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 Escapade [PV Lucien]

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Theophil

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Theophil
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MessageSujet: Escapade [PV Lucien]   Escapade [PV Lucien] EmptySam 28 Mai - 18:23

Deux silhouettes se mouvaient dans la pénombre. Dans cette partie de la ville, c'est comme s'il faisait encore nuit : les hautes maisons délabrées faisaient obstacle aux premiers rayons de soleil, et maintenaient dans l'obscurité les rues étroites, si étriquées qu'une charrette ne pouvait y passer. Pour les dissimuler encore davantage aux éventuels regards aiguisés, les deux hommes étaient vêtus d'une veste en lin noir, et d'un chapeau qui plongeait leur visage dans l'ombre. Ils avançaient d'un pas vif. L'aube était à leur trousse, il s'agissait d'arriver à destination avant que le jour ne soit levé.

Enfin, ils avisèrent, à une trentaine de mètres, une forme sombre et immense : ils savaient qu'il s'agissait d'une arche de planches, de meubles éventrés et d'autres breloques entassées qui servait de porte à la Cour des Miracles. Ils ne s'en approchèrent pas plus, et pénétrèrent dans une des maisons en ruine qui jouxtait le passage – une des rares dont les escaliers étaient encore fonctionnels. Ils grimpèrent au dernier étage, traversèrent une succession de pièces poussiéreuses au plancher grinçant, et se postèrent à une fenêtre qui donnait directement sur l'entrée de la Cour.

Dès lors que Lucien et lui avaient conclu que le prince Armand, s'il était bien resté en ville, ne pouvait être nulle part ailleurs qu'à la Cour des Miracles, Theophil avait surveillé cette entrée plusieurs jours durant. Premier obstacle : comment entrer dans cette cité réputée impénétrable aux non-initiés ? Fallait-il un mot de passe, un laisser-passer ?
Cela lui avait semblé si évident, quand il avait remarqué que tous les visiteurs levaient la main comme pour saluer le gardien – mais quand Theo s'était approché et avait fait le même salut, l'homme perché sur la porte avait aussitôt sifflé entre ses doigts crasseux. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que le signal strident n'était autre qu'une alarme pour appeler des renforts. Theo avait décampé sans demander son reste.

« Ils doivent lever la main pour montrer quelque chose au gardien. Un sceau, ou un autre petit objet. » avait suggéré Lucien, à qui Theophil faisait quotidiennement part de ses avancées.

Ça lui avait d'abord semblé étrange de partager ses observations et théories avec quelqu'un, lui qui avait pris l'habitude de travailler seul. Puis il s'était dit qu'après tout, c'était semblable aux rapports qu'il présentait à ses supérieurs, à la caserne, quand il rentrait de ses rondes. Sauf qu'il n'avait pas à être au garde à vous, à être concis et sûr de lui. Il pouvait être hésitant, réfléchir à voix haute. Au fur et à mesure – alors qu'encore peu de temps avant il n'aurait rien livré au noble, objectant que c'était « son problème » et donc à lui seul de le régler – il devint naturel de lui parler de ses recherches. Puis de lui parler de choses et d'autres.
Theophil ne s'en était pas encore rendu compte, mais il se confiait davantage à Lucien. Quelque chose avait changé, depuis la nuit où il était rentré trempé de pluie et de sang. Il évoquait parfois des choses, voire même des périodes de son passé, qu'il n'avait jamais ne serait-ce que mentionné. Ses réguliers affronts à la République, au couvre-feu qu'il défiait. L'époque où il était celui qui arrêtait des rebelles, des gamins qu'on fusillait sur le champ si l'on découvrait un peu de poudre incrustée sur leurs paumes. Le fait qu'il détestait la pluie, et la neige plus encore, qui lui rappelait le Saint Empire Germanique.

Theo avait fini par remarquer, comme l'avait suggéré Lucien, un objet que tous les membres de la Cour des Miracles possédaient bel et bien : tous portaient, au poignet, un ou plusieurs bracelets brillants.
Et ce fut là son deuxième obstacle : il voyait bien que le bijou étincelait au soleil, mais était-ce de l'or ou de l'argent ? Du cuivre ou de l'étain ? Il ne pouvait différencier un métal d'un autre. Après une bonne demi-heure à pester depuis son repaire – il était certain qu'il aurait repéré l'objet plus tôt, s'il n'avait pas eu ce foutu handicap des couleurs – il avait dû prendre la décision d'expliquer la situation à Lucien et lui demander de venir jeter lui-même un coup d’œil.
Là encore, il ne songea pas que, quelques semaines plus tôt, il aurait préféré s'arracher les entrailles à la cuillère plutôt que d'avouer son problème et demander de l'aide – à quiconque, et encore moins à Lucien.
Le Comte était donc entré à ses côtés dans l'ancienne maison abandonnée, avec une moue hautaine quelque peu empreinte de pitié (apparemment la demeure avait appartenu à un couple de bourgeois snob qu'il n'avait jamais tellement apprécié, mais tout de même, quel gâchis de réduire un si beau mobilier en bois de chauffage pour les gueux) Une matinée d'observation avait confirmé que les personnes qui entraient dans la Cour des Miracles étaient bien munies d'un bracelet en or. N'importe quelle breloque dorée suffisait-elle, ou bien fallait-il un modèle précis ? Il n'était pas question de réitérer le premier échec de Theophil, aussi décidèrent-il de voler le bracelet de quelqu'un de la Cour. Mais qui ? C'était là leur troisième obstacle.

