Et j'ai crié Aline pour qu'elle revienne ! { Silas

S'il y avait quelqu'un d'assez improbable pour que Cyrus fut son ami, c'était incontestablement le roi de la Cour des Miracles. Il y avait eu un moment où il avait sérieusement envie de lui foutre son pied au cul, suffisamment pour qu'il s'en retrouve marqué pendant des lustres et qu'il se tape le sol à pleins genoux. Si on pouvait se demander pourquoi Silas avait les genoux rouges, c'était sans doute pour cela.

La relation entre Silas et le président de l'assemblée était assez étrange. C'était comme jouer à cache-cache, comme avoir un atout dans sa manche et c'en était presque plaisant. Il fallait reconnaître que Cyrus méprisait le commun des mortels et les voyait comme des pions sacrifiables, mais Silas était un joueur d'échec. Silas était parfaitement imprévisible, c'était donc ce qui était parfaitement énervant et satisfaisant à la fois.

Lorsqu'ils allaient se voir, il n'était pas rare que Cyrus doive se grimer un peu. Silas n'était pas le genre à pouvoir entrer dans son bureau, c'était plutôt lui qui se déplaçait. Il avait des accoutrements spécialement prévus pour ces déplacements très spéciaux, que ce soit cet imperméable très abîmé qu'il avait retrouvé dans une poubelle l'autre soir ou ce pantalon qui était en vente trois franc six sous au marché. L'aide de Silas était utile, voire indispensable. Il tolérait l'existence de la Cour des miracles en raison de son lien si spécial avec le petit génie des échecs, parce que celui-ci pouvait lui procurer des informations qu'il avait d'habitude nulle part ailleurs.

Par habitude, les deux hommes se rencontraient dans un bar quasiment déserté à cette heure. Le béret vissé sur sa tête empêchait au commun des mortels de reconnaître Cyrus, quand aux autres...s'il n'avait pas le droit de se balader dans sa propre ville, ça aurait été un comble et les concernés se serait ramassé un regard noir.

L'atmosphère du bar était pouilleuse. Il y avait quelques joueurs de cartes sur le côté, mais c'était tout, ce n'était pas le moment de la journée où il était le plus rempli.

Cyrus commanda deux bières et s'assit face à une table un peu éloignée du comptoir, un peu crasseuse elle-aussi comme le tout autour. Il la tapota légèrement de ses doigts, le temps qu'on vienne le servir et fit un « Non mais vous prenez pas la chaise d'en face, quelqu'un va venir. » avant de fusiller (à nouveau) le barman des yeux. Sur un des murs étaient affichées les portraits réglementaires de Vidal et d'Armand. Le blond avait vraiment une sale gueule, maintenant qu'il servait de cible pour les fléchettes de l'endroit et Cyrus ne put s'empêcher de ressentir un plaisir coupable à ce sujet. Lui-même se serait plus à s'exercer à cela, son couteau le démangeait.

Silas fréquentait beaucoup de personnes et cultivait de nombreuses amitiés, mais la plus étrange de toutes était certainement celle qu'il entretenait avec Cyrus, le président de l'Assemblée. Rien que ça. Le plus éminent citoyen, côtoyant le plus répréhensible. Cette improbabilité était certainement ce qu'il y avait de plus grisant dans cette amitié : officiellement, les membres de l'Assemblée faisaient la guerre aux va-nus-pieds de la Cour des Miracles. Et officieusement, leurs deux représentants trinquaient ensemble.
Ils se sentaient au dessus de tous les autres, intouchables.
Oh, bien sûr ce n'était pas une relation très sereine. Mais elle était si intéressante, si amusante, et les deux jeunes hommes en tiraient tellement d'avantages : pour Cyrus, des informations de première qualité, pour Silas, l'immunité de la Cour des Miracles. Cela valait bien quelques joutes de temps à autres.
Dans l'obscurité moite des rues les plus insalubres de la ville, Silas marchait en sifflotant vers le bouge habituel où avaient lieu leurs rencontres. A cette heure le pub était quasi-désert, aussi repéra-t-il Cyrus sitôt qu'il passa les portes – malgré les guenilles qu'il portait pour se dérober au regard des honnêtes citoyens.
D'un pas guilleret, quoique légèrement clopinant, Silas se dirigea vers lui avant de se laisser tomber sans aucune délicatesse sur la chaise d'en face. Il se saisit aussitôt d'une des bières, en but une longue rasade avec reconnaissance, puis gratifia Cyrus d'un sourire mâtin :

« Joli béret. » lança-t-il en guise de salutation. « Je ne me lasse jamais de le voir. »

Silas ne manquait jamais une occasion de mentionner le dit-béret pendant leurs rencontres.

