{ Dirty Prince }
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

{ Dirty Prince }


« Brave New World »
 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment :
LEGO Icons 10331 – Le martin-pêcheur
Voir le deal
35 €

Partagez | 
 

 La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptySam 28 Juil - 22:06

    Ce jour-là, Lucien était bien décidé à se rendre en ville pour faire quelques emplettes (en ignorant résolument les sarcasmes de Theo pour qui les ''emplettes'' étaient des activités incontestablement féminines et non celles d'un noble riche et influent, ce qu'il était pourtant) et à régler des affaires urgentes -comprendre par là qu'il entendait menacer à mots couverts les imbéciles qui tardaient à lui rendre l'argent qu'il leur avait prêté au terme de difficiles négociations. Sa générosité était sans limites. Simplement, il se demandait parfois s'il ne ferait pas mieux de faire la sourde oreille à tous ceux qui lui quémandaient un service. Cela ne lui apportait que des soucis. Enfin, pas exactement. Pour être exact, cela l'obligeait à se déplacer à chaque nouveau problème, et Lucien, tout à sa vie personnelle où personne ne devait l'embêter, détestait bouger pour les autres. Cependant, il s'agissait de son argent -de l'argent de sa famille plus exactement, et autant dire que ses oncles, tantes et compagnie, bien qu'ils ne fassent pas parti de la branche principale, auraient moyennement apprécié de voir la fortune diminuer à petit feu. Il ne pouvait donc le laisser filer ainsi entre ses doigts.

    Cependant, quand Lelio vint le réveiller en lui résumant toutes les tâches qui l'attendaient, il eut juste envie de se renfoncer dans son lit en ignorant ce genre de bas problèmes qui n'étaient pas dignes de sa personne. Il était comte, nom de dieu, pourquoi ne pouvait-il pas confier ces tâches à ses subalternes? (La réponse était : il avait déjà essayé, et, en plus de ne pas représenter une figure d'autorité pour le réfractaire visé, la plupart de ses domestiques finissaient pas le prendre en pitié et s'en allaient sans rien obtenir de lui. C'était désespérant). Du coup, il était obligé de se farder ce genre de boulot. Magnifique. (Et il était hors de question d'y envoyer Theophil. Ce crétin était capable de lui faire un sale coup).

    Il finit par se lever en bougonnant, seulement attiré par l'odeur des gâteaux que Lelio posait devant lui au rythme de ses paroles, comme on récompense un gentil chien qui écoute sagement son maitre. Ou comme on console un enfant malade qui ne peut pas aller jouer dehors à cause de sa grippe. Lelio avait toujours possédé un puissant instinct maternel.

    Dans la rue, il ne pouvait s'empêcher de se tenir près de Theophil qui, pour une fois, remplissait l'office de garde du corps pour laquelle il avait été convié à l'origine. Les malfrats redoublaient d'astuce pour détrousser tous ceux qui ressemblaient à de riches personnages, et Lucien n'avait nulle envie d'en faire les frais -en plus, en comptant que les mains du voleur pourraient dénaturer son bel habit bleu, cette idée lui devenait tout simplement inacceptable.

    Quand il se rendit compte que son épaule touchait presque celle du garde, il décida de s'en éloigner quelque peu avant que celui-ci ne risque une remarque désobligeante. Il était comte, tout de même! Il n'avait pas à s'appuyer sur les prolétaires qui, malgré leur utilité, avaient une valeur inférieure à la sienne. Il soupira en tirant une petite liste de sa poche. Elle comportait deux colonnes : l'une lui rappelait les difficiles tâches qui l'attendaient, l'autre celles qui lui procureraient un tant soit peu de soulagement (aller chercher le nouveau costume chez le tailleur, commander les gâteaux pour la famille qui arrivait bientôt, prendre en partant un châle pour Esther, … autant d'occupations qui lui paraissaient ô combien préférables aux autres).

    Il s'arrêta au milieu de la rue, indifférent à la charrette qui fit un écart pour l'éviter, fronçant les sourcils pour mettre une point une stratégie visant à rendre la matinée moins désagréable. Tout à sa réflexion, il se vit pas l'homme qui se rapprochait de lui.




    Il laissa Lelio allumer un feu, puis repartir à ses charitables occupations (comme séparer Victoria qui se battait encore avec le palefrenier -ces deux-là ne pouvaient s'empêcher de se crêper le chignon pour un oui ou pour un non, consoler Esther qui venait de brûler une fournée de brioche, ou chasser les gamins des rues qui prenaient la fâcheuse habitude de venir s'amuser dans le jardin, ravageant les parterres de fleurs et essuyant leurs chaussures pleines de crotte (quand ils en avaient) sur les pelouses. Lucien resta seul avec le sombre crétin qui lui servait de garde du corps. Avec ce contre-temps, sa journée était fichue. Il n'aurait plus qu'à recommencer le même cirque demain matin : le lever aux aurores (oui, le milieu de la matinée correspondait aux aurores lorsque cela l'arrangeait), la liste, et la mauvaise humeur. L'avantage était qu'il n'aurait pas à remettre le couvert pour son chantage, il n'avait même pas eu le temps de se rendre auprès de ceux qui lui devaient de l'argent. Ce serait une grande première. Il brûlait de joie à cette idée.

    Dire qu'il avait pensé se débarrasser de ces corvées aujourd'hui. Il avait eu bien tort.

    Il se tourna vers Theophil, assis dans un coin avec un air un peu gêné qui se disputait à son ironie habituel. Dur de dire quelle expression dominait en cet instant.

    « J'espère que tu es satisfait de tes performances. Ma journée tombe à l'eau grâce à toi. »

    Il se rendit compte qu'il tapait sa canne à intervalles réguliers contre le sol, en un réflexe nerveux qu'il se dépêcha de stopper. Il n'était pas nerveux. Il était énervé, désespéré par l'individu qu'on lui avait refilé et qui lui apportait davantage d'ennuis que de bienfaits. Mais la question de le renvoyer ne se posait pas.

    Il marcha jusqu'à la fenêtre, observa une silhouette blanche que lui seul voyait à travers le rideau, et se concentra sur elle. Quand elle disparut, il n'eut plus d'autre choix que de se tourner vers le soldat qui attendait toujours.

    « Je me demande vraiment comment ils vous formaient, dans votre garde. Et comment tu as réussi à survivre jusqu'à présent » ajouta-t-il dans un soupir satisfait, que Theophil pouvait interpréter comme il le voulait (« Quelle joie que tu aies survécu » ou « Quel dommage que le monde ne m'ait pas débarrassé avant de ta stupide présence »).

    Il secoua la tête d'un air dubitatif, et, las de tourner en rond depuis vingt minutes, finit par s'assoir dans un fauteuil, posant sa canne contre l'accoudoir.
Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyDim 29 Juil - 13:45

    Ce jour d'hui était donc dédié aux emplettes du Lord. Ironiquement, chaque fois qu'on lui demandait d'accompagner son patron en ville dans ce but, Theophil ne pouvait s'empêcher de se comparer à un homme accompagnant sa femme pour porter ses courses. Bien sûr, son insolence était aussitôt calmée d'un coup de canne indiscutablement masculin (bien qu'au fond, le réflexe restait lui aussi typiquement celui d'une jeune fill-Aïe.) lorsqu'il osait faire une remarque de ce goût.
    Au fond, Theophil ne râlait qu'à moitié (plutôt pour la forme, en vérité) lorsqu'il devait exécuter ce genre de mission. Après tout, quand il suivait le noble pour le protéger dans ses périlleuses sorties (que ce soit son shopping ou ses soirées mondaines), il faisait son boulot de garde du corps. Et non le travail du coursier, du livreur, du racoleur de jeunes filles à usage unique – bref, du larbin qu'il n'était pas censé faire normalement.
    En plus, avec les troubles politiques des derniers temps, et la hausse de criminalité dans les rues, Theophil trouvait son rôle presque utile – même si c'était bien le seul avantage que lui apportait cette nouvelle fichue république. Chaque fois qu'un type louche, simple pouilleux ou gamin à l'air sombre, rôdait un peu trop près, Lucien avait tendance à se rapprocher de Theo. Quand il s'en rendit compte, il se dépêcha de s'écarter dignement. Theo en aurait presque rit – mais ce n'était pas la chose à faire en premier lieu lorsqu'une charrette vous fonce dessus. Désormais occupé qu'il était à regarder sa petite liste de courses (décidément, maniéré jusqu'au bout celui-là), Lucien se contrefichait de gêner la circulation, posté au beau milieu de la route. Bon sang, qui donc s'était chargé de son éducation, à ce foutu noble? Theophil adressa un geste d'excuses au charretier lorsque celui-ci fit un écart, surpris et énervé – et il n'était pas le seul à l'être. Mais alors que le garde se tournait vers Lucien, animé de la ferme intention de lui dire ce qu'il pensait de son comportement (bon sang, avoir un garde du corps ne signifiait pas pouvoir faire l'imbécile et s'exposer à tous les dangers! Comme si cela lui facilitait la tâche) et de le dégager de la voie, il vit l'autre homme approcher, couteau à la main et haine au regard.
    Un court instant, Theophil resta perplexe. Ce fut quand l'homme leva son couteau devant lui, visant Lucien aux omoplates, que Theo sortit brusquement de sa torpeur – un peu trop tard, peut-être. Dans un geste précipité, qui tenait plus du réflexe mécanique que de la réflexion militaire qu'il était censé utiliser dans ces conditions, il dévia le couteau de sa trajectoire en frappant l'homme au coude. Il lui sembla heurter l'épaule de Lucien au passage, mais à vrai dire, il s'en fichait complètement. « Écartez-vous, bon sang. » fut la seule chose que Theo prit le temps de lui dire, l'air sombre. L'homme levait à nouveau son couteau, et Theophil n'avait pas le temps de dégainer. Quel imbécile ! Quel idiot ! Il aurait dû avoir la main sur son arme depuis le début, comme pendant ses anciennes missions sur les remparts du château. Avait-il perdu à ce point l'habitude du combat ? Plus en colère contre lui-même que contre son ennemi, Theophil dévia de nouveau le couteau, cette fois en attrapant le poignet de l'homme, puis frappa au ventre d'un coup de poing. L'homme se plia en deux – mais sans même prendre le temps de retrouver sa respiration, il ré-attaqua aussitôt de la main que Theo n'entravait pas : celui-ci se mangea méchamment le coup dans les côtes. Profitant de la douleur du garde, l'homme se dégagea et, une fois de plus, fonça avec son couteau. Theophil s'écarta aussitôt, plus apte à esquiver qu'à frapper dans le tas qui s'était jeté sur lui à pleine vitesse (il est vrai que lorsqu'on n'est qu'un gringalet face à une brute enragée, la ruse reste toujours un fort avantage). Quand l'homme passa à côté de lui, comme un taureau qui aurait manqué le drapeau rouge, Theo le frappa violemment à l'arrière de la nuque. L'homme s'écroula aussitôt, inconscient. Un silence passa, et enfin, le blond eut l'impression de respirer à nouveau.
    L'action n'avait duré que quelques minutes, mais il fallait croire que c'était suffisant pour attrouper assez de badauds – Theophil ne fit que jeter un regard noir à la foule, toujours énervé. Mais en même temps, peu à peu, son irritation laissait place à une certaine suffisance, surtout lorsqu'il constatait que l'attaquant était toujours face contre terre.
    A la fois farouche et fier, Theo se tourna enfin vers son patron. L'étonnement se peignit aussitôt sur ses traits quand ce simple mouvement provoqua une douleur aiguë au côté droit. Il baissa les yeux et constata, à sa grande surprise, que sa veste était déchirée. Quand il l'ouvrit, ce fut pour voir une corolle noire qui imprégner peu à peu sa chemise.



    « J'espère que tu es satisfait de tes performances. Ma journée tombe à l'eau grâce à toi. »

    Theophil se retint très fort de répliquer avec insolence. Partagé entre la honte, l'orgueil, et l'ironie de cette situation, il ne savait de toute façon par vraiment comment se défendre de la pique du Lord.. La seule joie qu'il tirait de ce contre-temps était d'avoir entravé les projets du jour de Lucien. Toutes les corvées dont il avait prévu de se débarrasser aujourd'hui (de sombres histoires d'argent entre riches, cela n'intéressait Theo que lorsqu'il savait que ces tracas financiers concernaient son patron) devraient être remises à une prochaine fois. Mais quel maigre réconfort !
    Ses pensées furent interrompues par le silence soudain. Il se rendit compte que jusqu'à présent, Lucien tapait le pied de sa canne sur le sol à un rythme régulier. Il devait être énervé. Ou anxieux ? … Non, énervé. Theophil soupira. Lelio n'aurait pas dû l'abandonner à la merci des reproches de Lucien, ce n'était pas solidaire. Juste après avoir pansé provisoirement sa blessure au flanc et allumé un feu, il était repartit vaquer à ses occupations, l'égoïste. Theo avait hâte que le médecin arrive enfin, pour finir de guérir son imbécile de blessure et surtout mettre fin à cet angoissant tête à tête.
    Le noble quitta la fenêtre, cessant d'observer le ciel, la rue ou le vide, Theo n'en savait rien. Avec un soupir suffisant, il poursuivit avant d'aller lui-aussi s'assoir dans un fauteuil :

    « Je me demande vraiment comment ils vous formaient, dans votre garde. Et comment tu as réussi à survivre jusqu'à présent. »

    Le sarcasme bienheureux que le garde ressentait dans cette réplique était de trop. Cette fois, il ne put s'empêcher de répliquer d'un air bougon :

    « Je vous ai quand même sauvé la vie, je vous rappelle. Si cela ne vous suffit pas, la prochaine fois vous n'aurez qu'à vous débrouiller sans moi. »

    Oui, tiens, la prochaine fois que ses compétences de garde royale seraient requises, il le laisserait se charger lui-même de se sauver la mise, comme un grand garçon. La vision défoulante de Lucien aux prises avec la brute épaisse de tout à l'heure l'apaisa sur le champ.

    « Oui, j'aimerais bien voir ça. » marmonna-t-il tout bas, souriant d'un air railleur contre la main qui soutenait sa joue, coude posé sur l'appui-bras du fauteuil.