La solution s'était présentée en la personne d'une gamine, dont Theophil avait déjà noté les réguliers aller-retours à la Cour des Miracles. C'était une jolie gitane, aux nombreux bijoux clinquants – un bracelet ne lui manquerait donc pas, n'est-ce pas ? Ils avaient décidé d'attendre qu'elle sorte une fois de plus de la Cour, et de la prendre en filature. En fonction des lieux où elle se rendrait, ils pourraient établir un plan pour lui subtiliser un bracelet.

Voilà pourquoi, alors que le soleil se levait tout juste, ils étaient postés à la fenêtre poussiéreuse – Lucien, assis sur le rebord, Theo, les bras croisés, appuyé contre le mur – à guetter l'apparition de leur cible.

« Tu ressembles à un contrebandier, habillé comme ça. » observa nonchalamment Theophil.

Cette constatation le traversait seulement maintenant, dans l'atmosphère vide et grise de l'aube propre à laisser les pensées dériver, mais depuis que ce maudit Cyrus leur avait assigné cette tâche ingrate, ce n'était pas la première fois qu'il voyait Lucien habillé de la sorte. Il s'était habitué à le voir sans ses tenues luxueuses et sans sa canne (celle-là ne lui manquait définitivement pas), dans ce grenier étouffant. Pas seulement à ses habits, d'ailleurs.
A dire vrai, c'était plutôt à la présence de Lucien qu'il s'était habitué.

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MessageSujet: Re: Escapade [PV Lucien]   Escapade [PV Lucien] EmptyJeu 21 Mar - 23:06

    Il était venu plusieurs fois dans cette maison, lors de réceptions diverses dont il avait oublié les motifs et où il se rappelait seulement s’être passablement ennuyé. A l’époque, il avait cependant dû avoir une bonne raison, car fréquenter de vils bourgeois alors que lui était noble lui semblait d’une vulgarité sans pareille. Avait-il convoité leur fille ? Fréquenté leur commerce ? Il n’en avait plus le souvenir.

    Toujours était-il qu’il n’aurait jamais pensé se retrouver un jour à l’étage des chambres, à guetter les allers et venues d’une bande de clochards. La maison était vide, à présent. La famille, enfuie, ou pire. Il en éprouvait une certaine tristesse, bien qu’il ne les ait jamais appréciés – une trop grande propension aux démonstrations d’allégresse trop près de son visage n’avait jamais forcé la sympathie - mais ce monde disparu le poussait à la nostalgie, d’autant qu’il lui abandonnait également son statut, ses richesses et son confort.

    Ledit confort qui lui semblait d’ailleurs bien loin, alors que le rebord de la fenêtre lui perforait les fesses et que la poussière voletant dans la pièce lui chatouillait les narines. Il poussa un soupir, autant de lassitude que pour essayer de ne pas éternuer. Ce qui, en plus, n’aurait pas aidé à la réalisation de leur mission, qui nécessitait patience et attention, deux qualités dont il avait malheureusement été peu pourvu à la naissance – au grand désarroi de la totalité de son entourage.

    Une bonne poignée de minutes qu’ils étaient là, et toujours rien. Il avait conscience qu’une surveillance s’étalait dans le temps, tout comme il avait conscience que jusqu’ici, Theophil s’était chargé de toutes les tâches ingrates inhérentes à la mission non moins ingrate que Cyrus leur avait assignée, mais il n’empêchait qu’il avait la désagréable impression de perdre son temps, étant donné que ce qui lui avait demandé le plus de concentration jusqu’ici avait été de ne pas trépigner sur place devant l’immobilisme de la situation. A chaque fois qu’il clignait des yeux, il espérait voir apparaître la petite gitane, mais rien. Comment faisait Theophil pour supporter ça ? C’était un autre mystère à ajouter concernant la personnalité du garde, en plus de son incroyable capacité à rester en vie malgré un cerveau dangereusement défaillant.