« Et sinon, comment vas-tu ? » demanda-t-il avant de porter à nouveau la pinte à ses lèvres.

Non pas qu'il s'en soucie réellement, mais sa bonne humeur excessive l'amenait à être courtois. D'autant que ce que Cyrus lui racontait valait bien souvent la peine d'être écouté.

La misère le dégoûtait.

Chacun de ses doigts qui touchaient cette table, chaque respiration faisait qu'il avait envie de s'égarer au grand air pour le restant de ses jours ; de passer ses mains dans un alcool suffisamment fort pour noyer toute trace de vermine, ou ou il ne savait quoi qui devait contaminer l'endroit.

Au loin, il y en avait deux ou trois qui prenaient un plaisir intense à faire résonner leurs choppes entre elles. Ridicule.

Mais tellement. Autant dire que ses sens étaient si occupés à se défier de cet endroit sale, poussiéreux et tous les adjectifs que vous pouviez lui attribuer, qu'il remarqua à peine Silas. Et lorsqu'il entendit la voix de l'autre, il feignit l'avoir vu depuis le début.

Enfin.

Peu importait.

Il plaça sa main devant sa bouche et toussota comme si quelque chose dans sa gorge le gênait. À la mention du béret, Cyrus grogna. Silas ne cessait de mentionner cette chose horrible qui lui servait de haut-de-forme.

Il déplaça sa main sur le béret, mais ne l'enleva pas pour autant, ne voulant pas être reconnut.

« T'as de la chance d'être utile, toi. », pensa-t-il à haute voix, puis se mordit le pouce avant de se rappeler que merde, ses doigts avaient touché le bois sale de la table. Il remit très rapidement sa paire de gant, grogna. « Je serai mieux ailleurs. Mais allons-y. Je préfère ici que dans ta... », il fit un geste de la main signifiant passons, passons, « dans ta cité de pouilleux. »

Ca prenait les narines avec une dureté insoupçonnée, si bien que Cyrus soupçonna le patron d'avoir laissé une casserole sur le feu à ce moment même. Ou plutôt les habitants du haut d'avoir balancé des ordures sur le trottoir.

En silence pour une fois, il lui désigna les portraits placardés d'Armand, puis de Vidal, sachant que Silas comprendrait ce qu'il voulait dire. Ce type n'était pas débile.

« Ils peuvent pas avoir disparu sans laisser une seule trace. Y'a pas un de tes miséreux qui aurait vu une de ses têtes. Vidal est blond et à moitié brûlé, un type du genre, ça se remarque de loin, la seule manière qu'ils pourraient sûrement avoir pour se déplacer tranquillement, c'est sans doute de se... »

Se bander de partout.

Comme pour les lépreux.

Il eut un sourire sur les lèvres.

« Tu vois beaucoup de lépreux, en ce moment ? »

Dans un souffle, Silas laissa échapper un petit rire.

« Oh, mille merci d'avoir daigné vous déplacer jusqu'ici une fois de plus, votre Seigneurie. »

Il savait bien combien cela coûtait à Cyrus de descendre de son piédestal pour venir le voir, ce qui ne l'empêchait aucunement de se moquer de lui. Silas se moquait de tout le monde, après tout, le Président ne faisait pas exception.
Même si, honnêtement, il le ménageait plutôt. Non pas qu'il craignait Cyrus, non. Mais il l'avait déjà vu en colère – vraiment en colère – et c'était le genre d'expérience qu'il valait mieux éviter de réitérer. Silas avait eu l'impression d'assister au réveil d'un dragon.
Le plus troublant était sans doute que personne, dans le grand public, ne l'avait certainement jamais vu ainsi – à vrai dire, il n'était même pas certain que la propre mère de Cyrus l'ait déjà vu dans cet état. Le Président portait admirablement le masque, et Dieu seul savait depuis combien d'années.