    Il voulut se redresser sur son siège, par habitude, mais arrêta aussitôt son mouvement dans une grimace. En sentant le bandage s'imbiber, il masqua la misérable blessure en boutonnant la chemise propre qu'on lui avait apporté, se préparant à la prochaine moquerie du noble. Décidément, le médecin était long à arriver.
Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyJeu 2 Aoû - 0:18

    Ce furent les murmures de la foule qui commençaient à monter près de lui, plus que les mouvements précipités, qui retinrent son attention. Alors qu'il allait se retourner pour dire à Theophil de cesser ses pitreries -car il était sûr que c'était encore de sa faute si les passants se retournaient sur son passage d'un air contrarié, il fut percuté rudement par le garde en personne. Évidemment. Il ne fallait pas se faire d'illusion, c'était toujours de la faute de cet abruti. Déséquilibré, il faillit basculer en avant, mais se rattrapa de justesse avant de pivoter sur lui-même à l'aide de sa canne pour réprimander l'importun. Sauf que malheureusement pour lui, aujourd'hui, celui qui entravait ses mouvements n'était pas le soldat (enfin si, mais pas de la même manière que d'habitude) mais un homme de haute stature qui, un couteau à la main et l'expression furieuse, semblait diablement lui en vouloir, s'il prenait en compte ses assauts répétés et le couteau qu'il tenait à la main. Méfiant, il recula de quelques pas, espérant ainsi se mettre à l'abri à la fois de l'attaque de l'homme, qui lui évoquait davantage un ours qu'un être humain, et de la défense de Theophil qui, pour empêcher l'autre de fuir, donnait des coups sans se soucier de sa présence -il en voulait pour preuve le coup qu'il avait reçu en plein dans l'épaule quelques instants plus tôt. Essayant de retrouver un semblant d'aplomb, Lucien essuya son costume qui accrochait la poussière du combat et observa la scène d'un air assuré. Assurance qui, à son grand désarroi, avait pour l'instant déserté sa caboche de noble prétentieux. Jamais là quand on n'avait besoin d'elle, celle-là. Il fallait avouer, que sous ses airs d'arrogance, en cet instant, avec Theophil qui se battait (tentait de se battre? Il ne connaissait pas la réussite pour le moment, ce crétin. Il n'était donc pas capable, avec son expérience de garde, d'expédier la chose? Il fallait vraiment tout lui dire) contre une sorte de monstre humain qui semblait diablement lui en vouloir, il n'en menait pas large. Pourtant, il ne se souvenait pas avoir commis une erreur qui aurait pu lui valoir une haine aussi violente, ces jours-ci. Et s'il s'était attendu à l'hostilité du peuple, il n'aurait tout de même pas cru qu'elle se manifesterait de manière si... brutale. Si directe. Il fit une grimace quand l'ours atteignit Theophil en plein dans les côtes. Il espérait qu'il ne serait pas trop abimé. Ou plutôt si, ça lui apprendrait à faire trainer ses affaires. Ils n'avaient pas toute la journée, bon sang! Un bon coup sur la tête et on n'en parlerait plus. Ah, enfin, ce n'était pas trop tôt. Il avait failli attendre.

    Quand il fut sûr que la bête ne se relèverait plus (il ne tenait pas à se retrouver une nouvelle fois au milieu d'un combat de rustres), il s'approcha de Theophil en donnant des coups de coude à la foule qui s'était assemblée là, attirée par le tapage, et constata avec lassitude (Non, il n'était pas inquiet) que l'autre crétin avait réussi à se blesser. Il n'en loupait décidément pas une. Il suffisait qu'il ait quelque chose à faire pour créer un problème plus gros que celui qu'il avait résolu. Lucien poussa un profond soupir en fixant d'un air blasé, voire méprisant, le garde qui, en ouvrant sa veste, avait découvert le sang qui imprégnait à présent sa chemise. D'un geste brusque, Lucien le saisit par le col et le traina jusqu'à la charrette qui avait failli le percuter quelques minutes plus tôt, balançant sans ménagements Theo à l'arrière (ou plutôt, le cognant contre le fond du véhicule pour qu'il comprenne qu'il devait monter dedans. Non seulement cela lui évitait des efforts inutiles mais en plus cela le défoulait un peu) tandis qu'il se dirigeait à grands pas vers le propriétaire de leur nouveau moyen de transport. Décrochant de sa ceinture la bourse avec laquelle il envisageait de faire ses courses, il la fit miroiter devant les yeux du paysan visiblement sceptique, avant de l'ouvrir pour en dévoiler le contenu.

    « Si vous nous conduisez là où je vous l'ordonne, elle est à vous. »

    Aux yeux ravis de l'homme, il comprit que c'était dans la poche. Impression qui fut confirmée par la vitesse avec laquelle il monta à l'intérieur de son véhicule et à la façon dont il l'appela respectueusement Monsieur. Lucien surmonta la répugnance qu'il avait à monter dans cet engin crasseux et se résolut à s'assoir à l'avant, à côté du conducteur qui, à son grand désarroi, ne cessait de jacasser (Il vérifia auparavant que Theophil se trouvait bien à l'arrière, on ne savait jamais ce qui pouvait lui passer par la tête, à celui-là). Au bout d'une minute (deux peut-être, il était généreux), il cessa d'écouter son babillage ininterrompu pour tenter de se maintenir droit sur cette route qui cahotait comme ce n'était pas permis. Il se promit de ne jamais remonter là-dessus, et espéra que son malaise passait inaperçu de l'extérieur.

    Soudainement, il regretta de s'être soucié de l'autre ahuri. Il ne serait certainement pas mort de rentrer à pieds, si?


    Cette pièce semblait bien confinée par rapport à d'habitude. Était-elle aussi étouffante ou n'était-ce qu'une impression? Incapable de tenir en place, il se releva et se mit une fois de plus à parcourir la pièce de long en large. Ses pas, sur le tapis au sol, donnaient naissance à un petit bruit mouillé qui lui tapait sur les nerfs. Il s'arrêta en plein milieu de la pièce. Et esquissa un sourire venimeux devant les sarcasmes du garde. Il ne saurait pas se débrouiller tout seul? Bien sûr que si! Il passait son temps à se battre tout seul, entre Lelio qui n'allait jamais assez vite, Theophil qui prenait un malin plaisir à lui mettre des bâtons dans les roues tout le jour durant et le reste de la bande dont il avait parfois du mal à savoir s'ils étaient diablement doués ou complétement irrécupérables (malheureusement, il penchait en général pour la seconde option). Il sentit ses joues chauffer, comme lorsqu'il était petit et que son frère lui refusait l'entrée de sa chambre parce qu'il était avec des amis de son âge.

    Heureusement, il eut la pensée salvatrice. Il se rappela de la chute des princes, d'un commentaire de Lelio, d'un pistolet sous la pluie et d'un cachot malpropre. Il retrouva aussitôt le sourire qui avait disparu de ses lèvres une poignée de secondes auparavant. Car si Theophil avait déjoué l'attaque d'un mendiant malpropre, lui l'avait tiré des griffes de la République.

    Il se rapprocha du garde et se pencha vers lui en posant ses mains sur un accoudoir du fauteuil, ses lèvres près de son oreille. Sa voix se fit doucereuse, presque sifflante.

    « Me débrouiller? Je n'ai pas besoin des conseils d'un soldat qui ne sait pas faire preuve d'un minimum de retenue envers son supérieur. »

    Comprendre, tu n'es pas autorisé à me faire la leçon, alors surtout, tais-toi. Je n'accepte pas que tu te crois autorisé à me répondre. Pas du tout.

    « N'oublie pas qui t'a fait sortir des geôles de la Révolution, sombre crétin. Et pense à ce qui aurait pu t'arriver si personne n'était venu te chercher. »

    Vu ton mauvais caractère et la violence du nouveau régime, tu serais sûrement passé de vie à trépas en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Il l'aurait presque parié tellement cela semblait inévitable.

    Lucien se redressa de toute sa hauteur, reprit à la main la canne qu'il avait posée contre le fauteuil.

    « Peut-être cela remettra-t-il ton arrogance malvenue à sa place. »

    De l'autre, doucement, presque vicieusement, il appuya sur la plaie qui colorait le pansement fait par Lelio à la va-vite. Quand il la retira, le bout de ses doigts s'était légèrement coloré. Il les contempla un instant, et toisa le garde de ses yeux moqueurs.

    Il n'était pas d'humeur à supporter son insolence.

Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyMer 8 Aoû - 1:34

    C'est un fait, une plaie se manifeste par une douleur. Mais paradoxalement, c'est parfois la vision de la blessure qui fait ressentir cette même douleur.
    Theophil ne s'était pas rendu compte de sa taillade avant de bouger. Maintenant qu'il ne voyait plus que le lambeau de chemise, la tâche noire sur son flanc droit, l'entaille brûlante, il avait l'impression d'en baver de plus en plus. Et se faire balancer sans ménagement contre une charrette n'arrangeait pas les choses. Une exclamation (suivit aussitôt d'une injure) lui échappa. A la fois surpris et énervé, il ne contesta cependant pas et grimpa – lentement, difficilement – à l'arrière du véhicule tandis que Lucien marchandait les services de son conducteur. Le garde ignorait si l'air las teinté de mépris qu'arborait le noble le rendait colérique ou honteux. Un mélange des deux, surement.
    La charrette cahotait beaucoup, sur les pavés, et Theophil ne cessait d'être projeté contre la paroi de bois. Face à un tel confort, rentrer à pieds n'aurait pas été moins agréable, loin de là. … D'ailleurs, pourquoi n'étaient-ils pas repartis comme ils étaient venus? La blessure ne l'handicapait pas, il en était certain (non, ce n'était pas un regain de fierté). Et même si cela avait été le cas, en principe ce n'était pas ce genre de menus détails qui gênait Lucien. Theophil se creusa la cervelle jusqu'à trouver la réponse la plus plausible : décamper le plus vite possible devait être une nécessité, tout simplement. Il ne faisait pas bon pour un noble (non plus pour un ancien garde royal, d'ailleurs) de trainer sur les lieux d'une attaque. Et même en fuyant, il fallait encore espérer que la brute, quand elle se réveillerait, serait traité comme un fou dangereux et non comme un citoyen dans son droit.
    Le chariot finit enfin par se stabiliser. En entendant quelqu'un sauter à terre, Theophil se releva – avec moult grimaces – pour faire de même. A la fin de cette dure épreuve physique, il était un peu trop pâle. Heureusement pour lui que Lucien ne l'avait pas attendu, fuyant le plus rapidement possible le conducteur et ses bavardages incessants. Quand Theo le rejoignit dans le hall d'entrée, le noble criait déjà des invectives (peu flatteuses quand elles concernaient le garde) au pauvre Lelio. Ils entrèrent tous trois au salon (Lelio ramenant une bassine d'eau chaude, un linge, des bandages et une nouvelle chemise au passage), où le domestique put nettoyer la blessure en attendant l'arrivée prochaine d'un médecin. Quand il eut finit son ouvrage, le garde lança un regard de chien battu à Lelio - un regard qui voulait à la fois dire « Pardon, on va en baver à cause de moi. » et « Pitié, AIDE MOI. ». Il était en effet anormal, d'après Theophil, de ne pas trouver rassurante la perspective d'arriver enfin au domicile : ce qui devait normalement signifier la fin des épreuves ne signalait à la place que le début d'une longue série d'embuches.



    Il avait énervé le noble. Enfin, encore plus que d'habitude. Et c'était décidément un spectacle bien effrayant – pour preuve, Theophil ne put s'empêcher de bloquer sa respiration quand l'autre se pencha vers lui. Mais en même temps, le souffle de Lucien sur sa peau, ses menaces susurrées à son oreille, son comportement hautain et suffisant... tout cela insupportait au plus haut point le garde. Lui aussi était énervé, bon sang! Se retrouver blessé à cause d'une mauvaise performance était déjà bien assez exaspérant (surtout lorsqu'on ajoutait que c'était là le prix du salut de ce foutu noble), il n'avait pas en plus besoin qu'on vienne jeter du sel sur sa plaie en évoquant l'avènement de cette fichue république ! Oui, il avait failli y passer, sans doute. Oui, Lucien l'avait gracieusement tiré de cette sombre affaire, sans qu'il ne sache trop pourquoi. Oui, Theophil avait eu une dette importante envers lui et oui, cela le frustrait plus que tout.
    Mais il l'avait payé ce jour-même, cette dette, bon Dieu. Une vie contre une autre, voilà tout.
    Il aurait aimé faire part de son point de vue au noble, mais lorsqu'il ouvrit la bouche, ce fut une plainte rauque, brève et surprise, qui en sortit.

    « Peut-être cela remettra-t-il ton arrogance malvenue à sa place. »

    Alors que le noble pressait sa plaie – d'un air ô combien satisfait, en plus – Theophil ne put s'empêcher de reculer autant qu'il le pouvait dans son fauteuil pour échapper à la douleur. Malheureusement bloqué entre le dossier et Lucien, il se força à se ressaisir, et se mordit très fort l'intérieur de la lèvre pour ne pas gémir. Le moindre son aurait été vu comme une capitulation, et il était hors de question de laisser la victoire au noble -pas à ce jeu là, non. Bouillonnant au fond de lui, Theophil se contenta donc de soutenir le regard de Lucien, le chargeant d'autant d'impertinence qu'il en était capable, lorsque celui-ci le toisa de haut, les doigts encrés de son sang.
    S'il s'était contenté de cela, il aurait peut-être eut enfin la paix – malheureusement, comme toujours, Theophil était effronté, et encore une fois, il ne put se contenir face à la moquerie présente dans le regard du comte.
    Le regard brûlant, le garde se leva. Il allait l'admettre, l'aristo, qu'il était incapable de se débrouiller seul! Sans se gêner pour bousculer Lucien, il le dépassa et se dirigea vers la cheminée où trônaient deux fleurets, pour les décrocher sans ménagement de leur socle (constater qu'il était déjà essoufflé ne le calma pas, et c'est plutôt violemment que la deuxième épée fut libérée). Puis, Theo se tourna de nouveau vers le noble, et, après lui avoir lancé une des deux fines lames, se mit en position d'attaque :

    « Vous savez vous défendre, c'est bien cela? Dans ce cas, en garde. »

    Et sans attendre une confirmation de duel, la lame plongea vers Lucien.
    Pendant de longues secondes, le soldat croisa le fer avec le noble, se gardant bien de se laisser toucher tout en n'approchant jamais la lame trop près de son adversaire. L'orgueil le poussait à attendre le dernier moment pour montrer son vrai jeu. Quand, vraiment, il eut l'impression qu'on lui sciait le flanc droit sans interruption, Theo décida d'en finir et désarma le comte d'un coup sec sur le poignet, tout en le projetant à terre avec un croche-pied.
    Ce fut à son tour de toiser Lucien de haut, la pointe de son épée placée sous le menton du noble désarmais assis par terre.