    Il commença par répondre d’un grognement à la remarque de Theophil. Il n’aurait jamais cru tomber si bas en matière vestimentaire, tout comme il n’aurait jamais pensé qu’une relation autre que celle qu’ils avaient toujours eu (pleine de défis, de batailles et d’injures assorties de lancers d’un ou deux ustensiles divers et variés) aurait pu se nouer avec l’ancien soldat. Plus apaisée, plus équilibrée. Oh, ils continuaient à s’envoyer des piques à longueur de journée, bien évidemment, mais la tension sous-jacente qui faisait l’essence de leurs échanges semblait peu à peu s’être transformée en quelque chose de différent. Une familiarité déconcertante s’était installée. Depuis qu’ils travaillaient à débusquer Armand et Vidal, ils échangeaient. Sur leur objectif commun, évidemment, et seulement sur ce sujet-là au départ, mais petit à petit, le quotidien s’était immiscé entre eux, et les conversations (il y a quelques mois, il se serait étouffé à l’idée d’avoir une quelconque forme de communication avec qui que ce soit) s’étaient faites plus intimes. Lucien ne savait trop qu’en penser.
    Pour lui, parler d’égal à égal était une nouveauté. Le faire avec quelqu’un d’une classe sociale différente de la sienne aurait été impensable quelques temps en arrière. Cependant, c’était arrivé, et à son grand dam, et bien qu’il aurait préféré manger sa chemise plutôt que de l’avouer, il ne trouvait pas cela désagréable. Pas du tout.

    « Je vais faire semblant de n’avoir rien entendu. »

    Il continua à fixer l’entrée de la Cour des miracles, clairement visible par la fenêtre. Cette foutue gitane n’allait-elle donc jamais se montrer ? L’inaction commençait à lui peser. Depuis quelques jours, dès qu’il n’avait pas l’esprit occupé, il cogitait à tous les tenants et les aboutissants de la périlleuse entreprise dans laquelle ils s’étaient engouffrés. Dans laquelle il les avait engouffrés. Et plus il réfléchissait, moins il voyait d’issue favorable à leur entreprise. Lui qui avait toujours fait preuve d’une assurance effleurant crânement la bêtise doutait d’avoir fait un choix judicieux. Il devenait nerveux. N’aurait-il pas mieux valu rester dans leur coin et se faire oublier le plus longtemps possible ? Il les avait probablement jeté dans la gueule du loup (de Cyrus, en l’occurrence), et si cela finissait mal (et il était probable que cela finisse mal), ce serait entièrement de sa faute.

    Il poussa un soupir, se recala contre la fenêtre, passa une main dans ses cheveux pour les ramener en arrière. Tout dans ce plan lui paraissait dangereusement hasardeux. Le fait de trouver la jeune gitane, de l’attraper sans qu’elle puisse donner l’alerte à qui que ce soit, subtiliser un bracelet en espérant que cela donne le change, entrer sans attirer les soupçons. L’ennui, c’est qu’ils n’avaient plus le choix.

    Sans quitter l’extérieur des yeux, il s’adresse à son compagnon.

    « On va attendre encore longtemps ? »

    S’il continuait à gamberger plus longtemps, il allait devenir fou.

    Seigneur Dieu, il devenait comme Theophil.
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MessageSujet: Re: Escapade [PV Lucien]   Escapade [PV Lucien] EmptyDim 24 Mar - 22:05

Le soleil se levait à présent. Non loin de leur cachette, dans le quartier voisin, les deux hommes entendirent les cloches de l'église sonner le début de la journée. Les commerces ouvriraient bientôt, les passants afflueraient dans les rues. Theophil s'autorisa un bâillement étouffé derrière son poing, sans cesser de guetter l'entrée de la Cour des Miracles, et changea un peu de position pour lutter contre l'engourdissement.
Monter la garde, faire des rondes, attendre des heures durant, tapi dans une ruelle, le passage d'un républicain – il avait beau pratiquer ce genre d'exercices depuis des années, cela ne lui était pas devenu moins pénible pour autant. Garder une attention constante, tout en restant immobile, avait toujours été ce qu'il y avait de plus difficile pour lui dans le métier de garde (ça, et se retenir de balancer des impertinences aux plus gradés que lui). Mais même alors, il avait droit à des pauses ou à une journée de repos de temps en temps. Ces derniers jours, Lucien et lui n'avaient connu aucun répit.
Néanmoins, il fallait bien faire le travail. Ils n'avaient guère d'autre choix : la menace de Cyrus planait sur eux en permanence, comme une épée de Damoclès. Theophil avait donc rendossé son rôle de soldat, et rongeait son frein avec patience, dans l'attente de l'apparition de la gitane.
Ce qui semblait plus difficile pour Lucien.
Le noble soupira, remua un peu, ramena ses cheveux en arrière.

« On va attendre encore longtemps ? » demanda-t-il.