Silencieusement, Cyrus en vint à la raison de sa venue en désignant les affiches clouées sur le mur. Vidal et Armand.

Silas haussa un sourcil. Deux gros poissons comme ceux-là, aucun doute que Cyrus avait déjà dû mettre le plus de monde possible sur l'affaire. Surtout qu'effectivement, ils n'étaient pas du genre à avoir un visage oubliable. Le premier était défiguré par une brûlure, l'autre avait son visage encore présent sur la plupart des pièces de monnaie... Et, malgré tout, ils restaient introuvables ? Étrange, en effet.

A cet instant, Cyrus sembla avoir une illumination. Pour la première fois de la soirée il eut un sourire, et Silas, à sa question, perdit le sien.
Il resta un instant silencieux, fixant les affiches, puis plongea son regard dans celui de Cyrus.

« Bien sûr. Ça regorge de faux-éclopés chez nous, et il y a bien quelques lépreux dans le lot... Mais ça sous-entendrait qu'ils se cachent tous les deux à la Cour des Miracles. »

Ce qui était tout bonnement impossible, stupide. Presque offensant, à vrai dire. Le ton de Silas n'aurait pas été différent si on lui avait insinué que les fugitifs se cachaient sur la lune, ou sous leur table.
Il ne se donna même pas la peine de rappeler à Cyrus que pour entrer dans la Cour, il fallait y être invité – et qui aurait osé inviter ces deux-là sans lui en parler au préalable ?

« Tes gars, qu'est-ce qui te fait penser qu'ils sont encore ici ? A leur place, je me serais barré du pays. »

Il y avait le goût de la bière si rance sur ses lèvres, l'odeur qui s'élevait de chacun des tissus de la taverne. Celle de l'haleine du commerçant qui tenait le bar, donnant envie de vomir, et du caniveau non loin de là, si féroce qu'elle venait lui salir ses narines.

Les odeurs se mélangeaient pour créer un fumet si agressif qu'il se forçait à rester à cette place, comprenant moins les ivrognes qui se saoulaient pour mieux oublier la misère de leurs vie.

Et Silas.

Il était tout à fait inhabituel que Cyrus eut un allié de la sorte. Ce n'était pas comme s'il l'avait voulu, mais Silas s'était accroché. Sa manière de le battre aux échecs, de parler ou d'oublier leurs rangs respectifs, tout cela faisait de Silas quelqu'un d'horriblement chiant. Horripilement.

D'ailleurs, lorsqu'il feignit le respect et l'appela « sa seigneurie », Cyrus ne se gêna pas pour lui donner un grand coup de pied sur le tibia juste sous la table. S'en suivit un petit ricanement satisfait.

C'était mal, horriblement mal, il joignit ses deux mains, posa son menton dessus pour mieux surveiller Silas, avec ses petits yeux de hyène. Il fallait avouer qu'il l'aimait bien, Silas était utile, plus qu'utile, même.

Et pendant ce temps, Silas parlait. Ce qu'il disait était diablement intéressant, en réalité, il était tout à fait vrai que le Prince et Vidal auraient pu s'enfuir dans un autre Royaume, directement ; en réalité, il ne pouvait avoir de certitudes sur ces faits, juste des habitudes de joueur d'échec.

Comme s'il déplaçait une pièce sur un jeu invisible, la main de Cyrus se baissa et bougea une pièce tout aussi incolore vers Silas. Le fou.

« Ils pourraient, en effet. Mais il est plus intéressant pour moi de croire qu'ils sont toujours ici. Après tout, la petite princesse est toujours recherchée, n'est-ce pas ? Après la mort de son frère, je doute qu'Armand fuit comme un lâche en abandonnant sa seule famille comme un lâche. Non. », il sourit légèrement. « Ce n'est pas son genre. »

Quant à la Cour, loin de lui l'idée de penser que Silas lui cachait des choses, c'était surtout une manœuvre pour le dissuader de le faire. Silas était le fou sur son échiquier, trop estropié pour courir droit, mais la diagonale lui allait si bien. Il bougea une autre pièce distraitement.

