Les déménageurs de l'extrême # William

Son estomac sonnait creux, en témoignait ce bruit malfaisant qui en sortait.

Ces derniers temps, Vidal s'engueulait plus avec Armand. Le ton commençait à monter, il remuait les bras, comme exaspéré par ce fils de noble qui ne connaissait de la vie que s'asseoir sur une chaise et regarder le temps passer en se laissant servir. Il lui avait dit que ça ne se passerait pas comme ça avec lui, qu'il ne lui était pas servile.

La faim le faisait dérailler, il avait envie de sauter sur le prince et de l'étriper, bien loin des considérations comme quoi c'était parfaitement normal, que Armand devait progressivement apprendre qu'il n'était plus noble du tout, que s'ils voulaient survivre, ils avaient tout intérêt à s'entraider.

Vidal le savait, mais il n'avait mangé que de la soupe (à pas grand chose) la veille et une patte de poulet volé il y avait deux jours. Enfin, il pensait que c'était du poulet, ce serait un chat qu'il n'aurait pas vraiment été étonné. La misère dans laquelle il vivait le dégoûtait, le révoltait. Il tenait particulièrement à l'hygiène, aussi se débrouillait-il comme il le pouvait pour qu'ils se lavent tous les jours et nettoie l'endroit dans lequel ils vivotaient, mais ce n'était pas parfait.

C'était loin d'être parfait, et si ces quelques remparts permettaient de tenir éloignées les maladies, Vidal devait agir.

Depuis quelques temps, l'homme traînait un peu dans la cour des miracles, parfois plus loin, espérant entendre quelques rumeurs alentours. Jusqu'à présent, il avait capté quelques annonces liées à des emplois, apprit deux ou trois trucs sur des cambriolages du fait de gens de la cour, mais jamais trop. Lorsqu'il entendit comme quoi le Père William avait besoin de petites mains pour l'aider à déménager, que ce serait payé, Vidal n'y réfléchit pas à deux fois, il n'en averti même pas Armand. Il passa juste un temps fou à se grimer, sa cicatrice étant l'élément le plus reconnaissable dans son physique.

Pour une fois, il s'attacha les cheveux et les camoufla sous une casquette de travailleur. Pour son visage abîmé, il avait récupéré un cache en cuir qui lui permettait de cacher la moitié de son visage. Ce n'était pas parfait, il avait une lanière qui lui passait sur le nez, mais au moins, ça cassait l'image que les portraits donnaient. Et ils devaient avoir été des centaines, parmi la plèbe, à avoir été victimes, enfants, de la petite vérole.

Satisfait, il regarda son reflet dans de l'eau. Il ne se ressemblait plus comme ça. Puis, il alla se présenter à William.

« Bonjour, excusez-moi...on m'a dit que vous recherchiez de la main d'oeuvre pour déménager ! »

_________________

T I C T A C
T I C T A C

B O U M

Messages : 86 Âge du personnage : 28 ans

William faisait face à son beau frère Nicolas Cavendish. Il était venu à cheval au devant d’Alexander et le reste des membres formant une délégation pour rencontrer le Président et faire leur plaidoyer. Ils avaient été passé voir le Manoir Clifford, lieu de résidence des Clifford à la Capitale. C’était ici que vivait Percy jusqu’à sa mort. Et à la Révolution, il avait été saccagé et pillé allègrement. C’était un peu le symbole de son statut et de la richesse de l’ancien Commandant de la Garde Royale. La paire avait donc décidé d’embaucher quelque gars pour réhabiliter les lieux. Le groupe attendait sur le parvis de l’église leurs employeurs pas très regardant. Une tête masquée vint se présenter à eux pour rejoindre l’équipe. Nicolas l’évalua de la tête aux pieds alors que William l’accueillait avec un sourire.

Bien sûr, je suis le Père William et voici mon beau frère, Nicolas Cavendish. C’est aussi le véritable employeur de cette entreprise.