Theo émit un léger bruit, tenant à la fois du soupir et du ricanement :

« Qu'est-ce que j'en sais ? T'es drôle. Elle est pas à horaires fixes, la gamine. »

Du coin de l’œil, il voyait Lucien qui observait la ruelle lui aussi. Le soldat se permit un regard rapide dans sa direction. Bien qu'impassible à première vue, son visage trahissait une certaine tension.
Au fond, Theophil sentait bien qu'il ne s'agissait pas seulement de mal en patience. Ces derniers temps, dès que Lucien était un tant soit peu inactif, de sombres pensées semblaient l'assaillir. On aurait dit un lion en cage. Depuis leur rencontre avec Cyrus, il était particulièrement agité. Il avait l'habitude de mener sa barque lui-même, de prendre les décisions – or le voilà qui était coincé chez lui, à attendre les rapports de Theophil pour pouvoir élaborer avec lui des bribes de plans bancals, incertains.
Theo – qui ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu responsable de leur situation, et puis qui trouvait le temps long lui aussi, tout bon soldat patient qu'il était – s'étira et suggéra nonchalamment :

« On pourrait faire un jeu. On faisait ça pour passer le temps dans la garde, pendant les surveillances. »

Il avait proposé ça sans trop de sérieux, plus pour plaisanter qu'autre chose – mais alors qu'il prononçait ces mots, l'idée germa en lui, grandit, s'enracina. Il se tourna vers Lucien, un sourire de requin aux lèvres :

« Je sais. J'ai un jeu parfait pour toi. »

Il fixa de nouveau son attention sur l'extérieur toujours aussi paisible, et expliqua :

« Chacun de nous va dire trois choses : deux vérités, et un mensonge. Si tu trouves mon mensonge, tu gagnes. Sinon, tu as un gage. »

Oh, non, il ne sous-entendait pas que Lucien était un sacré menteur – bon en fait si, complètement. Non pas qu'il le lui reprochait. Sans être hypocrite (Theo l'avait déjà entendu balancer d'horribles vérités à d'autres nobles, du temps où il devait l'escorter à d'ennuyeuses réceptions. Au moins, ça avait le mérite de le distraire un peu) Lucien pouvait s'avérer un excellent menteur quand le besoin s'en faisait sentir. Lorsqu'il s'agissait de converser avec Cyrus, par exemple. Et Lucien était diablement plus doué que lui dans le domaine.
Une petite alarme sonna dans un recoin de son esprit. Pourrait-il vraiment battre Lucien à son propre jeu ? Il devait dire que l'idée le grisait. Theophil était parieur, et il était tentant d'essayer de damer le pion du noble sur son propre terrain.

« Je commence », anticipa-t-il, ne laissant pas le temps à Lucien de râler ou protester.

Il prit néanmoins un petit temps pour réfléchir à ce qu'il allait dire, les bras de nouveau croisés, appuyé contre l'encadrement de la fenêtre. Enfin, il esquissa un bref sourire, et se lança :

« J'ai appris l'anglais avec un vieux bouquin de Shakespeare, et je connais encore par cœur la tirade d'Hamlet. J'ai vécu plusieurs années dans un monastère. J'ai récemment fait un rêve érotique, nous impliquant toi et moi, dans ce grenier. »

Il tâcha de garder un ton parfaitement détaché, et prit grand soin de ne pas détourner son regard de la ruelle.
Heureusement qu'ils étaient en mission de surveillance. Jamais il n'aurait pu balancer ce genre de choses en regardant Lucien dans les yeux.

« Quel est mon mensonge ? »

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MessageSujet: Re: Escapade [PV Lucien]   Escapade [PV Lucien] EmptySam 6 Avr - 0:28

    La ruelle était toujours désespérément vide, le grenier désespérément poussiéreux, et le soleil désespérément palot tandis qu’il se levait péniblement par-dessus les toits des maisons. Pour parfaire le tout, le quartier était désespérément silencieux, signe que ce n’était pas une heure à laquelle il aurait dû être debout et habillé. C’était plutôt une heure à laquelle il aurait dû se contenter d’émerger péniblement du sommeil, faire le seul et ultime effort de lever le bras pour appeler Lelio, et se rendormir aussi sec en attendant son petit-déjeuner. Au lieu de cette fugitive vision du bonheur, il se retrouvait à jouer les vigies à des heures indues. Parfois, il se laissait aller à comparer son existence à celle qu’il menait avant la révolution, et les différences étaient terrifiantes. Dans quel guêpier était-il allé se fourrer ? (probablement rien de bon) Il aurait dû laisser Theophil se débrouiller tout seul, comme il l’avait toujours fait.

    Malheureusement, les circonstances avaient bien changé. Alors qu’aux premiers temps de la Révolution, il pouvait encore maintenir l’illusion d’occuper une certaine position sociale, il devait se rendre à l’évidence (même si cela lui arrachait le cœur de le faire) : les nobles perdaient petit à petit les dernières miettes de pouvoir auxquelles ils avaient pu se raccrocher, et le quotidien devenait de plus en plus compliqué. Il n’avait jamais eu à se soucier de l’argent jusqu’ici. Il lui tombait tout cuit dans la bouche régulièrement, de ses rentes ou de l’exploitation des propriétés familiales. Mais ces deux sources s’étaient petit à petit taries, et à force d’entretenir sa maisonnée et de distribuer de l’argent à des proches dans le besoin (il n’avait pas pu se résoudre à ne pas le faire : malgré son caractère égoïste et hautain, préserver sa famille restait pour Lucien une priorité), il n’avait plus grand-chose. Il renvoyait petit à petit la domesticité qui avait choisi de rester après les troubles de ces derniers mois. Il s’arrangeait encore pour payer Lelio, mais il se doutait bien que celui-ci n’était pas dupe, vu qu’il voyait ses employés disparaître petit à petit.

