Il y avait quelque chose de presque cruel à être si recherché alors que l'on se savait innocent, se battant pour les droits des plus pauvres. Vidal en rêvait, en cauchemardait. Chaque jour qu'il passait dans cette maison de fortune semblait être une condamnation et lorsqu'il se rêvait, portait la main à cette cicatrice si hideuse à la tête, il savait qu'il était là depuis trop longtemps.

Lorsqu'il avait libéré le Prince, il aurait dû partir. Partir, l'abandonner à son sort, à celui qu'attendait un homme recherché par la milice de Cyrus et qui ne savait pas se déguisé. Il aurait dû partir, il savait de toute évidence ce qui l'attendait s'il restait auprès d'Armand.

Il savait d'avance qu'il connaîtrait la fatigue, l'énervement également d'être considéré comme un domestique par ce fils de nobles (de rois). Malgré tout, Vidal tenait. Bon, plus ou moins, il fallait l'avouer car même s'il avait gagné en maturité, se faire traiter comme cela, ça avait des limites. Les premiers jours, il avait tenu, une légère veine liée à l'énervement dans le creux du front, ces derniers temps, il ne se gênait pas pour gueuler sur Armand et lui reprocher tous les maux du monde.

Ou presque.

C'était très précisément ce qui amenait Vidal vers cette taverne, la tête déguisée et cachée par une épaisse cape de velours, les cheveux attachés en queue de cheval. C'était dangereux, il en était conscient, mais il ne pourrait pas rester une seconde de plus enfermé dans le même lieu où était Armand. Et puis Vidal avait tout de même besoin de faire le plein d'informations, surtout concernant la jeune Princesse Eden qui scellait actuellement son sort ici-bas.

Eden était la Clé qui retenait Armand ici, donc lui-même. Plus vite il la retrouverait, plus vite le Prince se déciderait à mettre les voiles – en espérant évidemment qu'il le ferait vraiment et qu'il ne se concentrerait pas si la mission « faire tomber Cyrus du haut de son siège ».

Soupirant, Vidal poussa la porte. Un peu plus loin, il avait aperçu des avis de recherche pour sa personne et celle d'Armand, indiquant de les retrouver vifs. Sur sa personne, ils avaient écrit « traître au régime », mais s'ils savaient tout ce qu'il avait sacrifié pour la République, sans doute se comporteraient-ils autrement. Grimaçant, Vidal se fraya un passage dans l'endroit déjà bien animé, puis vers le comptoir. Il lança un regard à la serveuse, puis commanda une bière.

Enfin, il tendit l'oreille : il finirait bien par entendre un ou deux ragots, non ?

« J'ai entendu dire que le prince Armand s'était évadé...vous pensez qu'il a fait son compte comment ? », demanda-t-il à la serveuse d'un air curieux, encore une fois sans révéler son visage.