Les vêtements de bonne facture, l’épée et le revolver au côté ne trompait guère sur la profession et le rang de Nicolas qui finit par saluer le jeune homme. William portait des vêtements bien plus simple.

Will. On en a fini ici. Je pense qu’il y en a assez.

William hocha la tête et invita l’inconnu à le précéder vers la sortie. Le groupe de travailleurs fut rejoint. William se posa légèrement en retrait tandis que Nicolas prenait la parole.

Bien. La maison qu’on veut réhabiliter est le manoir des Clifford à la capitale. Si, parmi vous, certains veulent pas aider d’anciens nobles proches du défunt Commandant de la Garde Royale Percy Clifford. Qu’ils dégagent. La plupart des objets de valeurs ont été pillé par la Révolution donc n’espérez pas pouvoir vous servir. Vous serez payé à la journée et le même salaire. Me suis je bien fait comprendre?

Le regard acéré de Nicolas était inquisiteur. Il ne laisserait pas son beau frère se faire insulter dans la mort. C’était quelqu’un qu’il admirait et respectait. William lui était serein. Il reconnaissait nombre membres du groupe et savait éviter les conflits. Et Nicolas savait se tenir, c’était plus une menace pour éviter d’employer des gens qui leur seraient hostile dans la journée en comprenant qui ils étaient.

C'était en réalité un soulagement de ne pas être en présence d'Armand.

Un véritable soulagement, comme s'il se libérait de cette partie de lui-même qui lui donnait des envies de meurtres chaque jour où le soleil se levait.

Vidal ne savait pas pourquoi il avait agi ainsi, en contradiction avec ses premiers idéaux, ou plutôt si, mais il regrettait d'être seul sur un bateau qui aurait nécessité plus d'une dizaine de voyageur.

Armand le cherchait, lui donnait envie de meurtres et il n'était pas rare qu'il se réveille d'un songe particulièrement agité, la faim au ventre, entendant résonner entre ses oreilles la voix de Shad, l'âme damnée de Louis.

Mais s'il était ici, ce n'était guère pour se souvenir de Louis, encore moins du maigre et infâme cloporte qui sévissait à ses côtés. Vidal n'était présent ici et un minima déguisé uniquement pour gagner quelques sous différemment que s'il avait juste fait la manche.

Il n'avait pas vraiment réagi à sa rencontre avec le Père William, juste salué quelque peu de la tête, comme devait le faire toute personne de condition inférieure – si c'était cela, la révolution de Cyrus, il en riait bien volontiers. Cyrus et ses jolies idées, Cyrus et son pouvoir de pacotille. Il faudrait que le Peuple se rende compte un jour qu'ils n'avaient cédé un leader tyrannique que pour un autre.

Les habits de Nicolas Cavendish le renseignèrent sur son statut, aussi Vidal manqua de tiquer, mais se souvint qu'il devait se tenir tranquille pour, enfin...

« Compris. », répondit-il sans doute en même temps que les autres travailleurs, assez bas cependant pour que le bruit fut couvert par la voix des autres.

De toute façon, c'était pas comme s'il était un voleur. S'il avait voulu gagner de l'argent en pillant, il ne serait pas venu ici. Vidal s'écarta du lot et commença à travailler, avisant les papier-peints arrachés et les diverses écritures sur les murs.

Soupira.

Insulta joyeusement dans sa tête les pseudo-révolutionnaires qui avaient commis cette œuvres. Il n'avait guère beaucoup d'estime pour la famille de son employeur, mais ce genre de choses le mettait hors de lui.

Grognant légèrement dans ses moustaches devant l'immensité de la tâche, il revint cependant devant l'homme d'église et l'autre.