    S’il entrait au parlement, il acquerrait certes une position, mais aussi un salaire. C’était d’un vulgaire. Il en aurait frissonné de dégoût.

    Theophil le tira de ses réflexions en suggérant un jeu pour passer le temps. Il haussa les sourcils d’un air sceptique et vaguement méprisant. Avait-il une tête à se livrer à de médiocres amusements de gardes crasseux ? Dieu, mieux valait s’ennuyer.

    Silencieux, il tendit cependant l’oreille à ses explications. Détecter un mensonge, rien que ça ? Il allait lancer une remarque acerbe sur les piètres compétences de son compagnon dans ce domaine, quand celui-ci le devança en exposant les trois faits parmi lesquels il allait devoir choisir.

    Lucien resta silencieux un moment. Ce n’était même pas tant qu’il aimait jouer. En fait, il n’était même pas sûr d’aimer tant que ça. Non, par contre, ce qu’il aimait, c’était gagner. Sentir au fur et à mesure des conversations qu’il marquait des points et approchait de son but. Faire céder les défenses de ses adversaires. Se frayer un chemin en évitant ou résolvant les obstacles. Oui, ce qui provoquait chez lui un dangereux sentiment d’accoutumance, c’était cette volonté de l’emporter par tous les moyens, quels que soient les défis qu’on lui lançait. Ou qu’il se lançait à lui-même, quand personne ne se dévouait pour le faire. C’était probablement ce pour quoi il avait employé la moitié de sa vie d’adulte à séduire toute personne représentant une potentielle difficulté. C’était toujours plus drôle quand tout n’était pas acquis d’avance. Ce qui expliquait probablement en partie son attrait pour l’espèce d’inconscient qui semblait actuellement très content de lui.

    Il se rendit compte qu’il avait complètement oublié de surveiller l’extérieur pendant la durée de ses réflexions et s’empressa de détourner la tête. Il ne manquerait plus que Theophil et ses idées saugrenues leur fasse manquer leur objectif. Il n’était pas sûr qu’expliquer à Cyrus qu’ils avaient échoué pour cause d’excès d’intensité de jeu leur permette d’échapper à la potence.

    Il garda cependant son air ironique.

    « Je te trouve bien téméraire. Notre dernière partie ne s’est pourtant pas terminée bien à ton avantage. »

    Il prit le temps de se repositionner contre la fenêtre pour réfléchir. Malgré son air confiant, il devait s’avouer qu’il ne connaissait pas vraiment Theophil, à part des quelques informations que celui-ci avait bien voulu laisser échapper à l’occasion. Autant dire, pas grand-chose. Il se sentit bêtement frustré.

    « J’adorerais penser que je peuple tes nuits de rêves agréables, malheureusement, je ne pense pas que ce soit vrai. »

    Il se tourna brièvement vers l’ancien soldat pour le regarder dans les yeux, avec un sourire en coin.

    « Par contre, si c’était une demande implicite, cela peut s’arranger. »

    Malgré son ton léger, il devait s’avouer qu’il était curieux. Qu’avait été Theophil, avant qu’ils ne se rencontrent ? Qu’avait-il fait ? Quel avait été son entourage ?

    Cette journée était décidément un vrai festival de sensations nouvelles.

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J'ai tous les défauts des autres, et cependant
tout ce qu'ils font me parait inconcevable. [Cioran]

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MessageSujet: Re: Escapade [PV Lucien]   Escapade [PV Lucien] EmptyMar 9 Avr - 22:12


L'espace d'une seconde, Theophil tiqua – comme si un insecte déplaisant venait de lui bourdonner dans les oreilles – à l'évocation du dernier jeu auquel il avait joué avec Lucien. Il avait oublié cette maudite partie de cartes, à cause de laquelle il était revenu au service du noble.

(Maudite ? S'il y réfléchissait bien, il était plutôt satisfait de sa vie actuelle – mis à part sa mission pour l'exécrable Cyrus, et bien que Lucien soit parfois tout aussi exécrable lui aussi. Devait-il finalement se réjouir d'avoir perdu, ce soir-là ? Étrange question. Comme tout ce qui le perturbait un peu trop, Theo la rejeta dans un lointain recoin de son esprit, sur la pile nommée « On y réfléchira plus tard ». La plupart des questions qui trainaient dans ce coin-là concernait déjà sa relation avec Lucien, de toute façon.)

Il décida que dans tous les cas, il serait très content de prendre sa revanche sur Lucien.

« J’adorerais penser que je peuple tes nuits de rêves agréables, malheureusement, je ne pense pas que ce soit vrai. Par contre, si c’était une demande implicite, cela peut s’arranger. » ajouta Lucien en se tournant vers lui, avec un sourire en coin.