    « Douterez-vous encore de mes compétences, Lord? Ou bien accepterez-vous enfin le fait qu'aujourd'hui, je vous ai sauvé la mise et que nous sommes désormais quittes? »

    Il ignora sa blessure, sa conscience dans un coin de sa tête qui lui criait depuis tout à l'heure qu'il venait de signer son arrêt de mort, et la petite alarme qui tentait désespérément de le rappeler à l'ordre, comme d'habitude – ah, non, celle-là avait apparemment définitivement quitté sa boite crânienne. Adieu, Theo.
Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyLun 13 Aoû - 23:23

    Quand il sortit enfin de cet engin du diable (celui qui inventé un engin pareil méritait juste de pourrir en enfer), et ce, sans se faire prier, il marcha à pas vifs vers la demeure dont la porte s'ouvrait déjà pour laisser apparaitre Lelio, toujours fidèle au poste. Il passa devant lui sans se retourner et le domestique le suivit sans poser de questions, affichant simplement une expression mi-blasée, mi-indifférente en attendant les directives qui ne tarderaient pas à arriver. En effet, arrivé dans le hall d'entrée, il se vit assigner aux soins de Theophil (Quels soins? Qu'est-ce qui avait encore bien pu se passer?) et s'empressa d'aller chercher les objets nécessaires à sa nouvelle tâche. Il soupira en sortant de la pièce. Il n'était vraiment pas nécessaire de s'arranger pour accoler le prénom de Theophil à de charmants adjectifs tels que « crétin », « abruti » et « sombre imbécile » à chaque fois qu'il ouvrait la bouche.

    Lucien fixait avec passion les doigts de Lelio qui resserraient le bandage autour de la blessure du garde avec adresse, comme s'il avait fait cela toute sa vie. Pourtant, Lucien ne se blessait jamais. Il n'en avait jamais l'occasion, après tout, puisque toutes les tâches manuelles étaient prises en charge par ses domestiques. Son majordome devait sûrement s'occuper de tous les bobos de ses hommes quand il avait le dos tourné -lui n'aurait pas hésité à les laisser souffrir pour qu'il comprennent bien la leçon. Tiens? Il aurait peut-être dû faire la même chose avec Theo. Cela lui aurait appris à faire un peu attention à ce qu'il se faisait en se battant, surtout contre un colosse à la mine patibulaire (Lucien n'aurait pas aimé se retrouver aux prises avec un tel homme. Nul doute qu'à l'heure qu'il était, il se serait retrouvé coupé en petits morceaux et donné à manger aux chiens, pour faire bonne mesure). Cependant, malgré toute sa mauvaise foi, il fallait bien avouer que le lieutenant l'avait bien tiré d'affaire en se chargeant de l'agresseur. Et puis, s'il mourrait, il allait avoir des tas d'ennuis. Il faudrait qu'il se trouve un nouveau garde du corps. Il n'aurait pas su à qui s'adresser, puisqu'en ces temps troublés, la garde n'existait plus vraiment (pour lui tout du moins, car il ne faisait absolument pas confiance à ceux qui auraient pu miraculeusement rester en fonction -on ne savait pas ce qu'ils avaient fait pour cela, après tout). Il aurait sûrement dû engager quelqu'un au pied levé, voire dans la rue, voire dans des endroits louches. Non, décidément, quitte à se farder un boulet, il préférait encore en avoir un qu'il connaissait un tant soit peu -même si le boulet en question avait tendance à lui taper sur les nerfs. Quand il regardait Lelio avec ce regard de chien battu, par exemple, il avait juste envie de lui donner un coup derrière la tête. Ce qu'il fit d'ailleurs sans hésiter, récoltant un regard courroucé de la part de sa pauvre victime qui n'avait rien vu venir. Lucien regarda sa montre sans plus se préoccuper du blessé, pour qui il ne pouvait rien faire de plus que ce qu'il avait déjà fait. Il se demandait quand le médecin serait là. Il espérait quand même que l'autre abruti n'allait pas lui claquer entre les doigts avant que celui-ci n'arrive. Cela serait un tantinet embêtant pour la suite de son programme, qui consistait à faire comprendre au jeune homme à quel point il était incompétent. Sur qui passerait-il sa mauvaise humeur si le principal protagoniste décidait de le planter là? Non, vraiment, le médecin avait intérêt à rappliquer aussi vite que ses jambes dodues le lui permettaient.


    Lucien vit rouge lorsque le garde décida que la meilleure manière de continuer la journée était de le provoquer en duel. Vraiment, Theophil n'avait aucun sens des valeurs, aucun respect de la classe dominante et surtout, aucun respect pour lui, Lucien, comte influent de son état. L'irritation avec laquelle le garde libéra la deuxième lame suffit à peine à le faire sourire, sachant ce qui allait l'attendre par la suite. En lui se disputaient sa fierté blessée, qui lui ordonnait expressément de donner une bonne leçon à ce garde, à coups d'épée dans le derrière si c'était nécessaire et quitte à aggraver sa blessure, et la raison, qui lui soufflait qu'accepter ce combat n'était pas du tout une bonne idée au vu de ses performances en escrime, lesquelles, bien qu'il répugne à l'avouer, se situaient quelque part entre le très mauvais et le complètement minable, à son grand désespoir et à celui des membres de sa famille. Son grand-père, épaulée par sa mère qui devait sûrement fantasmer sur les guerriers indomptables, avaient absolument voulu apprendre au petit Lucien à se servir de la rapière. Malheureusement, l'activité n'intéressait que partiellement le garçon qui avait toujours essayé d'échapper le plus possible à ses heures de torture, rivalisant d'imagination pour échapper à cette punition au moment critique. Aujourd'hui, il se disait qu'il aurait peut-être dû faire preuve de davantage de sérieux. Non pour faire face aux résistants, il laissait cette tâche aux gens qui étaient réellement motivés (lui préférait attendre que cela lui tombe tout cuit dans la bouche), mais pour donner une bonne leçon à cet insolent qui se croyait tout permis.

    Alors qu'il peinait de plus en plus à freiner les assauts du garde, il se retrouva par terre avant d'avoir eu le temps de comprendre ce qui se passait. Alors que la colère (contre lui-même, pour ne pas posséder les connaissances physiques nécessaires à ce genre d'altercation, contre Theophil, qui se croyait permis de le ridiculiser alors qu'il n'était jamais qu'un subalterne) prenait le dessus sur tous les autres sentiments qu'il pouvait éprouver dans un moment comme celui-là, il se força à respirer calmement afin de ne pas perdre le contrôle de lui-même. Non. Essayer de faire tomber le soldat à sa suite n'était pas une bonne idée.

    « Douterez-vous encore de mes compétences, Lord? Ou bien accepterez-vous enfin le fait qu'aujourd'hui, je vous ai sauvé la mise et que nous sommes désormais quittes? » 

    En fait, si. Qui était-il donc, ce garde blessé, sans régiment, qui aurait pu se faire arrêter d'une minute à l'autre sans sa protection, pour penser qu'il puisse y voir une quelconque égalité entre eux? Quelle arrogance de penser qu'un noble pouvait avoir à reconnaître un lieutenant. Et quelle prétention dans cette manière de lancer un défi. Il n'y avait rien de correct dans l'attitude de Theophil. Rien. Alors que tout ce qui lui était autorisé, c'était se taire et subir les remarques de Lucien, ses ordres et ses volontés, il pensait avoir droit à réclamer ce qui ne lui était pas dû. Lucien ricana et lança un regard qu'il espérait moqueur à Theo, mais qui penchait davantage vers celui de l'enfant vexé.

    « Quittes? Je n'ai rien à devoir à un simple soldat. »

    Priant pour la réussite de sa tentative, il saisit le fleuret de sa main gauche et tira dessus de toutes ses forces, espérant déséquilibrer son adversaire. Au vu du poids qui s'effondrait contre sa poitrine et lui coupa un instant la respiration (en témoignait le hoquet surpris qu'il n'avait pas réussi à retenir), il en conclut qu'il avait atteint son but. Il fit basculer le corps du garde sur le côté et entreprit de s'assoir à califourchon sur le torse de celui-ci, une jambe de chaque côté de son corps, ses mains retenant ses épaules (la pose n'était pas forcément séduisante, mais c'était la seule qu'il avait jugé susceptible d'être correcte s'il ne voulait pas se faire éjecter illico par Theophil). Un sourire victorieux, puis menaçant, se dessina sur son visage, et sa voix se fit sifflante.

    « Donne une bonne raison de ne pas t'achever sur le champ. Ou je crains que ce qu'il reste de ta garde royale ne compte un soldat de moins dans ses rangs. »

    Il se demanda si c'était du sang ou de la sueur qu'il sentait sous la chemise de Theophil. Il allait avoir droit aux remontrances de Lelio si jamais ces péripéties aggravaient la blessure de l'autre imbécile avant l'intervention du médecin. Le comte secoua la tête. C'était de sa faute, de toute façon. C'était lui qui ne savait pas se taire. Après tout, Lucien ne pouvait que le corriger s'il bafouait ses devoirs envers lui, n'est-ce pas?


Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyJeu 16 Aoû - 0:58

    Theophil n'avait jamais été très brillant en escrime. Quand, dans la salle d'entrainement des gardes, on avait essayé de l'initier à cet art, il avait rapidement décidé que cette technique n'était pas pour lui. Il préférait de loin son arme à feu, qu'il trouvait plus simple, moins mirobolante et plus franche – ou même ses poings, qu'il maitrisait mieux que l'épée. Mais il avait bien vite mis le détail de son incompétence de côté, sous l'influence de la colère, quand il était allé chercher les deux fleurets pour Lucien et lui. N'ayant utilisé que les rares parades qu'il maitrisait, et désarmé avec une technique totalement improvisée dont il doutait de la légalité, Theo pensa qu'il devait sa réussite non pas aux restes de leçons dont il se souvenait, mais à la nullité profonde du noble. Et pourtant, cela ne l'empêchait pas de ressentir une intense satisfaction. Il avait rarement l'occasion de toiser le comte de haut, qui plus est en le menaçant d'une arme. Ce genre de chose n'était ordinairement pas permis, et la différence de rang lui permettait rarement de tels divertissements (en fait, il n'avait pas plus l'autorisation actuellement que précédemment, mais cela non plus, au point où il en était, il ne s'en souciait guère.) Un sourire victorieux se dessina sur son visage.
    Malheureusement le triomphe fut de courte durée. Après un ricanement et une réplique cinglante, le noble attrapa le fleuret qui était pointé vers lui. Avec effroi, Theophil se sentit perdre l'équilibre et chuter en avant. Quelques secondes plus tard, dans un bref cri rauque dont la surprise était presque autant responsable que la douleur, le garde était coincé au sol, Lucien à califourchon sur lui.

    Évidemment, cela aurait été trop beau qu'il garde le dessus, rien qu'une fois. Il était pourtant plus fort qu'un gringalet de comte incapable de se battre, alors pourquoi? Il se dit qu'être blessé, légèrement plus petit, et plus jeune, ne constituaient pas des raisons suffisantes pour expliquer sa défaite. S'il perdait face à Lucien, c'était seulement parce que celui-ci usait toujours de moyens lâches et déloyaux. Comme tirer sur son épée pour le déséquilibrer. Quel fourbe.

    « Donne une bonne raison de ne pas t'achever sur le champ. Ou je crains que ce qu'il reste de ta garde royale ne compte un soldat de moins dans ses rangs. »

    Le sourire menaçant de Lucien en disait long. Nulle doute que Theophil risquait de passer un sale quart d'heure pour son insubordination. Mais voilà, cela faisait belle lurette que Theo ne prenait plus au sérieux les menaces du noble – après tout, s'il l'écoutait, il serait mort des centaines de fois déjà. Le comte avait beau réaffirmer son autorité à chaque fois, il devrait bientôt admettre que l'emprise qu'il avait sur son garde du corps fondait comme neige au soleil, tandis que Theo prenait chaque jour de plus en plus de libertés.
    Ignorant son envie de gémir (il fallait dire que le genou de Lucien appuyait bien comme il le fallait sur son flanc), Theophil lâcha un ricanement essoufflé :

    « Comme si c'était la première fois que l'occasion se présentait! Nous savons tous deux que si je ne vous étais pas utile, vous en auriez fini avec moi depuis longtemps, non? »

    La voilà ta bonne raison, stupide noble. Mais cela t'écorcherait la bouche d'admettre que j'ai raison, pas vrai?
    Seulement voilà. A son grand dam, Theo se rendait compte peu à peu à quel point cette vérité risquait de se retourner contre lui : il était de plus en plus nécessaire à Lucien, tout comme il avait besoin du noble pour se protéger des troubles politiques. Oh oui, écœurante vérité. Lucien s'était trop immiscé dans sa vie pour ne pas laisser d'empreinte. Et cela énervait Theophil au plus haut point.
    Franchement ironique, il enchaina :

    « Et puis, après tant d'efforts pour me sortir de prison, il serait regrettable de vous être fatigué pour rien, n'est-ce pas? »

    Le tournis le prit. Il avait chaud et sa gorge était sèche. Mais maintenant qu'il était lancé, il n'avait plus envie de s'arrêter en si bon chemin. Il était las et énervé, et il n'avait qu'une envie : passer ses nerfs sur celui dont il supportait les caprices depuis quelques mois déjà. Sans doute faudrait-il un bâillon pour que Lucien parvienne à le faire taire définitivement.
    Il lâcha le noble du regard pour fixer le plafond (qui tanguait toujours un peu), et continua sur le même ton :

    « Enfin, vous feriez peut-être bien de m'achever, en effet. Foutu pour foutu, j'aurais au moins la satisfaction de ne plus vous avoir sur le dos. »

    Ah, s'il pouvait être viré sur le champ! Malheureusement pour lui, il doutait qu'on lui accorde un jour une telle grâce.
Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptySam 18 Aoû - 0:14

    Bien que Lucien soit dans une position de supériorité, il ne pouvait s'empêcher d'être frustré. Theophil semblait décidé à lui résister malgré tout ce qu'il pouvait lui dire, ce qu'il pouvait lui faire subir, et ce en continu depuis qu'il était entré à son service il y avait quelques mois de cela. Sa poigne se resserra sur le bras du soldat, ses ongles s'enfonçant dans le tissu. Ce qu'il aurait voulu, c'est que son adversaire se taise et qu'il reconnaisse sa défaite. Son amour-propre ne s'en serait que mieux porté. Malheureusement, cela semblait mission impossible pour Theophil à la langue bien pendue, qui ne pouvait s'empêcher d'aligner les sarcasmes et passait son temps à se dresser contre lui, que ce soit en paroles ou en actes. S'il avait l'habitude de l'insubordination de ses domestiques (la plupart avait fait de la fuite des tâches de la maison leur spécialité, malgré le rôle qu'ils avaient à y tenir), Lucien n'était pas insensible à celle du garde. Ou plutôt, elle l'exaspérait carrément. S'il avait menacé ses employés, ceux-ci auraient fait profil bas pendant un bon moment avant de retrouver leur tranquillité. Theophil, malgré les colères à répétition, trouvait toujours le moyen de se justifier, ou plutôt de l'accuser lui, un noble, des torts dont il était l'unique responsable. Il n'aurait jamais dû se dresser ainsi devant un noble, mais apparemment, ce genre de considérations passaient largement au-dessus de la tête du soldat. Encore aujourd'hui, il donnait la preuve qu'il n'était jamais à court d'insolence. Et Lucien de mauvaise foi.

