistre.

HJ - J'espère que ça te va...