Un frisson parcourut Theophil. Il prit quelques secondes pour encaisser – pourtant, il était le seul responsable, c'était lui qui avait lancé Lucien sur cette pente – et surtout, pour réussir à répondre.

« Perdu » souffla-t-il.

D'un côté, il ne pouvait s'empêcher de sourire comme un gosse, enthousiasmé d'avoir gagné la première manche – Lucien ne l'avait pas vu venir, celle-là – de l'autre, il mourrait d'envie de disparaître à jamais entre les lattes du plancher poussiéreux, plutôt qu'assumer ce que sous-entendait sa réponse. Il sentait ses oreilles chauffer, et  espérait ne pas être bêtement en train de rougir – ou alors, au moins, que le grenier était encore suffisamment sombre pour le masquer.
Pour retrouver un semblant de contenance, il expliqua :

« Ça fait belle lurette que j'ai oublié la tirade d'Hamlet ».

Pour être honnête, il avait dû la retenir quelques mois, tout au plus. Si lire Shakespeare avait eu l'avantage de lui apprendre les bases de l'anglais, parler comme un livre lui avait valu d'étranges coups d'oeil. A son arrivée dans la garde, il avait essuyé de nombreux quolibets les rares fois où il avait ouvert la bouche. Mais comme Theophil parlait peu, écoutait beaucoup, et apprenait très vite, ses tournures de phrases démodées avaient eu tôt fait d'être remplacées par un jargon plus approprié à son environnement, et en un rien de temps plus aucun soldat ne s'était souvenu qu'à son arrivée il avait été surnommé « le philosophe ».

Theo fit passer le poids de son corps d'un pied à l'autre. Il se demanda si une victoire contre Lucien méritait cet embarras. Il décida finalement que oui, se tourna vers le Comte pour lui rendre enfin son regard, et lui décocha un de ses habituels sourires insolents.

« Je me réserve le droit de décider de ton gage plus tard », poursuivit-il, et il ronronnait presque.

Dans la rue en contrebas, il aperçut deux silhouettes sortir de la Cour des miracles. Il se rappela leur objectif premier et se concentra de nouveau sur la ruelle – mais point de gitane en vue.
Heureusement. Il aurait été déçu de devoir arrêter le jeu maintenant.

« A ton tour, maintenant. », lança-t-il d'un ton léger.

Néanmoins, il n'était pas question de se relâcher après cette première manche. Nul doute que Lucien mourait d'envie de lui rendre la monnaie de sa pièce.

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MessageSujet: Re: Escapade [PV Lucien]   Escapade [PV Lucien] EmptyJeu 18 Avr - 22:49

    Lucien se sentait partagé entre le rire et l’exaspération. Exaspération, car même sans enjeu, gagner ne perdait jamais en saveur, et le rire, car il devinait à la tête de Theophil la gêne qu’il devait ressentir à formuler des sous-entendus sexuels auxquels il n’était visiblement que mal habitué - art dans lequel, à l’inverse, Lucien excellait en toutes circonstances. Cette différence (une des nombreuses) entre le soldat et le noble faisait d’ailleurs les délices de ce dernier, et il ne se privait pas de mettre Theophil dans l’embarras le plus souvent qu’il lui était possible. Que celui-ci se mette tout seul dans cette situation ne pouvait que l’enthousiasmer. Il eut beaucoup de mal à réprimer le rire qu’il sentait venir, et que devaient trahir les légers tressautements qui agitaient ses joues. Il repoussa momentanément le moment de jouer à son tour.

    « Theophil. Serait-ce une tentative de séduction ? »

    De sa part, c’était aussi étrangement flatteur. Il ne doutait pas une seule seconde que leurs entrevues passionnées ne déplaisaient pas à l’ancien garde (comment cela aurait-il pu être le cas alors que Lucien, dans son immense mansuétude, daignait lui accorder son attention?) mais celui-ci prenait un malin plaisir à agir, la plupart du temps, comme si c’était tout le contraire. Il ne put s’empêcher de remarquer que son compagnon ignorait soigneusement sa proposition osée – ce qui était bien dommage, car nul doute que le temps serait passé bien plus vite (et accessoirement, qu’ils auraient probablement lamentablement échoué dans la suite de leur mission). Il hésita à renchérir (après tout, il était bien trop près de la fenêtre pour ne pas risquer sa vie en cas de réaction d’une violence par trop exagérée), et se dit qu’après tout, on n’abusait jamais assez des bonnes choses.