« Excusez-moi...je suis Edward. », il toussota, « Préférez-vous que nous commencions par mettre les pièces à vide avant de rénover les murs ? »

_________________

T I C T A C
T I C T A C

B O U M

Messages : 86 Âge du personnage : 28 ans

Les hommes ne semblaient pas des plus heureux de l’inquisition portée par Nicolas. Mais aucun ne quitta les lieux. Ils rejoignirent le Manoir. William échangeait à voix basse avec Nicolas. À l’arrivée dans la cour, l’expression de dégoût du militaire est bien plus forte que chez William qui était plus proche de la résignation. Dans le hall, le portrait éventré des parents de William gisait. Le prêtre fit un signe de croix et pria pour ses défunts parents. Nicolas fit de même. Puis le masqué vint leur demander comment fonctionner.

Videz tout, ce qui peut être réutilisable d’un côté ce qui ne l’est pas d’un autre.

Un regard vers le prêtre qui priait encore. Il soupira, gêné de devoir demander ça…

Et faites attention aux tableaux, mettez les encore à part. S’il vous plaît.

Cela lui tenait à cœur, mais c’était plus vrai encore pour William qui jeta une œillade reconnaissante à son beau frère.

Je vous fais la même requête, messieurs.

William engloba les autres travailleur qu’Edward qui étaient venu entendre la réponse. Un sourire bienveillant aux lèvres, il lança le travail des hommes. Nicolas s’était repris et seul Edward avait pu voir à quel point les tableaux lui tenait à cœur. Il ne s’était pas incliné, mais y avait mis les formes.

Le mobilier commença d’être vidé. William participa dès le début. Après une petite heure, Nicolas le rejoignit dans une pièce où il était seul. Mais pas à l’abri des oreilles.

Will… Voir cette maison ainsi est un crève coeur...
Je sais Nicolas. Pour moi aussi. Cela me rappelle à quel point mon frère est absent. Mais sa Loyauté pour les Princes ne pouvait se finir autrement.
Sa Loyauté… C’était un Clifford, un Clifford n’abuse jamais de son pouvoir. Mon épouse me le rappelle suffisamment souvent.
Percy était Chevalier avant tout. Loyal à son Seigneur, qu’il soit Bienveillant ou Malveillant. C’est pour ça que je n’ai pas de Haine pour la Révolution.
Tu es incapable de haïr Will. Tu es un homme d’Eglise sans ambition.

Le sourire de Nicolas indiquait que cela relevait plus du compliment que de l’insulte. Mais ça, seul William le voyait. Même si quelqu’un les épiait. Par contre son sourire à lui était parfaitement visible.

Oui… Mais le Président semble vouloir me voir en avoir.

Nicolas lança une expression exaspéré et lança un regard à la ronde remarquant finalement les oreilles indiscrètes. Il soupira en jetant un regard inquisiteur aux travailleurs.

Il y avait quelque chose de fascinant à travailler avec les hommes du peuple dans un manoir de riches. C'était comme si la révolution n'était jamais passée par là et qu'ils étaient invisibles.

De parfaits fantômes, et ça tombait bien, Vidal n'était pas ici pour se faire remarquer mais pour remplir une bourse bien vide à son humble avis.

Alors, en même temps que les autres ouvriers, l'homme masqué leur avait tourné le dos pour les laisser à leur conversation de riche, là où ils étaient bien trop occupés à se lamenter sur leur propre sort, soupirant sur l'abandon du manoir et de leur statut de riches, bien hypocrites face à la situation de ceux qui avaient à peine de quoi se faire à manger le soir même.

Et pourtant, Vidal devait savoir que l'un était prêtre, qu'il donnait la pitance à des enfants, mais ce n'était pas vraiment le genre d'actes qu'il estimait. L'homme se méfiait profondément des hommes soit-disant vertueux.

Il avait cru surprendre quelques paroles relatives à Cyrus et avait retenu (de peu) un soupir agacé. De toute évidence, si Cyrus se rapprochait de ce prêtre, c'était pour l'alliance potentielle qu'il pouvait réaliser avec l'Eglise. Il le jetterait comme une vieille chaussette dès qu'il en aurait tiré le jus.