    « Quelle présomption. Nombreux sont les soldats qui restent dans ce royaume, et nombreux sont ceux qui ne rechigneraient pas à ce que l'on fasse appel à leurs services. Crois-tu être le seul capable de remplir ta fonction? »

    Sa main hésita à lâcher le bras qu'elle tenait depuis quelques minutes à présent, puis remonta le long de l'épaule et s'arrêta dans son cou, sur lequel elle se posa comme la serre d'un oiseau de proie, obligeant le garde à le regarder dans les yeux.

    Il avait eu peur que lâcher cet énergumène le pousse à reprendre le combat, mais au vu du sang qui s'échappait de la blessure, du cri qui lui avait échappé quand il était tombé et à la pâleur de son visage, il n'avait pas grand-chose à craindre de ce côté-là (enfin, c'est ce qu'il espérait. Après avoir brillamment repris l'avantage, il s'en serait voulu de se faire retourner sur le sol comme une crêpe -il fallait qu'il oublie cette comparaison peu glorieuse sur le champ, cela ne flattait pas du tout son ego de se faire comparer à une pâte toute plate). Ils n'avaient donc pas d'entrainement pour supporter la douleur dans leur garde? Cela aurait sûrement été plus utile que de trainer dans les bars pour fêter la fin de semaine. Pourtant, cette manie des congés semblait ancrée chez le garde, en témoigne les libertés qu'il se permettait de prendre depuis quelques temps. Lucien sentait son emprise se défaire petit à petit, et il devait s'avouer que cela ne lui plaisait pas du tout. Autant il tolérait les escapades de Victoria, la rappelant à l'ordre seulement quand elle lui causait des ennuis, autant il ressentait le besoin de garder Theophil sous la main en permanence, bien que ses provocations lui tapent constamment sur le système (Et ce n'était pas peu dire).

    Dans le cas présent, par exemple, il n'avait aucune envie qu'on lui rappelle la nuit de la révolution, quand il avait dû sortir au milieu des bagarres pour aller tirer ce crétin fini des geôles du château. Oui, il aurait pu ne pas le faire. Et oui, il aurait sûrement dû ne pas le faire, au vu de ce qu'il récoltait comme récompense pour sa bonne action. Il ne savait pas ce qui lui avait pris. Peut-être était-ce les paroles de Lelio, peut-être la lumière dans la rue, ou sa mère qu'il entendait renifler au premier étage. Peut-être était-ce les cris des révolutionnaires et la peur qu'il avait lue dans les yeux des domestiques. Il s'était dit qu'un garde était toujours utile en de pareilles circonstances. Qu'il n'était pas assez horrible pour abandonner Theophil, malgré son étrange propension à le mettre hors de lui. Il ne savait pas trop ce qu'il s'était dit. A tous les coups, c'était de la faute de Lelio et de ses insinuations. La prochaine fois, il lui dirait d'aller chercher le garde lui-même, cela lui éviterait beaucoup plus de complications et de réflexions impromptues. En connaissance de cause, il ignora la réflexion de Theophil sur cette foutu soirée, mère de la plus grande erreur de son existence : permettre à cet imbécile de survivre à la monarchie. Il aurait mieux fait de se tirer une balle dans le pied avec le pistolet, cela lui aurait évité de s'en servir pour libérer l'autre abruti. Même si pour cela il aurait fallu qu'au préalable, il apprenne à le charger.

    Il se pencha en avant et sa voix se transforma en murmure.

    « Et avant de sortir des inepties, rappelle-toi que tu as autant besoin de moi que j'ai prétendument besoin de toi, lieutenant. »

    Il sourit en se relevant. Combien de temps pouvait tenir un ancien garde dans ce chaos? Theophil avait-il une capacité d'adaptation assez massive pour lui permettre de faire sa vie dans un régime qui, a priori, n'était pas fait pour lui? Son emploi chez lui lui offrait gite et protection. Etait-il assez suicidaire pour cracher dans la soupe? Lucien baissa les yeux vers le flanc blessé du soldat, et son sourire s'élargit.

    « Mais ne t'inquiète pas, il semblerait que je n'ai même pas besoin de me salir les mains. Si tu continues à t'agiter de la sorte avant que le médecin n'arrive, tu t'achèveras tout seul. »

    Il espérait tout de même que la situation ne dégénérerait pas à ce point-là. Lelio était capable de lui en vouloir. Il devrait payer le médecin pour rien. Qui s'occuperait des frais de l'enterrement? Avec la chance qu'il avait, l'autre abruti était orphelin et c'était lui qui devrait se charger de ce genre de formalités. Il devrait chercher un autre garde -y en avait-il vraiment qui étaient prêts à prendre le risque de travailler chez un noble quand leur situation semblait si précaire? Et quand leurs privilèges leur avaient été enlevés. Tout ceci était vraiment irritant. Pourquoi Theophil ne pouvait-il pas se contenter d'essuyer sa mauvaise humeur sans faire aucun commentaire? Était-ce vraiment au-dessus de ses forces?

    Après avoir jeté un coup d'œil près de son genou, il décida que Lelio devait à jamais ignorer le rôle qu'il avait joué dans l'aggravation de la blessure. S'il s'était jamais posé la question, il pouvait à présent certifier que la pratique de l'escrime ne refermait pas les plaies. Loin de là.
Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyLun 20 Aoû - 17:54

    « Quelle présomption. Nombreux sont les soldats qui restent dans ce royaume, et nombreux sont ceux qui ne rechigneraient pas à ce que l'on fasse appel à leurs services. Crois-tu être le seul capable de remplir ta fonction? »

    La main de Lucien était froide. Cette soudaine fraicheur sur son cou le surprit, et il l'aurait presque trouvée agréable si elle n'était pas accompagnée de menaces. La poigne du noble l'obligea à cesser d'observer le plafond, pour fixer à nouveau les deux yeux disparates du despote.
    Maintenant que le comte avait libéré un de ses bras, Theophil était tenté de repartir à la charge. Cela le démangeait de renverser le noble, et cela l'exaspérait de ne pas pouvoir le faire (non pas parce qu'il n'en avait pas le droit officiellement – allons, ils avaient dépassé ce cap depuis longtemps maintenant, Theo n'était plus à une transgression près – mais parce qu'il n'en avait pas les moyens physiques. Le type qui vous écrase a beau ne pas peser très lourd, il faut de sacrés efforts pour réussir à le faire tomber quand il vous maintient de tout son poids contre le sol. Et des efforts, Theo n'était pas certain de pouvoir en faire, malgré toute la hargne qu'il possédait en cette situation.). Aussi se contenta-t-il de fusiller Lucien du regard, lorsque celui-ci se pencha pour murmurer :

    « Et avant de sortir des inepties, rappelle-toi que tu as autant besoin de moi que j'ai prétendument besoin de toi, lieutenant. »

    Et voilà, il l'avait dit. Il avait prononcé ce que Theo aurait souhaité ne jamais entendre, surtout de la bouche de ce foutu noble. C'était vexant.
    Au fond de lui, sa fierté criait qu'il n'avait aucunement besoin de la couverture politique de Lucien, cadeau empoisonné du diable, qu'il était capable de se débrouiller seul, de se faire oublier des républicains enragés pour ne pas se faire arrêter, d'agir en douce pour ses idéaux. Mais il n'y avait rien à faire, il ne parvenait pas à faire taire la petite voix qui lui répliquait que la protection de Lucien, aussi véreuse soit-elle, était tout de même sa meilleure option pour l'instant.
    En fait, l'un comme l'autre étaient coincés par leurs entraves mutuelles.
    Quand le noble, tout souriant, parla de sa blessure, Theophil pensa très fort : « Je n'ai même plus besoin de m'agiter pour ça, enfoiré, puisqu'en m'écrasant l'air de rien tu es déjà en train de me vider de mon sang. », ainsi qu'une flopée d'injures qu'il valait mieux ne jamais prononcer, même les jours où l'on était en position de supériorité sur autrui. Décidément, Theophil était de plus en plus décidé à tout faire pour remporter cette manche.
    Le garde avait remarqué cette manie du noble de prononcer parfois son grade avec une ironie moqueuse, tout comme lui avait l'habitude de l'appeler « Lord » ou « Comte » d'un air narquois qui laissait bien entendre ce qu'il en pensait, de son titre. Ce (seul et unique) point commun, preuve de leur sale caractère à tous les deux, confortait Theo dans l'idée que ni Lucien, avec son orgueil, ni lui avec son insolence, ne renoncerait à avoir le dernier mot. Certes, en principe c'était Lucien qui l'obtenait malgré tout, ayant la possibilité de recourir à des ruses lâches – telles que l'envoyer faire la vaisselle en cuisine, par exemple. Mais, aujourd'hui était différent, non?

    « Dans ce cas, Lord, je vous mets au défi de me renvoyer et de trouver le soldat capable de vous supporter aussi longtemps que moi je le fais. » Et il lui décocha un sourire glacial, plein de toute l'ironie dont il était capable. Sa voix baissa d'un ton quand il ajouta aussitôt, d'un air goguenard propre à énerver Lucien deux fois plus encore (c'est qu'il commençait à le cerner, mine de rien) : « Il ne faut pas vous inquiéter pour moi vous savez, je vous assure que je saurais survivre loin de vous. »

    C'est à ce moment que leur petit tête à tête prit fin – au grand soulagement de Theophil, mais aussi à sa grande déception, car il ne lui semblait pas en avoir assez décousu avec le noble. Enfin, la journée était loin d'être finie.
    Les regards se tournèrent vers la porte du salon, où l'on venait de frapper deux petits coups secs. Le battant trembla, s'ouvrit, et laissa voir un petit homme rondouillard qui devait être le médecin ainsi que Lelio. Le regard consterné du domestique passa de Lucien à Theo, de Theo au médecin, du médecin à Lucien – pendant ces aller-retours, le garde leva le bras qu'il avait de libre pour saisir le poignet du noble, et ainsi l'ôter de son cou.

    « Je crains que nous ne devions reporter notre charmante conversation à plus tard, Comte. » dit-il doucement.

    Intérieurement, il riait très fort. Vu la tête de Lelio (et on pouvait le comprendre, il avait quitté la pièce seulement quinze minutes et c'était pour retrouver les deux hommes qu'il avait laissés seuls, calmes et tranquilles, désormais par terre, le bandage de Theophil souillé, et les fleurets décrochés de leur socle les entourant.) face à la scène comme elle se présentait (c'est à dire Lucien surplombant un malheureux blessé, une main sur son cou comme s'il avait voulu l'étrangler), il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'il fasse un sermon au noble plus tard.
    Un goût de victoire en bouche, Theophil s'en réjouissait d'avance.

Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyMer 22 Aoû - 17:55

    Voir que Theophil trouvait toujours quelque chose à lui répondre devenait limite fatiguant. En fait, c'était même très fatiguant, et le soldat aurait mérité des coups de pieds dans le derrière. Lucien se dit qu'il était trop gentil. Si le garde s'était comporté ainsi avec un de ses pairs, nul doute que celui-ci l'aurait fait passer de vie à trépas en moins de temps qu'il en fallait pour le dire, le tout assorti d'une charmante cérémonie où son grade lui aurait été retiré, puis d'un lynchage publique où il aurait été décrit comme la quintessence du résistant à la suprématie des nobles (enfin, avant la république, cela se serait sûrement passé ainsi. Maintenant que celle-ci était passé au pouvoir, nul doute que les nobles, bien que possédant encore un certain pouvoir, n'avaient plus la possibilité d'agir selon leur bon vouloir sur la terre républicaine). Mais le comportement de Theophil était tout de même inqualifiable pour quelqu'un qui se présentait comme de la garde royale (enfin, qui ne se présentait plus, car c'était à ce jour le meilleur moyen de se faire arracher la tête du reste de son corps, mais qui le pensait sûrement très fort) et qui devait respect et fidélité à son employeur (lui, en somme, qui, dans sa grande bonté, ne l'avait pas encore foutu dehors avec dans la poche une lettre de recommandation pour l'échafaud). Quand Lucien repensait à sa rencontre avec le garde, il avait l'impression de voir deux personnes différentes. D'accord, il s'était mis immédiatement à contester son autorité et à l'insulter (Comment ça, il était lâche? Il utilisait chacun de ses atouts pour son propre avantage, voilà tout. Celui qui ne faisait pas de même était simplement un imbécile), mais il se rappelait encore des excuses qu'il lui avait fourni pour l'avoir dérangé. A présent, il lui semblait bien loin le jour où Theophil se risquerait à s'excuser auprès de lui. De même que celui où il apprendrait à respecter son autorité.

    En ne le poussant pas, par exemple, à avoir envie de lui arracher la tête. Il ne renverrait pas Theophil, parce que c'était ce que celui-ci attendait avec impatience depuis qu'il avait été engagé auprès de lui, parce que cela prouverait que Lucien n'avait plus d'autre choix que de s'incliner devant les provocations du garde, parce que s'il le faisait, il n'aurait plus aucune prise sur lui. Il eut envie de ricaner. Le supporter? Quelle idiotie. Theophil ne le supportait absolument pas, et il se faisait un devoir de le lui rappeler chaque jour que Dieu faisait. En engageant quelqu'un d'autre, il se serait sûrement évité un paquet d'ennuis. Car malgré les privilèges retirés, peu osaient encore se dresser contre les nobles. Avec un peu de chance, il serait tombé sur un imbécile qui aurait dit amen à tout ce qu'il faisait. Mais il se coltinait Theophil, qui passait son temps à lui casser les pieds, à tenter de contourner ses ordres et le poignarderait dans le dos à la première occasion (Mais non, il ne dressait pas un tableau négatif parce qu'il était en colère. Tout ses remarques étaient issues de la plus pure des objectivités) Et malgré tous ses défauts, il ne le renverrait pas. Pourtant, il en avait jeté dehors, des employés, au cours des dernières années. Pas lui. Pas avant qu'il lui ait prouvé que, malgré toutes ses bravades (il lui en foutrait, des inquiétudes, à cet imbécile), il n'était plus en état, à l'heure actuelle, de survivre au-dehors sans sa protection.