    « Dois-je en déduire que tu ne peux plus de te passer de moi et de mes talents ? »

    Rien n’était jamais aussi drôle que de taquiner Theophil, dut-on y laisser quelques plumes au passage. Il était cependant quelque peu préoccupé par cet histoire de gage. Qu’allait bien pouvoir demander un tel olibrius ? Il espérait que rien de l’ordre du ménage ou d’une quelconque tâche domestique ne serait envisagé. Ce serait contraire à toute dignité humaine – en particulier la sienne. Cependant, mieux valait ne pas trop y réfléchir. Le moment venu, il trouverait bien un moyen d’échapper à la punition, quelle qu’elle soit. Feindre d’avoir oublié était en générale une bonne tactique, qui avait déjà fait ses preuves par le passé. Theophil pourrait bien fulminer tant qu’il le voulait, s’il avait décidé que quelque chose n’avait pas existé, alors cela n’aurait existé pour personne. Lucien ne se sentait pas réduit aux mêmes codes d’honneur que le commun des mortels. Et il ne voyait pas comment le soldat pouvait penser ne serait-ce qu’une seconde qu’il allait se laisser faire. Mais, après tout, ce n’était pas son problème, les illusions que se faisaient les pauvres hères assez fous pour s’engager avec lui dans des parties de jeu quelconques. A bien y réfléchir, il ne se sentait pas préoccupé du tout par cette histoire de gage, finalement. Il décida donc d’évacuer bien vite ce problème afin de réfléchir à la suite des événements.

    « Je suis curieux. Que penseraient donc les moines de ta vie de débauche ? »

    Et il était, de fait, véritablement curieux. Imaginer Theophil, qui avait une nette tendance à se rebeller contre ce qui ne lui plaisait pas, aux prises avec une horde de vieux bigots déplumés avait de quoi interloquer. Tout comme l’imaginer débiter du Shakespeare. Il aurait eu plaisir à assister à ces deux événements. Dans un simple intérêt anthropologique, bien évidemment.

    Il ne pouvait cependant espérer gagner beaucoup plus de temps. C’était à lui de faire trois propositions. Mais lesquelles ? Il devait, de préférence, trouver trois faits assez probables pour qu’il soit dur de choisir. Ou trop invraisemblables, au contraire, mais il n’était pas sûr d’en avoir suffisamment. Jusqu’où Theophil avait-il réussi à le cerner ? Car c’était là que résidait la véritable question. Pouvait-il réussir à le piéger ? Et qu’était-il prêt à révéler pour cela ? Certaines zones d’ombre n’étaient pas propices à servir un jeu, mais sans prendre de risques, il ne pourrait pas gagner. Que pouvait-il risquer ? Il pouvait aussi tenter de troubler ou de doubler son adversaire, ce à quoi il était plutôt bon, en général. Toutes les possibilités défilaient dans sa tête, sans qu’il parvienne à définir une stratégie, sinon imbattable, du moins valable. Et il ne pouvait pas se permettre de passer trop de temps à la réflexion non plus, sans quoi il aurait l’air d’accorder trop d’importance à leurs échanges, ce qu’il ne souhaitait pas non plus. Il caressa l’idée de donner trois vérités ou trois mensonges, mais il était peu probable que cela passe – du moins, sans passer non loin d’une mort violente et imméritée. Après quelques brèves secondes de réflexion supplémentaires, il choisit de se lancer.

    « J’ai un frère aîné, j’ai triché lors de notre partie de cartes, et j’ai déjà été fiancé à une charmante jeune femme. »

    Il n’était pas peu fier de lui. D’autant que même s’il perdait, la suite promettait de beaucoup l’amuser.

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Theophil

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MessageSujet: Re: Escapade [PV Lucien]   Escapade [PV Lucien] EmptyJeu 25 Avr - 0:57


Le tressaillement qu'il vit passer sur le visage de Lucien montrait clairement à quel point ce dernier n'avait qu'une envie : éclater de rire.
Theophil avait plusieurs envies, lui aussi, qui se chamaillaient et s'agitaient confusément dans son crâne. Il voulait mourir foudroyé sur le champ – tout pour ne pas prolonger son embarras. Mais il se retenait également de rire, à la vue du sourire de Lucien, car comment faire autrement ? Il voulait lui répondre à la fois « Peut-être bien que oui » et « Jamais de la vie » et aussi « Et si c'était le cas, que ferais-tu ? », alors il s'abstint de répondre.
Il voulait le faire taire. Il voulait lui faire ravaler son sourire goguenard. Il voulait l'embrasser.  

Bon sang de bois ! Cela avait-il toujours été si compliqué, de côtoyer Lucien ?
Oui, lui souffla une petite voix mesquine. La seule différence avec avant, c'est que maintenant, tu en redemandes.

« Dois-je en déduire que tu ne peux plus de te passer de moi et de mes talents ? » l'interrogea plaisamment Lucien, qui visiblement avait décidé de lire dans ses pensées, et qui était d'humeur à le charrier (comme d'habitude). Décidément.

Le garde ricana, secoua la tête tout en croisant les bras sur sa poitrine, mi-amusé mi-excédé. Même s'il s'agissait d'une plaisanterie vouée à le faire tourner en bourrique, Theo était certain qu'il n'en pensait pas moins quand même. C'est que ce n'était pas la modestie qui l'étouffait, celui-là. Il répondit donc, avec l'air de quelqu'un qui s'ennuyait :

« Disons que je m'en contente. »

Ça sentait la mauvaise foi à plein nez, mais Lucien ne lui avait pas vraiment laissé le choix. Theo n'allait tout de même pas admettre ouvertement que le noble était plutôt talentueux. Theophil voulait bien flirter, mais il y avait des limites.