« Sur le côté, il a dit. », grogna-t-il à Alban, l'un des travailleurs qui, ne semblant guère écouter les consignes, avait mis une peinture à côté du mobilier. Il n'allait pas le reprendre plus, ce n'était guère son rôle, et puis se faire remarquer alors qu'il était cherché dans toute la ville semblait tout d'un coup une très mauvaise idée.

Vidal se contenta de hausser les épaules puis continua le travail de son côté. L'endroit sentait la poussière et la crasse (sans doute lui, maintenant qu'il y pensait, il était dans un état si lamentable qu'il aurait eu du mal à se présenter dans les cuisines du château pour reprendre son poste.)

Ses doigts s'affairaient et ses bras transportaient ce qu'il le pouvait.

Et il le faisait en silence, en accordant le moins de regards possibles aux deux qui n'étaient sans doute trop loin.

Ce n'était pas comme si Vidal n'avait jamais été homme du peuple avant de faire partie de la milice, pas comme s'il n'avait jamais travaillé de ses dix doigts, mais on ne prétendrait guère que le travail de commis de cuisine était le même que celui de déménageur, il dut donc trébucher une ou deux fois ou manquer de casser un vase ou deux.

À nouveau.

Le temps passa.

(trop lentement)

Alors qu'il avait l'impression que la masse de travail, il n'attendait plus que l'appel des chefs pour les gratifier pour leur dur labeur.

_________________

T I C T A C
T I C T A C

B O U M

Messages : 86 Âge du personnage : 28 ans

William observa les travailleurs fuir l’inquisition de leur employeur. Nicolas soupira et reporta son attention sur son beau frère.

Fait attention avec ce Président.

Puis il tourna les talons et s’attela à la tâche. Le militaire, bien qu’officier, savait déplacer des meubles et il prit le parti d’aider sur les plus lourds. William lui se déplaçait et transportait ce qu’il pouvait, surtout les tableaux. En tant qu’homme d’Église il ne devait plus se sentir attaché à sa Famille. Pourtant il n’y arrivait pas. Il fit un signe de tête reconnaissant à l’ouvrier qui évita qu’un tableau sois mal placé.

La journée s’écoula ainsi. Seule la moitié du Manoir était vidée. Mais les deux nobles refusaient de faire durer la journée plus longtemps. Ils avaient tous besoin de se restaurer. Leur journée de travail fut payée à chacun. Tous la même paie, elle était raisonnable. Même si certains les trouvaient radins. Mais aucun des nobles ne sourcilla. Ils avaient décidé du prix. Une journée de travail donnait droit à un salaire pouvant nourrir quatre personnes pour deux jours. Si l’argent était usé à l’économie. C’était sûr qu’ils ne pourraient pas s’acheter de quoi manger et une bouteille d’alcool par contre.

Reposez vous et que les volontaires reviennent demain.

Il ne voulait pas leur forcer la main. Alors il les regarda partir, s’attardant sur le masqué. Nicolas s’approcha de lui. Lui aussi ne lui faisait guère confiance. Il évitait trop les contacts avec les autres. C’était suspect. Mais William ne voulait pas juger. Il regarda le mobilier en état. Ils allaient devoir en racheter. Pourtant il ignorait si son frère aurait les finances pour. Au moins, pour un court séjour, ils pourraient s’en accommoder. Nicolas resta pour passer la nuit ici. William revint à l’orphelinat. Il pria, nourrit les enfants, les coucha, pria et se coucha.

Le lendemain, Nicolas était seul à accueillir les travailleurs volontaires. William faisait son travail au confessionnal. Puis l’après midi il rejoint le Manoir. Son beau frère vin le voir dès qu’il arriva.

Bonjour William. Les travailleurs avancent bien. Ton nom fait des merveilles.
Bonjour Nicolas. J’en conclus qu’il y a au moins autant de personnes qu’hier.

C’était une bonne nouvelle. Le blond lui désigna le gars masqué de la veille. Il lui signifia aussi qu’il le gardait à l’œil. Puis William comme Nicolas se remirent au travail à aider les ouvriers. Le Manoir serait vidé avant le soir.