    Il ouvrait la bouche pour lui démontrer par a+b qu'il était le pire des gardes possible et qu'il méritait seulement de finir sur le bucher dans les plus brefs délais (en ignorant volontairement la demande implicite de Theophil qui ne demandait qu'à se faire virer), quand la porte s'ouvrit pour laisser entrer Lelio et un petit homme rondouillard qui devait être le médecin. Détournant un instant les yeux de sa victime, Lucien pensa vaguement que le médecin correspondait exactement à la description qu'il en avait monté dans sa tête (jambes rondouillardes, calvitie et yeux humides, avec un petit air énervant dont il n'arrivait pas à percer la source) avant de capter le regard las de Lelio, qui passait sur chaque élément de la scène avec une irritation non-dissimulée. Ah. Pris dans le feu de l'action, il avait oublié un instant que le domestique allait revenir, et qu'il avait intérêt à ne pas se faire prendre en train de taper sur le blessé. Au vu de l'expression un brin menaçante qui passait derrière les pupilles du majordome, il n'appréciait nullement ce qu'il voyait, et Lucien en ferait les frais dès que le docteur serait parti. Il sentit son poignet se soulever, retourna la tête vers Theophil qui était en train d'enlever sa main de son cou. Dans son expression, il surprit la joie du garde qui devinait que le comte allait se faire réprimander pour son geste, vit à quel point cela le réjouissait, et lui lança en retour un sourire crispé qui disait clairement que le soldat ne perdait rien pour attendre. Ni Lelio, ni le médecin ne resterait éternellement dans la pièce. Et à ce moment-là, en effet, ils reprendraient leur petite conversation.

    Il se dépêcha de se relever, appuyant joyeusement à l'endroit où se trouvait la blessure pour faire comprendre à Theophil que la partie n'était pas terminé. Puis, un sourire courtois gravé sur son visage, il entreprit de l'aider à se remettre sur pieds en le saisissant par le bras, avant de s'avancer vers le médecin qui se tenait toujours dans l'ombre de Lelio.

    « C'est un plaisir de vous rencontrer, cher monsieur. Je vous remercie d'être venu si vite pour vous occuper de mon employé. Si jamais vous avez besoin de quelque chose, un petit en-cas pour grignoter, par exemple (Lucien fut obligé de réfréner la nuance moqueuse de sa voix, et dut batailler avec son regard qui s'obstinait à descendre vers la bedaine du nouvel arrivant), Lelio, mon majordome, sera ravi de vous satisfaire. »

    Comme le médecin ne bougeait toujours pas, et que Lelio restait planté à son côté, Lucien fit signe à son majordome de retourner à ses tâches quotidiennes tandis qu'il invitait le docteur à commencer son office. Celui-ci fit assoir Theophil dans le fauteuil qu'il avait quitté quelques minutes auparavant, et lui demanda d'enlever sa chemise, grimaçant en apercevant les tâches rouges qui parsemaient son côté. Prenant ensuite une expression sérieuse qui devait être la sienne lors de ses consultations, le médecin entreprit de défaire le bandage que Lelio avait fait le matin, et qui était à présent souillé de sang. Lucien, pendant ce temps, récupéra sa canne qui gisait dans un coin, et s'approcha du duo pour contempler la scène. Il n'aurait pas aimé être à la place de Theo en cet instant. Cela devait être douloureux. Surtout avec le médecin qui tirait pour enlever le pansement sans douceur, avec les gestes mécaniques qui caractérisent celui qui fait son travail sans se soucier des autres.

    Lucien se pencha par-dessus son épaule.

    « Dites-moi, je suppose qu'avec ce genre de blessures, l'exercice est vivement déconseillé. Ne croyez-vous pas que l'effort puisse devenir mortel? »

    Finalement, la bataille continuerait même en présence d'un tiers. Lucien n'en avait pas fini avec Theophil, loin de là. Il fit un geste vague de la main.

    « J'espère que vous pourrez retirer ce liquide verdâtre qui suinte de la plaie. Ce serait embêtant qu'elle s'infecte. »

    Il n'y avait aucun liquide verdâtre nul part, mais si cela pouvait effrayer un peu Theophil, il se sentirait en partie vengé.

    « Enfin, n'en faites tout de même pas trop. Si les soins deviennent, disons, trop coûteux, abandonnez. Je ne tiens pas à débourser des cent et des milles pour un simple domestique. »

    Son expression laissait clairement entendre « Surtout celui-ci », avec un plaisir manifeste.


Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyDim 2 Sep - 12:16

    Quand Lucien se redressa pour accueillir le médecin, l'air de rien – car l'art de noblesse avait cela de beau qu'elle pouvait rendre crédible le faux air naturel d'un homme agissant comme s'il n'avait jamais plaqué autrui contre le sol pour le menacer –, il se fit apparemment une joie d'écraser une fois de plus la plaie de Theo. Le geste (sadique) sonnait à la fois comme une vengeance et un avertissement quant à la suite de leurs discutions, lorsqu'ils seraient à nouveau seuls. Dans un bruit étranglé, le garde pensa que le médecin arrivait vraiment à point nommé.
    Il se redressa en grimaçant, lentement, tandis que Lucien recevait le médecin (n'y avait-il pas un soupçon d'ironie dans sa voix?) et l'invitait à commencer son travail. L'homme était en effet resté immobile un long moment (Theo n'eut aucun mal à imaginer les questions qui se pressaient dans sa tête chauve : « Suis-je bien chez le Comte ou s'agit d'un repaire de Sodome? ») avant de se décider à bouger. Il le conduisit au fauteuil où il siégeait il y a encore peu de temps, lui fit enlever sa chemise et observa les dégâts. Vu la gueule qu'il tirait, conclut Theophil, ce ne devait pas être glorieux. Le soldat eut un peu honte de lui – après tout, n'était-ce pas de sa faute si la plaie s'était aggravé? N'avait-il pas été trop loin en se lançant dans un duel à l'épée? Le visage de Lucien apparut au dessus de l'épaule du médecin – et aussitôt disparurent de sa conscience toutes traces de culpabilité.

    « Dites-moi, je suppose qu'avec ce genre de blessures, l'exercice est vivement déconseillé. Ne croyez-vous pas que l'effort puisse devenir mortel? »

    Venait-il de prononcer son souhait le plus cher ou cherchait-il simplement à lui rendre la monnaie de sa pièce? Theo n'avait même pas envie de le savoir vraiment. Le médecin ne répondit que par un vague rire à ce qu'il prit pour une plaisanterie (et non pas pour une perversion de plus de la part du noble), trop concentré qu'il était à lui ôter son bandage de manière douce et délicate. A croire que lui aussi avait été dans l'armée. Quand le pansement fut complètement enlevé, il observa la coupure sur son flanc, pressant plus ou moins la chair entre ses doigts. Theophil fit l'erreur de baisser la tête au moment où le contact devenait cuisant, pour observer ce qui se passait. Il le regretta aussitôt. Même uniquement colorée de gris, la blessure lui semblait horrible. Affreuse, répugnante. Le souvenir trop lancinant d'une couleur depuis longtemps reniée. Il détourna aussitôt la tête.
    Son regard se posa sur la porte à sa gauche ; il se concentra sur elle – la poignée de cuivre, les reflets sur le bois, la clef gravée reposant dans sa serrure... A cet instant précis, Lucien eut la bonne idée de décrire sa blessure comme un gouffre suintant. Theo, lui, pâlit encore d'avantage – si cela était possible.

    « Voyons, n'allez pas inquiéter votre employé, monsieur. » marmonna le médecin dans un petit rire étouffé.

    … L'enfoiré. Il aurait dû se douter, qu'il ne s'agissait que d'un sale tour de plus du noble. Sur le coup, il se sentit idiot d'avoir paniqué, même quelques secondes. Il fusilla Lucien du regard.
    Tout en l'aidant à se lever pour le conduire au divan, où il devrait s'allonger, le médecin commença à détailler de façon précise comment il allait s'y prendre pour le soigner. Il lui montra les aiguilles, le fil, le prévint des effets de l'éther et lui raconta tout un tas de chouettes anecdotes qui ne pouvaient que réjouir Theo depuis l'état dans lequel il était. Enfin, on imbiba un tissus d'éther ; l'odeur lui monta à la tête avant même qu'on ne lui colle le produit sous le nez.
    C'est à peine s'il vit le tournis arriver – comme si, le cerveau décalé du reste du corps, il ne se rendait compte de ce qui se passait qu'au moment même où il avait encore l'impression d'attendre les effets de l'anesthésiant. Il eut le temps de se dire que s'il y avait bien une chose, une seule et unique chose dans sa vie qu'il aurait voulu toujours éviter, c'était bien de se retrouver inconscient dans la même pièce que Lucien. La dernière pique du noble qu'il entendit avant de sombrer confirmait bien son souhait.


    Du fond de son brouillard, il entendait sans trop les comprendre les discutions autour de lui. Elles avaient le goût pâteux des hallucinations qu'on pouvait avoir avec le cannabis – c'était bien la peine de s'être juré de ne jamais en prendre, tiens –, à la différence près que le chanvre ne donnait pas obligatoirement des envies de nausées.
    Peu à peu, il distingua nettement les phrases, et commença enfin à les comprendre. Il y avait la voix de Lelio, surtout. La conversation semblait agitée. Theo se demanda s'il se sentait le courage d'ouvrir les yeux maintenant et de se retrouver certainement entrainé dans le débat – la réponse était non. Il garda les yeux fermés, se concentrant plutôt pour remettre de l'ordre dans son esprit et ses souvenirs – sensation d'un bleu sur le bras, déchirure, plaie, la distillation imbibant le tissus, la reprise du tournis. Le combat en pleine rue, la blessure au couteau, la guérison... Où était le médecin, maintenant? Était-il parti depuis longtemps? Il y avait aussi... Ah, le mauvais souvenir de sa bataille avec Lucien lui revint également. Enfin, il comprit le motif des reproches de Lelio.
    La porte se claqua et le silence revint. Theophil ouvrit brutalement les yeux.
    Il s'appuya sur ses coudes pour se redresser et s'assoir sur le canapé. Le corps encore engourdi par l'éther, il ne sentit que de vifs picotements au flanc. Il se passa une main sur le visage, frottant ses yeux pour y voir un peu plus clair. Puis il regarda autour de lui.
    Son attention se porta aussitôt sur Lucien, non loin dans la pièce. Il ne resplendissait pas vraiment de joie. Peut-être valait-il mieux ne pas trop le provoquer? Un simple croisement de regards, et Theo comprit qu'il était déjà foutu – rien que son réveil avait l'air d'énerver le noble. Encore une fois, Lelio l'avait abandonné sans comprendre que tout ce qu'il avait reproché à Lucien se répercuterait en mauvais traitements sur le pauvre garde du corps – ou alors, peut-être l'avait-il compris mais s'était-il dit qu'il s'agissait d'une juste punition pour son comportement à lui aussi.
    Bien. Puisque leur petite conversation privée semblait devoir reprendre, Theophil décida d'attaquer le premier :

    « Alors comme ça, vos agissements ne sont pas ceux d'un homme de votre rang, Comte? »

    Tout en sachant parfaitement que Lelio était le seul à qui le noble permettait de lui parler ainsi, il avait répété presque mot pour mot la phrase du domestique. Puisque Lucien avait appuyé là où ça faisait mal (autant sur le plan physique que mental, le garde se souvenait maintenant très bien du moment où le noble avait pressé sa blessure ; et deux fois de suite en plus, l'ordure), Theophil ferait de même.
Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyVen 7 Sep - 11:14

    Lucien en était encore à se demander si l'arrivée du médecin était une bénédiction ou un véritable contre-temps dans son plan (qui consistait à harceler Theophil autant qu'il le pouvait en espérant qu'il ne mourrait pas avant la fin de leur altercation) quand il décida que son départ, en revanche, était clairement une erreur qu'il aurait dû chercher à éviter de toutes ses forces, en particulier lorsque Theophil se trouvait encore à côté (inconscient ou non, par le fait. On ne savait jamais ce qui pouvait arriver avec cette tare dans la pièce). Il avait oublié le regard de Lelio le temps qu'il se dise qu'accabler le garde en lui faisant croire qu'il allait trépasser dans les plus brefs délais était une très bonne idée. Et il s'était senti pleinement satisfait lorsqu'il avait remarqué sa pâleur (enfin, l'accentuation de celle-ci, parce que cela faisait longtemps que le visage du soldat ne comportait plus grand-chose comme couleurs, au grand plaisir de Lucien qui voyait cela comme une petite victoire à son avantage et non, comme il aurait sûrement dû le penser, un signe annonçant la mise en danger de la vie d'autrui). Il avait hésité à ricaner quand le médecin en avait rajouté une couche en décrivant les effets de l'éther ou il ne savait plus quelle autre cochonnerie qu'on vous filait dans le nez, prétendument pour ne pas sentir la douleur. Nul doute qu'il y avait des chances de ne pas se réveiller, avec quelque chose d'aussi bizarre. Il pensa que, si Theophil ne se réveillait pas, il aurait la paix. Puis que cela l'embêterait. Ils n'avaient pas fini leur petite conversation de tout à l'heure. Et Lelio trouverait sûrement le moyen de lui dire que c'était de sa faute s'il arrivait quelque chose. C'était une certitude. Enfin, toujours était-il que le médecin, après l'avoir irrité en considérant chacune de ses remarques comme une plaisanterie, arrangeait bien ses affaires en en rajoutant une couche.

    Il le maudit cependant une nouvelle fois quand Lelio remonta après l'avoir accompagné à la porte, et qu'il se retrouva seul dans la pièce avec son majordome, qui cherchait à remettre les épées en place tout en s'appliquant à montrer avec chaque parcelle de son corps qu'il désapprouvait profondément son comportement. Lucien n'avait jamais su comment il réussissait cet exploit, mais même lorsque son majordome affichait le plus inexpressif des visages, il savait exactement quand il voulait lui adresser un reproche, et quand il se fichait éperdument de ce qu'il pouvait bien faire (soit que cela ne concerne pas son champ d'action, soit qu'il trouve que Lucien agissait avec justesse -ce qui était, malheureusement, très rare selon Lelio, très fréquent selon son maitre, leurs avis divergeant sur les droits dont disposait le noble comme sur ceux qu'il ne possédait pas). En l'occurrence, si Lelio avait été violent (ce qu'il ne se permettait pas, heureusement, sinon il y aurait eu belle lurette qu'il n'aurait plus eu d'emploi et Lucien plus de tête), il en serait sûrement venu aux mains. Le comte ne savait pas à quoi il pouvait voir cela. Peut-être à la courbe de son dos, à la tension de ses mains, ou encore au gonflement de son cou. Son visage restait parfaitement immobile, se contentant de suivre des yeux ses mouvements qui tentaient tant bien que mal de remettre les fleurets sur leur support. Ou, peut-être, quelque part, Lucien se sentait-il un peu coupable, et ce qu'il lisait dans les mouvements de Lelio n'était-il jamais ce que lui-même aurait pu se dire s'il était moins hypocrite, moins confiant, et surtout, moins fier. La voix de son domestique finit par résonner dans la salle vide, le silence auparavant uniquement peuplé par la respiration un peu sifflante de Theo, allongé sur le canapé. Elle retentit, sans inflexion particulière, paraissant froide et dure. Lucien y lut de l'agacement, et surtout, de la lassitude.