« Je suis curieux. Que penseraient donc les moines de ta vie de débauche ? »

Theophil haussa un sourcil. Il n'y avait jamais réfléchi. En même temps, il pensait rarement à cette période de sa vie. Il se demanda alors quelle image cela renvoyait de lui-même. S'il n'était pas rare de passer de l'armée aux Ordres, l'inverse était loin d'être courant. Il se figura que Lucien devait le prendre pour un ex-moine reconverti en soldat, et il grimaça.

« Je n'étais pas religieux, hein. Dans le Saint-Empire Germanique, quand on trouve un gamin dans la rue, on l'envoie au monastère pour l'éduquer. J'y suis resté trois ans, et à quatorze ans je suis parti. Je n'étais pas exactement l'enfant de chœur modèle. » (Et il ne s'était visiblement pas amélioré. Si déjà à l'époque, il n'était pas parti gagnant pour mériter sa place au Paradis, aujourd'hui il devait s'être mis à dos la Trinité entière, les anges et tous les Saints. Même si Tu ne t'accoupleras point avec un homme ne figurait pas dans les dix commandements, il était à peu près sûr que c'était mentionné ailleurs dans la Bible. Quant au Tu ne tueras point, il préférait ne pas y penser.) Il ajouta, acerbe : « Pour autant, si un moine voulait me donner son aimable avis sur ''ma vie de débauche'', je lui dirai que c'est l’hôpital qui se fout de la charité. »

Il aurait pu soliloquer à propos de l'hypocrisie religieuse pendant des heures, au vu des nombreux exemples dont il se souvenait, mais c'était un sujet qui l'agaçait bien trop. A peu près autant que les républicains. Il préférait de loin se reconcentrer sur leur petit jeu, à Lucien et lui, en bon mauvais chrétien qu'il était.

« J’ai un frère aîné, j’ai triché lors de notre partie de cartes, et j’ai déjà été fiancé à une charmante jeune femme. »

Theophil resta silencieux, pensif.
Lui avait choisi trois propositions qui paraissaient invraisemblables, en misant sur le fait que Lucien ignorait encore beaucoup de choses à son sujet. Le problème, avec les trois affirmations de Lucien, c'est qu'elles étaient toutes probables.
Etait-il possible que celui-ci ait un frère ? Il ne l'avait jamais vu, ni n'en avait jamais entendu parler. Un instant, il s'imagina une sorte de Lucien-bis – et se dit que si vraiment il avait un frère, et que celui-ci lui ressemblait, le monde ne pouvait que plus mal se porter.
Quant aux autres propositions... Il imaginait mal Lucien être amoureux au point de se fiancer. Mais vu le personnage, et vu le nombre de demoiselles qu'il avait courtisé, il était possible qu'il ait dû promettre le mariage à l'une d'entre elles pour obtenir une place dans son lit, non ? Après tout, Theo l'avait déjà vu aller très loin pour obtenir ce qu'il voulait. Mieux, il l'avait expérimenté. Qu'il triche aux cartes ne l'étonnerait pas non plus, Lucien détestait perdre, et...
Attendez, quoi ?

« Tu as quoi ? » s'exclama-t-il se tournant vers Lucien.

Oh le... Il n'avait pas osé, tout de même ? Il réfléchit à toutes les affirmations, mais non, celle-ci lui semblait beaucoup trop cohérente pour être le mensonge caché. Pourquoi ne l'avait-il pas deviné plus tôt ? Il dévisagea le noble, une expression de franche indignation sur le visage.

« Tu n'as pas... Tu n'as quand même pas... Si, bien sûr. Évidemment que tu as triché. Bon sang de bordel ! »

Il mourait d'envie de crier, ou de donner un coup de pied dans quelque chose (ou quelqu'un). Mais ils se seraient aussitôt fait repérer, et cela aurait compromis leur mission, et même si en cet instant Lucien méritait rien moins que se faire botter le cul par Cyrus en personne, il aurait été dommage d'avoir fourni tous ces efforts pour rien. Aussi Theophil se contenta-t-il de pousser un profond soupir, en se passant une main sur le visage, et s'assit sur le rebord de la fenêtre lui aussi. Il n'avait plus l'énergie de rester debout, après ce qu'il venait d'entendre. Il fusilla Lucien du regard, l'air de dire « Tu ne perds rien pour attendre. » Il ignorait quand, et comment, mais cette révélation appelait à une vengeance dans les règles de l'art.

« Je pense que tu mens quand tu dis avoir un frère. » embraya-t-il, toujours passablement énervé, pour changer de sujet.

Comme il s'y était attendu, Lucien se montrait doué pour ce jeu. Malheureusement pour lui.

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