« Loin de moi l'idée de remettre en cause l'idée de savoir qui est à la Cour. », il chuchota, « mais la Cour me semble l'idée la plus crédible lorsqu'il s'agit de se cacher, même aux yeux et aux oreilles de mes espions. », il eut un petit rire, parce que cette idée était folle, pour que Silas eut loupé quelque chose, soit aussi incompétent, il aurait fallu d'une énorme coïncidence, mais le monde était constitué de coïncidences de la sorte.

« A moins qu'ils ne soient morts. Mais ça, tu m'excuseras, je ne le gobe pas du tout. »

Lorsque Cyrus lui avait foutu un grand coup de pied dans la jambe (sa bonne jambe, en plus, comme si être estropié d'un côté n'était pas suffisant), Silas s'était contenté de pousser un juron en frottant son tibia. Sans s'agacer, sans se plaindre. Pourquoi faire ? Se frotter à Cyrus était risqué, il le savait. Ils en étaient déjà venu aux mains quelques fois. Face au monde, Cyrus se présentait peut-être comme un dandy – sa colère était froide, hautaine et cassante – mais face à lui, il ne se donnait pas la peine de la déguiser : sa colère se teintait d'une certaine sauvagerie, pareille à un animal blessé. Et Silas, lui, était du genre à ouvrir grand la cage de la bestiole et jeter du sel sur ses plaies. Il aurait été absurde de s'énerver alors qu'il ne faisait que récolter ce qu'il semait.

En revanche, lorsque le président de l'Assemblé avança ses arguments, comme autant de pions sur un échiquier, pour appuyer sa théorie, Silas sentit l'agacement le gagner peu à peu.

« La Cour me semble l'idée la plus crédible lorsqu'il s'agit de se cacher ». Il se mit à tapoter son index contre sa chope de bière, retournant cette idée en tous sens dans son esprit comme il tournerait un nouvel aliment dans sa bouche, pour décider s'il en aimait le goût ou non.

Les deux recherchés auraient-ils pu entrer secrètement dans la Cour des Miracles ? Peut-être. Leurs portes étaient infranchissables pour les inconnus, mais Silas était bien placé pour savoir qu'il n'était pas nécessaire de passer par la porte pour s'introduire quelque part. Néanmoins, ils auraient également été vite percés à jour, même en volant un bracelet. Ils n'étaient qu'une petite centaine, à la Cour : les nouveaux-venus étaient facilement repérables.
Sauf lorsqu'ils entraient au bras de quelqu'un appartenant à leur groupe.
Les fugitifs auraient-ils vraiment pu se faire introduire à la Cour par l'un des leurs ? Qui aurait pu être assez... Naïf ? Impudent ? Complètement crétin pour faire une chose pareille ?
Absurde, mais pas impossible.

« Admettons. »

Cela lui arrachait la gueule, mais il fallait considérer toutes les options. Il n'en serait pas là où il en était aujourd'hui s'il n'avait pas toujours pris en compte toutes les possibilités. Il s'obligea à sourire à Cyrus – c'était un sourire acerbe, grinçant :

« Admettons que deux rats se promènent tranquillement à la Cour. Admettons qu'un connard ait eu la stupidité ou l'audace de les introduire chez moi, et juste sous mon nez. »

Pourtant, tout nouvel arrivant était censé lui être présenté... en principe. Quand il n'avait pas mieux à faire. Ses doigts se crispèrent autour de sa chope. Depuis combien de temps négligeait-il son rôle de chef ?
Et si les deux intrus se promenaient à la Cour simplement à cause de son laisser-aller ?
Silas grimaça. Cette idée avait un goût plus amer encore que la précédente, plus encore que la bière éventée qu'on leur servait ici.
Pour rien au monde il ne l'admettrait à Cyrus. Il n'avait pas à connaître ce détail.
Silas était au delà du simple agacement, à présent – contre le président de l'Assemblée, contre les vauriens de la Cour, contre lui-même. Mais il ne souhaitait guère se remettre en cause et préféra reporter toute sa colère sur les deux personnes qu'il considérait être à l'origine du problème : Vidal et Armand.