    « J'ignorais que vous vous étiez remis à l'escrime. »

    Comme à son habitude, Lelio choisissait un angle détourné pour lancer son attaque. Il ne lui aurait jamais donné d'ordres directement. Tout viendrait en son temps et, quelle que soit l'évolution de la conversation, il trouverait un moyen de lui laisser entendre ce que son comportement lui inspirait de sentiments tous plus négatifs les uns que les autres. Lucien haussa les épaules et retourna s'assoir dans son fauteuil, à mi-chemin entre celui qui se préparait à lui faire une leçon de morale, et l'imbécile dont il méditait la punition pour son réveil.

    « Je me suis dit qu'un peu d'exercice ne pouvait pas me faire de mal. »
    Lelio lui lança un coup d'œil torve, certainement désespéré par tant de mauvaise foi.

    « Il est vrai que se battre avec un blessé est une idée brillante. »

    Lucien sentait venir à grands pas le moment où la leçon de morale deviendrait directe et rude à entendre. Lelio ne devait vraiment pas être content. Il ne prendrait pas le temps de mâcher ses mots. Sûr de sa position et de l'attachement que Lucien lui vouait, il savait qu'il ne risquait rien, hormis les piques et les sales coups du comte auxquels il était habitué depuis son enfance. Le fait qu'il connaisse si bien son maitre était clairement un désavantage. Lucien s'en rendait compte à chaque jour qui passait. Il ne put s'empêcher de sourire.

    « Le blessé était plein d'énergie, comme à son habitude. C'est lui qui as proposé ce combat. »

    C'était la goutte qui fit déborder le vase. Il le vit à la façon dont les yeux de Lelio se rétrécissaient sur ses pupilles écarlates, puis au geste un peu sec qu'il eut en finissant de remettre les épées sur le mur. Sa voix siffla entre ses dents sur les premiers mots, avant de reprendre son ton professionnel.

    « Vos agissements sont indignes d'un homme de votre rang, monsieur, et vous le savez très bien. Si vous n'employiez pas toute votre journée à tenter de persécuter votre personnel, ce genre de situations n'aurait pas lieu d'être. A l'avenir, tâchez de vous comporter davantage comme le comte que vous êtes, et non comme un enfant. »

    Lelio ouvrait la bouche pour continuer la leçon de morale, qui commençait par « Avec tout le respect que je vous dois,... », ce qui, en soi, n'aurait pas été un mauvais début si la phrase ne devait être suivie par une longue suite de commentaires désobligeants, quand la porte s'ouvrit sur une jeune fille affolée, habillée comme une servante, qui demanda après lui à propos d'un incendie dans la cuisine, ou d'une bagarre, ou les deux en même temps. Dans son charabia paniqué, il était difficile de discerner laquelle des deux histoires avait provoqué l'autre, et si elles étaient vraiment liées entre elles. Avec un dernier regard dont l'expression n'était pas pour plaire à Lucien, Lelio suivit la jeune fille qui le tirait par le bras avec des petits cris nerveux. Le noble espéra que le temps que l'affaire soit réglée, l'énervement du domestique se serait dissipé. Il n'avait pas envie de se faire morigéner par un de ses inférieurs, même si celui-ci l'avait déjà fait à maintes reprises.

    C'est au moment où la porte se refermait derrière le duo qu'il entendit un bruit en direction du canapé. Il fusilla du regard le garde qui venait, apparemment, de décider qu'il voulait se réveiller. Comme s'il avait besoin de ça. Avant que Lucien ne puisse se demander s'il avait entendu un bout de sa charmante conversation avec son domestique, le garde lança la pique qui répondit à sa question. Les mots de Lelio dans la bouche de Theophil lui semblèrent bien plus blessants, et surtout, bien plus méprisants. Il se leva, se plaça à deux pas de Theo, et, le toisant de toute sa hauteur, appuya le bout de sa canne sur le dossier derrière lui, à côté de sa tête.

    « Tu me sembles bien en forme, pour un blessé. Tu en menais moins large tout à l'heure. »

    Un sourire ironique flotta quelques secondes sur ses lèvres, puis s'effaça.

    « Quant à mes agissements, je ne pense pas que tu sois en position de les juger. Les tiens sont-ils réellement ceux d'un garde? »

    Mieux valait rester correct pour le moment. Si Lelio revenait alors qu'il appliquait sa canne à l'endroit exact de la blessure du garde (ce qu'il se retenait de faire même s'il en mourrait d'envie), nul doute qu'il apprécierait moyennement le spectacle. Et qu'il se ficherait profondément de savoir que c'était Theophil qui avait commencé.

    Même si, pour une fois, c'était vrai.
Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyDim 9 Sep - 12:36

    Lucien quitta une nouvelle fois son fauteuil et s'avança vers Theo – ça y est, c'était le début des hostilités. A deux pas de lui, il lui jeta un regard dédaigneux, puis leva sa canne. Theophil crut d'abord qu'il allait se prendre un coup sur le torse, ou pourquoi pas sur la tête – tout était possible de la part de ce tordu – mais non, Lucien se contenta d'appuyer la canne sur le dossier derrière lui, à quelques centimètres de son visage. Il devait mourir d'envie de faire plus et pourtant, il ne faisait rien. Probablement parce que Lelio pouvait revenir d'un moment à l'autre et qu'il ne souhaitait pas se prendre une nouvelle leçon de morale. Encore moins avec Theo parfaitement éveillé à côté. Alors il devait se retenir un minimum.
    L'occasion était unique! La tentation de narguer le noble sans qu'il n'ait le droit de répliquer pleinement était irrésistible. Et pourtant, sa conscience le harcelait pour qu'il n'envenime pas à nouveau la situation gratuitement. Quand le chat dort, les souris dansent – oui mais les souris ont tout intérêt à ne pas insister, si le chat ne dort que d'un œil. Lucien avait beau se retenir, il ne résisterait pas longtemps si la conversation dérivait aussi violemment que précédemment. Non, pour leur tranquillité commune, ils feraient mieux de conserver leur calme tous les deux.

    « Tu me sembles bien en forme, pour un blessé. Tu en menais moins large tout à l'heure. »

    Theo se renfrogna aussitôt. Merci, il aurait souhaité oublier la vague nausée qu'il ressentait depuis qu'on lui avait collé un chiffon d'éther sous le nez – foutue décoction – ainsi que l'état dans lequel il était tout à l'heure. Mais ce devait être trop demander à Lucien.
    Il se força cependant à ne pas répondre. Ce petit effort lui assurerait surement en retour une paix bien méritée – courage Theo. Ignore ce sourire sarcastique.

    « Quant à mes agissements, je ne pense pas que tu sois en position de les juger. Les tiens sont-ils réellement ceux d'un garde? »

    Au diable les bonnes intentions. C'était beaucoup plus tentant de renvoyer la balle à ce fichu noble.

    « Je vous ferais remarquer que, de toute façon, depuis que je suis à votre service mes fonctions sont bien éloignées de celles d'un garde. »

    A vrai dire, elles s'approchaient plus de celles du larbin classique : son quotidien, qui autrefois consistait à faire des rondes, arrêter de sombres inconnus, déjouer des complots et supporter les autres gardes, se résumait aujourd'hui à faire des courses ou d'autres domesticités, déjouer de sales coups de la haute et supporter Lucien. … Surtout supporter Lucien, en fait. C'était presque comme s'il n'était payé que pour cela – puisque cette tâche englobait toutes les autres.
    Theophil se demanda ce qui était le plus fatiguant, entre ça et la course aux résistants. Les deux occupations étaient éprouvantes. Si l'on était positif, on pouvait dire que l'adrénaline des course-poursuites d'autrefois était aujourd'hui remplacée par le divertissement de ses joutes verbales (ou non) avec Lucien. Même s'il était loin d'éprouver un quelconque plaisir sur le moment. En fait, il n'était d'accord avec cette théorie que lorsqu'il remportait une victoire sur le Comte (comme tout à l'heure) et qu'il se sentait vengé du comportement du noble. Ou, plus vicieux, lorsqu'il arrivait à le faire enrager de loin – en réussissant à s'éclipser pour aller boire un verre, par exemple. Alors que pour son ancien métier de soldat, même lorsqu'une mission s'avérait périlleuse, la peur et le plaisir se fondaient en une seule émotion, l'excitation, pour le pousser à oublier tout le reste.
    Il soupira. Oui, il préférait sans doute cela. Mais tout de débat était inutile désormais, puisque plus d'actualité.

    « Enfin, fit il en haussant les épaules d'un air sombre, voilà bien un mois que je ne suis même plus officiellement soldat. »

    En effet, l'ancienne garde royale n'existait plus depuis plusieurs semaines déjà. Theophil avait encore du mal à réaliser ce fait. Si, sur un coup de tête, il passait à la caserne pour voir ses hommes de main, il ne s'attendrait pas à trouver le bâtiment vide, ou bien occupé par l'armée républicaine. Ne plus porter l'uniforme – on pouvait dire qu'il n'avait plus vraiment intérêt à se balader avec en ville, s'il ne voulait pas se faire arrêter pour haute trahison – était la seule chose qui lui rappelait cette réalité chaque jour.
    Theo se rendit soudain compte de l'air grave qu'il arborait. Il n'avait pas l'habitude de s'égarer de la sorte, encore moins en présence du noble. Là, il venait de s'exposer dangereusement à de nouvelles piques de sa part. Surement une baisse de morale due à la fatigue combinée à l'éther – bordel, les effets secondaires de ce truc allaient trainer encore longtemps? Il se reprit aussitôt et, retrouvant son sourire narquois, il attrapa la canne près de sa tête pour l'éloigner du dossier.

    « Faite attention, Lord, Lelio pourrait revenir. »

    La joute reprenait.
Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyMer 12 Sep - 15:16

    Lucien sourit. Il était vrai que les missions que Theophil avait effectué à son service n'entrait pas dans les attributions d'un garde, bien qu'à l'origine, il ait voulu engager un soldat pour le protéger en cas de problème, dans un climat qui, déjà à l'époque, pouvait se révéler défavorable. Seulement, c'était compter sans le désir de vengeance qui l'avait assailli quand il avait reconnu en lui l'homme qui avait réussi l'exploit de lui pourrir toute une soirée par sa simple présence (ou son absence, si l'on comptait que c'était à partir du moment où il s'était enfui à la poursuite d'un inconnu que Lucien avait réellement commencé à lui en vouloir). Ainsi, le comte passait une partie de ses journées à imaginer ce qu'il pourrait bien faire subir à Theophil, le tout avec une imagination chaque jour renouvelée. S'il s'était contenté de lui administrer les mêmes tâches à chaque fois, cela n'aurait pas été amusant. A fur et à mesure, de garde du corps (dont il exerçait plus ou moins la fonction, si l'on prenait en compte les événements récents), il était passé à souffre-douleur du noble, qui avait pris l'habitude de lui envoyer sarcasmes et critiques. Auxquelles le soldat, qui n'entendait pas se laisser faire, répondait la plupart du temps. Leurs relations, qui auraient dû être traditionnelles (employeur et employé) s'étaient vite révélées très conflictuelles, au grand désespoir de leur entourage qui, en plus de supporter les sautes d'humeur de Lucien, avaient découvert que celles-ci étaient bien plus fréquentes après discussion avec le garde. Ils en avaient conclu que la seule solution était la fuite, et se tenaient rigoureusement aux instructions du ne-te-mêle-pas-de-ces-affaires-ou-il-t'en-cuira. Bien que leur sympathie aille davantage au soldat qu'à leur maitre, qui les effrayait un peu. Au final, au lieu de le défouler, la présence de Theophil avait plutôt tendance à l'irriter. Et ce qui auraient dû être des moments de remontrances (en général injustes) finissaient par se transformer en disputes plus ou moins voilées, qui s'aggravaient au fil du temps.

    Le visage de Theophil qu'il voyait le plus souvent était celui de l'insolence et de l'ironie. Ainsi fut-il surpris de le voir afficher une mine sombre qu'il ne lui avait encore jamais vu. En fait, il ne savait pas grand-chose lui, à part son prénom, son ancienne affectation à la garde royale et sa manière de se comporter avec lui. Il ignorait d'où il venait, ce qui l'avait poussé ici, ses véritables opinions. Déstabilisé par ce changement de ton, il ne dit rien. Et au moment où il allait décider si oui ou non la phrase qu'il venait d'entendre méritait sarcasme, Theophil écarta la canne de son visage et lança une remarque sur la présence de Lelio. Lucien, vexé, oublia aussitôt ses interrogations sur la facette du soldat qu'il venait d'entrapercevoir, et décida que le mieux à faire était de remettre cet imbécile à sa place une fois de plus. En oubliant le commentaire aux allures de regret qui venait d'échapper de la bouche du soldat. Il n'avait que faire des questions existentielles quand on venait de l'insulter une fois de plus.

    « Je ne compterais pas sur la présence de Lelio, à ta place. Je suis seul maitre en ma demeure, et quoi que je fasse, il n'aura pas voix au chapitre. »

    Il arracha la canne des mains de Theophil et la reposa à terre. Ce qu'il venait de dire n'était après tout qu'un demi-mensonge. Il était vrai que Lelio, désapprouvant certaines de ses actions, se permettait à son grand désespoir de lui faire des réprimandes en privé, souvent à mots couverts, parfois explicitement. Lucien ne prenait guère en compte ces scènes de ménage qui faisaient penser aux reproches d'une mère à un de ses enfants, ce que son domestique savait pertinemment. Cependant, cela ne semblait pas vraiment le décourager, puisqu'il continuait à lui faire part de son avis, que le comte jugeait superflu. S'il cherchait donc à éviter ces scènes qui lui étaient particulièrement pénibles et entamaient immanquablement sa fierté (surtout quand un tiers les surprenait, on se rappellera de la provocation mesquine de Theophil il y avait quelques minutes), il ne prenait quasiment jamais en compte les conseils déguisés de Lelio. On pouvait donc dire que celui-ci, bien qu'ayant une influence limitée sur le noble, ne contrôlait pas ses actions. Si Lucien était déterminé à faire quelque chose, ce n'était pas son majordome qui pourrait l'en empêcher.

    En revanche, il était vrai qu'il préférerait ne pas se faire surprendre une nouvelle fois en plein combat. Pour sa tranquillité personnelle. Et pour s'épargner un sarcasme supplémentaire de la part de l'imbécile avachi sur son canapé. Lucien se serait presque frotté les yeux avec lassitude s'il n'avait pas craint de montrer des signes de faiblesse. Jongler entre Lelio, dont il voulait éviter les reproches, et Theophil, qui ne manquait pas une occasion de lui faire payer ses actes, n'était pas chose aisée. C'était même fatiguant.