« Le problème ne sera pas de les trouver : s'ils sont vraiment à la Cour, je pourrais les débusquer facilement. » Il possédait plus d'or et de gros bras qu'il n'en fallait pour les rechercher, dusse-t-il faire retourner chaque taudis de la Cour l'un après l'autre pour ça. « Non, le problème est plutôt : à quel point tiens-tu à les récupérer ? Tu comprendras que je peux décemment pas les laisser filer sans même les... réprimander, eux et le crétin qui les a invités à la Cour. J'aurais l'air de quoi après, moi ? »

Par réprimander, Silas entendait bien sûr : les pendre haut et court.

C'était comme un frère.

Un frère bâtard sur lequel il pouvait à la fois se défouler et avoir pleinement conscience. Il n'avouerait jamais ce dernier point en face de Silas, c'était bien trop intime, et puis il y avait des fois où les actes surpassaient les mots.

S'allier à Silas ne semblait guère impossible, mais s'afficher dans ce bar à ses côtés, c'était comme annoncer aux yeux du monde qu'il s'alliait aux voyous et brigands de tout le pays. D'où le chapeau ridicule. Et les habits. Bref, et toute la panoplie qui, il avait l'impression, le grattait si fort qu'il rêvait déjà de son lit et d'un bon bain.

Il comprenait la colère que pouvait ressentir Silas à cet instant précis. Lui-même aurait eu envie d'étriper ces deux personnes sur le champ, faisant fit de leur statut respectif. Maintenant qu'il y pensait, un écartèlement dans les règles de l'art devrait convenir à Vidal, une jolie cérémonie d'exécution à Armand. Là-dessus il rejoignait les idées de Silas.

« S'ils y sont. », rajouta-t-il, ne souhaitant pas omettre de chercher à cet endroit précis, mais prenant tout de même en compte qu'il était possible que les deux compères aient élu domicile dans un endroit autre tout à fait improbable comme les frontières du royaume ou des lieux tout à fait insalubres d'où ils ne sortiraient quasiment jamais.

Ne cherchaient-ils pas Eden depuis des mois, d'ailleurs ?

« Mais en effet, s'ils se promènent par là, tu es le premier des maris cocus, je comprendrais même que tu t'en occupes...un peu, dans la limite du raisonnable, pour le reste, je suis persuadé que nous pouvons discuter de la suite comme deux grandes personnes qui se respectent. »

La colère qui le faisait presser ses mains contre sa choppe de bière, Cyrus la connaissait très bien. À vrai dire, il avait eu le temps de l'encaisser, l'absorber, vivre avec ou imaginer des plans tordus à leur égard, plus le temps passait, plus il s'imaginait cette vengeance comme un petit plat minutieusement mitonné. Dans le futur, il voyait plusieurs tableaux de lui-même, ses victoires, immortalisant la capture de ces traîtres à la république. Le réalisme de ces visions l'émoustillait considérablement, ses mains ne pouvaient pas s'empêcher de se crisper sur sa chope à lui.

« Mon ami, tu sais, la République ne peut pâtir du fait que tu manques à tes devoirs de chef de la Cour des Miracles. », c'était bas, très bas, mais totalement Cyrus. Il n'en pensait pas moins, d'ailleurs, ce n'était pas comme s'il n'avait pas l'habitude de ne pas dire ce qu'il pensait. « Si nos compères sont effectivement dans cet endroit plein de poux que tu es censé garder, je te laisse l'organisation pure et dure de la punition, à condition que celle-ci se passe sur la place publique, non à la Cour. »

Sa main se déplaça pour toucher celle de son camarade ; ils étaient si proches du but, si prêts de les capturer, d'être débarrassés de ces immondes vermines. Drôle d'endroit pour faire ce geste, là où les ivrognes étaient légion, où la saleté était sûrement la cause du décès de beaucoup d'anciens clients.

« Allions-nous. Je viens d'en recruter deux en mal de reconnaissance. Si tu veux faire des recherches de manière discrète, nous pouvons y envoyer au moins l'un d'entre eux, c'est un ancien garde du château, il aura déjà vu Armand de face. Pour l'autre, il s'agit d'un ancien noble, je doute de son utilité, mais il semble être un joli moyen de pression à garder auprès de toi pour que l'autre se bouge. Au pire, il fera une bonne entrée en matière au moment de l'exécution publique. »