    « Tout comme toi et tes compagnons n'avez pas pu empêcher la révolution, mon majordome n'a aucun pouvoir sur moi. »

    C'était faux, mais la phrase comportait une occasion trop belle de revenir au sujet qui semblait contrarier Theophil : la république et la disparition de la garde royale qui s'en était ensuivi. Au vu de sa remarque précédente, le soldat n'avait toujours pas digéré l'information, ce que Lucien ne comprenait pas. Pour lui, monarchie et démocratie ne faisaient pas grande différence, du moment qu'on lui accordait une tranquillité relative sans interférer dans ses affaires. La seule critique qu'il faisait au nouveau régime était de le priver de ses privilèges, ce qui le mettait dans une rage noire. Car s'il n'était pas attaché aux traditions, il acceptait assez mal qu'on lui retire des avantages qui lui étaient dû. Mais le problème, chez Theophil, semblait plus complexe que de bêtes histoires d'argent ou de pouvoir. Qu'est-ce qui pouvait bien l'attacher à la tyrannie? Ce régime-là ou un autre, quelle importance? Lucien s'assit à côté de lui, la canne posée sur ses genoux. Il n'allait pas non plus rester debout jusqu'au siècle prochain.

    « La république a bien fait de dissoudre votre compagnie. Quelle peut être l'utilité de soldats qui n'ont pas su défendre ce qu'ils auraient dû protéger? »

    Ça, c'était pour sa moquerie par rapport à Lelio. Il n'avait pas besoin qu'on lui rappelle la liberté que prenait son domestique. Et surtout, il n'avait pas envie de se rappeler qu'il le laissait faire.


Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyDim 23 Sep - 13:02

    S'il avait éprouvé une quelconque fatigue ou lassitude à l'instant, sa motivation (ou colère, appelons cela comme on veut) s'en trouvait renouvelée grâce aux insultes (oui, ça par contre on ne pouvait pas l'appeler autrement) du noble. Visiblement sa pique à propos de Lelio avait eu plus d'effets qu'escompté. En représailles, Lucien avait décidé lui aussi de taper là où ça faisait mal – et il y parvenait, le salaud. Theo en était sûr, c'était vraiment causer sa perte que s'être ainsi laissé aller à pareille déprime devant son employeur (plutôt tortionnaire). Comme il s'en voulait! Mais il en voulait plus encore au Comte, bien sûr. D'abord, Theo avait été tenté de répondre ironiquement qu'au vu des représailles du domestique tout à l'heure, Lelio semblait pourtant bel et bien avoir son mot à dire, et plus encore – parfois son autorité rappelait celle d'une mère bien remontée, aux yeux du garde. Cela aurait sans doute bien vexé Lucien de s'entendre dire qu'il ressemblait à un sale gosse dans les jupons maternels. Mais le noble ne lui avait pas laissé le temps d'en placer une, et déjà, il poursuivait en incriminant la garde royale dans la chute de la monarchie – comme si c'était de leur faute! Il y avait le peuple enragé, il y avait les résistants manipulateurs et par dessus tout, il y avait les Royautés menottées et prises en otage : comment auraient-ils pu entraver la république dans ces conditions? Tout en étant certain de ses excuses, Theophil ne pouvait empêcher une bouffée de culpabilité, et de honte, de venir l'assaillir chaque fois qu'il repensait aux évènements – ils auraient dû être plus efficace. C'était leur devoir, un point c'est tout. Il ne trouvait même pas quoi répondre à Lucien.

    Il remarqua que, comme à chaque fois qu'ils commençaient à s'affronter verbalement, leur dispute n'avait plus rien à voir avec le sujet de base – ce pourquoi tout avait commencé, c'est à dire la blessure de Theo dû à l'attaque surprise d'un détraqué au détour d'une rue. Foutu malade. En cet instant, Theophil le haïssait de toute son âme lui aussi. S'il le recroisait dans la rue, il s'empresserait de le mettre à terre d'un bon crochet du droit – ah, mais c'était déjà fait. Allons donc, voilà bien la seule satisfaction de la journée.
    Lucien s'assit à ses côtés – non, pars loin, tu ne vois pas que tout mon être te rejette, te déteste, t'abhorre en ce moment même?
    Bon Dieu, qu'est-ce qui retenait le noble ici? Il n'avait plus à le surveiller, Theo était guéri et en pleine forme (plus ou moins, ses points de vie semblant diminuer à vue d'œil lorsque Lucien était dans les parages) ; il avait sans doute moult choses à faire dans sa petite vie de noble – envoyer des lettres, prendre le thé, faire des courses ou courir les jupons, par exemple (le quotidien du Comte semblait décidément se réduire à peu d'occupations, d'après de garde). Autant d'activités qui pouvaient l'arracher à cette pièce pour leur plus grand bonheur à tous les deux. Non? Qu'attendait-il pour partir, enfin?
    La réponse vint à Theo dès l'instant où Lucien ouvrit la bouche une fois de plus : bien évidement, pour avoir le dernier mot et lui faire payer son insolence. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt.

    « La république a bien fait de dissoudre votre compagnie. Quelle peut être l'utilité de soldats qui n'ont pas su défendre ce qu'ils auraient dû protéger? »

    Les poings de Theophil se serrèrent. Il réunit toute la volonté qu'il possédait pour se retenir d'attraper le noble au col ou le frapper. Aaaah si seulement il pouvait mettre fin à ses problèmes de la même manière que dans la rue tout à l'heure, d'un bon coup de poing bien senti. Voilà qui simplifierait bien les choses. Mais la vie de Theophil semblait se heurter sans cesse à diverses complications, malheureusement.
    Sans réussir à retrouver son sourire insolent, celui que le noble lui connaissait bien désormais, Theophil répliqua, d'une voix que l'irritation crispait :

    « Tout comme elle a bien fait d'abolir vos privilèges, je suppose. Quelle peut être l'utilité de nobles dans une démocratie, après tout? »

    Prend ça, foutu comte. S'il avait bien une chose, une seule et unique chose que Lucien était obligé de contester – de par son rang, sa richesse et son égocentrisme narcissique – à propos de la république naissante, c'était bien celle-là. Un des nombreux points qui puisse mettre Lucien en colère, assurément.

    « Mais peut-être finirez-vous par regretter la disparition de la garde royale lorsque vous comprendrez que, malgré toutes vos critiques à son sujet, elle était la seule protection de la Royauté à votre égard. »

    Par là, il sous-entendait à la fois que la haute société était dépendante des Princes et de leur garde – chose qui ne plaisait surement pas lorsqu'on était aussi fier que Lucien – et qu'elle était désormais à la merci des Républicains enragés en quête de nobles à lyncher pour le bien public. A cette idée, enfin, Theophil retrouva un vague sourire moqueur.
Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyMar 2 Oct - 22:38

  • Lucien remarqua que sa bonne humeur oscillait au gré de celle de Theophil, mais en sens inverse. Lorsque celui-ci était satisfait, il ne pouvait s'empêcher de ressentir de l'irritation (en général, c'était parce que le garde venait de faire ou de dire quelque chose qui lui tapait sur les nerfs, ce qui arrivait au rythme respectable de beaucoup trop de fois à son goût), et quand celui-ci était contrarié (que ce soit de sa faute ou non, d'ailleurs, même si la première option lui semblait mille fois plus distrayante que la deuxième), il avait tendance à ressentir un curieux soulagement qui le remplissait de joie. A croire qu'il ne pouvait pas être de la même humeur que le soldat en même temps que celui-ci. Impossible. En guerre ouverte, on ne s'acoquine pas avec l'ennemi. On le nargue, on l'attaque, on l'encercle, au mieux on l'achève (enfin, ce qui n'était pas vraiment drôle, c'est que s'il lui venait à l'idée de faire passer Theo de vie à trépas, il aurait certainement des regrets. Pour des raisons avouables et d'autres qui l'étaient moins). Toujours était-il qu'il ne lui viendrait jamais à l'idée de se réjouir si une bonne nouvelle arrivait aux oreilles du garde. C'était bien trop amusant de le faire tourner en bourrique.

    Par ailleurs, celui-ci était franchement énervant. En conséquence, pourquoi le materner? Cela n'avait pas d'intérêt. C'était plus logique de lui en faire voir de toutes les couleurs. Et il n'était jamais plus satisfait de lui-même que lorsqu'il réussissait son coup. Ainsi, quand il vit le visage de Theophil pâlir et se crisper, quand il vit ses poings se serrer à sa énième pique sur son insuccès lors de la tentative de répression de la révolution par la garde, il jubila. Ce n'était que justice. Quel besoin avait cet énergumène de lui rappeler le rôle que Lelio jouait dans sa propre vie? Bien que, entendons-nous bien, Lelio ne jouât aucun rôle important dans sa vie. Aucun. Ils avaient juste des discussions animées de temps en temps. Mais il avait passé l'âge d'avoir besoin d'une nounou, et il n'avait jamais eu envie de s'embarrasser d'un directeur de conscience. Ce pourquoi il avait vite délaissé la religion. Aucun intérêt. Il détestait l'idée de devoir se référer à un autre que lui-même, et qu'on lui serine toute la journée qu'il devait rendre des comptes à une entité toute-puissante qui pouvait décider de sa vie, de sa mort, du nombre de ses enfants et de l'endroit dans lequel il passerait son éternité ne l'enchantait pas le moins du monde. Lucien ne voulait s'attacher qu'à lui-même pour décider de son existence, et exit Dieu. Et Lelio. Qui ne lui dictait absolument pas sa conduite. Il se fichait bien de ce qu'il pouvait raconter. Il n'avait pas à lui faire des sermons. Il y avait des prêtres -qu'il n'allait pas voir- pour cela. De toute façon, ce n'était qu'un majordome. Qu'il reste à sa place et on n'en parlerait plus. Qu'est-ce qu'il pouvait bien en avoir à faire que Lelio trouve qu'il martyrisait le peuple sous ses ordres? Rien du tout. Et ce qu'il disait ne changeait rien à l'affaire. Lui comme Theophil feraient bien de se taire un peu plus souvent, au lieu de penser qu'ils avaient le droit d'interférer dans son comportement, ses affaires, ou il ne savait quel élément auquel ils trouvaient à redire. Il les payait pour avoir l'obéissance et le silence. Était-ce si compliqué pour eux?

    Apparemment oui, pensa-t-il en soupirant. Theophil semblait avoir de petits problèmes de compréhension. Cela lui était complètement égal que les nobles soient utiles ou nous, que ce soit dans une monarchie ou une démocratie (Quelle odieuse idée que ce système. Le pouvoir au peuple. S'ils ne faisaient pas exploser la ville avant l'année prochaine, ce serait un miracle. Il n'était pas contrariant sur le pouvoir en place, mais tout de même! Des marchands et des gueux à la tête d'un royaume -enfin, ce n'était techniquement plus un royaume, puisque absence de roi- cela ne s'était jamais vu, et pour le comte, qui avait été élevé avec un idéal de haute noblesse et droit du sang, c'était même carrément aberrant. A quand la domination des étrangers? On n'avait pas idée d'inventer des idioties pareilles). Il n'était pas né pour être utile, mais pour commander. Il n'avait jamais vécu autrement qu'avec une myriade de domestiques à ses ordres, avec les terres de la famille quelque part dans le pays et ailleurs, et il ne s'imaginait pas autrement. Tout cela, il était convaincu d'y avoir droit. Pas parce qu'il avait un service à rendre en échange, mais parce qu'il se pensait supérieur à ceux qu'il employait. Tout ce qu'il avait toujours eu, il lui semblait injuste et insultant que cela lui soit enlevé. C'est pourquoi l'abolition des privilèges le mettait dans une rage noire, ce que Theophil savait très bien pour avoir été présent lors de cette funeste annonce. Il semblait qu'il retenait parfaitement ce qui agaçait Lucien. Quelle mémoire. Il s'en serait passé. Et le rappel de la situation ne le faisait pas rire.

    La suite fut encore moins drôle, d'ailleurs, bien qu'il laissât échapper un ricanement à la mention de la garde royale. Il était au courant des charmantes exécutions qui avaient eu cours -et avaient toujours cours- depuis quelques temps. D'un côté, il n'arrivait pas à envisager que cela puisse un jour lui arriver. De l'autre, il redoutait qu'une bande d'assassins surexcités fassent un jour irruption en sa demeure pour le fusiller sans tambours ni trompettes. Comme la perspective n'était guère rassurante, il préférait ne pas y penser. Par le fait, il n'avait pas envie qu'on lui rappelle le danger que courait sa caste en ces temps troublés. Il était passé devant assez d'hôtels particuliers aux fenêtres sombres pour savoir ce qui se passait. Qu'ils ne disposent plus de la protection des soldats était une réalité. Qu'il ait assez d'argent pour espérer passer entre les mailles du filet en était aussi une, même si elle semblait bien précaire avec ce genre d'illuminés.

    Pour le coup, il était dans une incertitude perpétuelle quant à son avenir. Ce n'était pas vraiment agréable. Sa réponse ne le fut donc pas.

    Ses yeux se rétrécirent.

    « Je me protège tout seul. La garde ne m'a jusqu'ici pas été d'une grande aide. »

    Un sourire sinistre s'étala sur son visage tandis qu'il se penchait vers Theophil, s'appuyant sur une main.

    « Et pense bien que si je tombe, je ne serais pas seul. Quel sera le sort réservé au soldat si son maitre (il appuya sur le terme avec une délectation contenue) est exécuté par le régime en place? »

    Il ne sera guère enviable, en tous cas.
Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyLun 15 Oct - 0:40

    Encore une fois, un féroce désir de justice étreignit les tripes de Theo. Pas d'une grande aide, pas d'une grande aide... Ne lui avait-il pas sauvé la mise ce jour même? Lucien n'était-il pas encore en vie, occupé à lui pourrir la sienne d'ailleurs, uniquement grâce à son intervention? Et s'il avait embauché Theophil, n'était-ce pas justement parce qu'il comptait sur l'aide de la garde?
    Homme de mauvaise foi. Mais n'était-ce pas là le grand problème du noble depuis le début de la conversation?

    Un sourire inquiétant apparut sur le visage de Lucien, alors qu'il se penchait vers lui – une de ses parades favorites lorsqu'il voulait se faire intimidant. Theophil ne recula pas pour autant. Leurs regards s'affrontèrent, de même que leurs sourires crispés.

    « Et pense bien que si je tombe, je ne serais pas seul. Quel sera le sort réservé au soldat si son maitre est exécuté par le régime en place? »

    Sur ce point, il avait peut-être raison – ce qui n'était normalement pas pour faire plaisir à Theo. Mais l'air de rien, ce qui l'énervait plus encore était cette insistance sur le mot « maitre », rappelant une fois encore au garde que malgré toutes ses protestations, malgré toutes ses insolences, Lucien avait toujours un coup d'avance dans leurs disputes – une prise sur lui que Theophil n'était pas en mesure de contester. Pas encore, du moins.
    Une idée lui était venu à l'esprit, qui aurait de quoi faire regretter à Lucien ses propres mots et son manque d'honnêteté.

    « Oh, il ne sera que peu plaisant. » murmura Theophil en souriant, toujours à une poignée de centimètres du comte.

    Étrangement, reconnaître que le noble avait raison ne l'exaspérait pas, cette fois. Non seulement le ton de sa voix, son visage, et tout son être entier laissaient entendre qu'il ne pensait pas un traitre mot de cette approbation ; mais en plus, l'étonnement que risquait de laisser transparaitre Lucien face à ce revirement le réjouissait. Plus encore : il se moquait de concéder cette petite victoire au comte, parce qu'il avait enfin le moyen de lui rendre la monnaie de sa pièce. Et ce moyen, Lucien le lui avait donné lui-même.

    Après un instant de silence, Theophil prit appui sur l'accoudoir du canapé pour se lever, ignorant l'élancement qu'il ressentit au côté droit :

    « Bien, et maintenant, veuillez m'excuser Lord, mais je dois me retirer pour suivre vos ordres et faire mes valises sur le champ. » Il lui adressa son plus beau sourire et poursuivit : « Après tout, vous vous protégez seul. Cela revient à dire que je suis congédié, n'est-ce pas? »

    Il espéra de toute ses forces que Lucien ne trouverait aucune parade pour contester – ou au moins, que sa fierté l'empêcherait de le faire. Après tout, ce serait en effet se contredire qu'affirmer que Theophil était utile ici en tant que garde du corps, et ce serait aussi piquer son orgueil que de prétendre qu'il était indispensable pour d'autres tâches domestiques. Lucien avait beau vouloir garder Theophil sous la main pour lui jouer les pires crasses, il ne mettrait pas sa superbe en cause pour ça. Du moins, le soldat comptait la dessus.

    Il lui adressa un légère révérence, puis se détourna pour marcher jusqu'à la porte. Quand il eut la main sur la poignée, une des principales railleries du noble lui revint en mémoire. Il ne put s'empêcher de se tourner à nouveau vers Lucien pour ajouter :

    « Je vous parie que d'ici trois mois, malgré toutes vos espérances, je serais toujours bel et bien vivant et en bonne santé. »
Revenir en haut Aller en bas
Lord Lucien

{ "We live in pervert time" }

Lord Lucien
Messages : 268
Localisation : Où je le veux
Âge du personnage : 25 ans



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Comte
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyMer 24 Oct - 22:51

    L'ambiance (enfin, son ambiance intérieure en tous cas) commençait à changer. Lui se détendait quelque peu. Maintenant qu'il avait lâché ce qu'il attendait, il ne pouvait s'en sentir que mieux. En théorie. S'il ne sentait pas la situation lui échapper petit à petit, comme se défont doucement les fils d'un manteau abimé. Il savait que, pour une fois, il disait la vérité, au fond. Peut-être pas de la manière la plus plaisante, peut-être d'une manière qui l'arrangeait également, mais il savait qu'il exprimait autant que possible ce qu'il pensait de la situation politique (autant que possible en présence d'un idiot), de cette situation collective qui avait des répercussions personnelles directement sur son existence et celle de ses employés. Certes, pour l'instant, ils avaient limité lesdites conséquences (et il espérait qu'ils le feraient encore longtemps, les complications n'étaient jamais les bienvenues, surtout celles qu'il n'était pas sûr de résoudre) mais rien n'était sûr quant à l'avenir. Ces chiens de républicains n'étaient jamais à court d'idées quand il s'agissait de mettre le désordre. Surtout quand le désordre en question impliquait deux ou trois bâtiments brûlés et quelques individus en moins dans la création. Le Seigneur – s'il y en avait un – devait s'arracher les cheveux en penchant son divin regard sur la ville. Quoique comme il ne bougeait pas le divin fessier qui allait avec pour remettre un peu d'ordre, il fallait croire que cela ne le dérangeait pas tant que ça de voir ses humbles sujets se crêper le chignon à coups de baïonnettes. Même si cela dérangeait beaucoup quelques-uns des humbles sujets, tels que Lucien, qui tenait à sa liberté et sa tranquillité plus que tout, ces deux notions étant considérablement malmenées depuis l'avènement du nouveau régime. Il était certain que les couches populaires de la population, elles, pouvaient en tirer quelques honteux bénéfices. Ce n'était pas son cas, et il maudissait à chaque nouveau jour les insolents qui avaient osé saper le système qui lui octroyait les charmants privilèges dus à sa condition. Il espérait que quelques innocents leur feraient payer, un jour. Oh, lui-même ne se bougerait pas pour le faire, il tenait à la vie, mais il espérait tout de même qu'un groupe de réfractaires mettrait fin à ce cirque dans les plus brefs délais. Deux semaines lui semblait une échéance raisonnable. Quand l'on avait des devoirs à remplir, il n'y avait pas à trainer. Même si ceux-ci incluaient des dommages collatéraux, comme la possibilité d'une jambe coupée ou d'une tête en moins. L'on avait le courage de ses opinions ou on ne l'avait pas, et il maintenait ce qu'il avait dit : deux semaines lui semblait une durée acceptable pour qui avait de nobles motivations. Pourvu qu'ils se mettent bientôt au travail.

    Tout cela pour dire que, malgré le fait qu'il savait comme toujours qu'il avait raison (celui qui prétendait le contraire n'était qu'un monstre de mauvaise foi), il tiqua légèrement quand Theophil ne le contraria pas. Il plissa les yeux, attendant la suite, certain que son sourire ne présageait rien de bon. Une telle expression sur son visage ne pouvait que signifier qu'il avait trouvé une nouvelle idée pour le faire tourner en bourrique (il aurait dû lui administrer le bâton pour son comportement, mais il craignait de un, de se faire réprimander par Lelio pour ses ''idées saugrenues'' – alors qu'il n'aurait que tenté de faire respecter son autorité – de deux, que son agréable garde du corps ne le laisse pas faire et ne se serve dudit bâton pour une de ses tentatives de rébellion, cf la scène des fleurets qui s'était déroulée quelques minutes plus tôt et lui laissait tout sauf un bon souvenir), idée qui, certainement, ne lui plairait pas du tout.

    Ainsi, lorsque Theo lui asséna sa petite tirade avant de se diriger vers la porte, un sourire méprisant lui vint naturellement aux lèvres. Il insistait tant que ça pour partir? Très bien. Si sa demeure ne lui suffisait plus, qu'il parte. Que lui importait de le retenir comme il le faisait depuis plusieurs semaines? Que se souciait-il d'un malheureux, d'un détestable personnage qui passait son temps à le contrarier et ne le remerciait même pas pour sa protection? Pour un peu, il se serait senti vexé. En fait, il était vexé. Une demande de plus était souvent une demande de trop. S'il souhaitait à ce point se faire mettre en charpie par de dangereux énergumènes du gouvernement, qu'à cela ne tienne. Il se souciait comme d'une guigne de ce qui pourrait arriver à Theophil. Il ne l'aimait pas du tout. Sa mort serait un soulagement. Sans aller jusque là, sa disparition, celle qu'il quémandait à tue-tête en lui cassant les oreilles, serait un bienfait considérable pour lui et le reste de sa maisonnée. Trois mois? Sans sa présence, il ne lui en donnait même pas un seul. Il apprendrait ce qu'il en coûtait de vouloir quitter son service. Il se fichait de lui, très bien. Il ne lui courait plus après. Il avait déjà été trop généreux, n'est-ce pas? Alors qu'il s'en aille. Après tout, Lucien n'en avait que faire. Ce n'était jamais qu'un domestique, aisément remplaçable, un domestique irritant dont le départ serait le soulagement d'un grand poids. Qu'il soit à ses côtés ou non, cela lui était bien égal.

    Il pinça les lèvres, et un éclair de colère passa derrière ses yeux vairons, avant que le sourire méprisant ne revienne glisser sur son visage tandis qu'il se levait à son tour. Il acceptait cette sorte de défi. Il le quitterait des yeux pendant trois mois – ou du moins, il essaierait, car la tentation serait forte de voir à quoi en était rendu ce petit rien du tout qui prétendait pouvoir se débrouiller tout seul, sans lui – puis irait contempler l'horrible état dans lequel il le trouverait, punition pour avoir voulu se détacher de lui. Avec un peu de chance, il s'octroierait même le droit de la piétiner un peu. Au sens propre. Et au sens figuré aussi, d'ailleurs.

    « Dans trois mois, alors. Je te souhaite d'être toujours vivant. »

    Pour que je puisse t'exterminer moi-même.

    « Sache que je te retiens le mois de salaire qui t'était dû pour rembourser la consultation du médecin. Puisque tu n'es plus sous mes ordres, il est juste que tu payes toi-même tes dépenses personnelles. »

    Il fit un signe de la main pour signifier à Theo son congé, récupéra sa canne appuyée contre le canapé.

    « Je n'ai jamais eu un domestique aussi catastrophique que toi. Puisses-tu un jour te rendre compte du confort que t'offrait cette place que tu quittes sans remords. »

    Il sortit sa montre de son gilet en regardant le garde du coin de l'œil, la rangea aussi sec à sa place, fit claquer sa canne sur le sol.

    « Je te donne dix minutes pour rassembler tes affaires et partir. Passé ce délai, je ne veux plus te voir en ces lieux. »

    Son ultimatum défini, Lucien adressa un dernier regard sceptique à cet homme qui l'avait énervé des semaines durant, et tourna brusquement les talons pour sortir par la porte opposée à celle devant laquelle se tenait Theophil, sa veste claquant un instant derrière lui.

    Il attendrait avec impatience la fin de ces trois mois.
Revenir en haut Aller en bas
Theophil

{ A... PINK... Elephant *o* }

Theophil
Messages : 346
Localisation : Planqué quelque part pour échapper à son Boss.
Âge du personnage : 22 ans
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Iiiic_10



Cupboard
Autres détails:
Profession ou titre: Garde
La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] EmptyJeu 27 Déc - 0:47

    Le Comte accepta le pari de Theophil, à son grand étonnement. D'abord, parce qu'il s'attendait toujours à une réplique cinglante de Lucien visant à le remettre à sa place – c'est vrai, après des jours et des mois à insister, Lucien finissait par renoncer? C'était trop beau. L'étonnement passa sur son visage un instant. Puis le sourire lui revint, victorieux : il était normal que Lucien ait fini par se lasser de leurs petites guerres. Cette insolence avait été celle de trop, voilà tout. Le Comte semblait plus énervé que jamais. Lorsque Theophil se tourna vers lui, prêt à quitter la pièce pour de bon, il vit la colère briller dans ses yeux, et ses lèvres tracer un sourire méprisant. Nulle doute, ce serait un soulagement pour tous les deux qu'il s'éclipse au plus vite. Cette dernière journée passée ensemble prouvait bien que leur relation devenait toujours plus corrosive, plus haineuse – si la haine n'avait pas atteint son paroxysme ce jour même.
    Ensuite, il fallait avouer qu'il n'y pensait pas sérieusement, à son histoire de pari. Mais les nobles se tenaient toujours à toutes les paroles prononcées, contrairement à beaucoup de gens du peuple dont les paroles s'envolaient et restaient vides de sens à jamais. Theo décida de ne pas rejeter le pari, maintenant qu'il était tenu. D'autant plus que le ton de Lucien était profondément exaspérant et qu'il voulait bien le lui faire ravaler.

    « Sache que je te retiens le mois de salaire qui t'était dû pour rembourser la consultation du médecin. Puisque tu n'es plus sous mes ordres, il est juste que tu payes toi-même tes dépenses personnelles. »

    … Ça aussi, il voulait bien lui faire ravaler. Non mais, sérieusement? Il était encore à ses ordres lorsqu'il s'était fait blesser! Bien qu'il tente de le dissimuler autant que possible, Theophil se renfrogna aussitôt, perdant l'air réjoui qu'il avait si durement acquis. Enfoiré. Tant pis, il irait demander ses honoraires à Lelio. Lui, il accepterait de le payer, ne serait-ce que pour le dédommager de toutes les misères que Lucien lui avait fait.
    Le Comte lui fit signe de partir, d'un mouvement de main – comme il avait l'habitude de le faire. La routine, sans doute. Theophil aurait pu lui faire remarquer qu'il n'avait plus le statut de domestique à présent, que Lucien n'avait plus à le congédier de la sorte et qu'il partait quand il voulait, où il voulait – mais ç'aurait été jeter de l'huile sur le feu. Si un claquement de doigts suffisait à faire lâcher sur Theo une meute de chiens enragés, il y avait à parier que cela aurait déjà été fait. Faute de pouvoir, Lucien se contentait de lui cracher de tout son être ses envies de meurtre au visage. Oui, pour la première fois sans doute, Theophil pensait qu'il valait mieux détaler en silence - plutôt que ne plus pouvoir détaler du tout. Il laissa donc Lucien lui lancer une dernière pique, et une sorte de bénédiction cynique – malédiction? Comme toujours, ses compétences étaient remises en cause. Sur ce point il aurait pu objecter l'incompétence de moult autres domestiques – la maison de Lucien semblant les attirer de part et d'autre de la ville – qui faisaient des accidents de voitures, incendiaient la cuisine, renversaient les vases et autres. Mais, une fois encore, silence est d'or.
    Était-ce sa propre volonté de se taire, ou bien restait-il muet pour une autre raison inconnue de lui-même?
    Lucien sortit sa montre de sa poche et regarda l'heure avant de la refermer d'un coup sec – regardait-il vraiment l'heure ou reproduisait-il ce geste machinal sans y penser, Theo se le demandait souvent. Toujours est-il que regarder sa montre comptait parmi les nombreuses manies du Lord : le plus souvent, c'était ainsi qu'il marquait début d'un nouvel acte, ou la fin d'une conversation. Et en effet :

    « Je te donne dix minutes pour rassembler tes affaires et partir. Passé ce délai, je ne veux plus te voir en ces lieux. »

    Après un dernier regard ô-combien-énervant-dont-il-avait-le-secret, Lucien tourna les talons et quitta la pièce dans un élégant claquement de veste. C'était au moment où il le voyait pour la dernière fois que Theophil remarquait à quel point il était désormais empreint de tous ces gestes, comme étant ceux du quotidien qu'il avait fini par acquérir et dont il devrait désormais se débarrasser.

    « Avec joie, Lord. » murmura-t-il dans un sourire féroce.

    Il referma la porte sur lui et se hâta de disparaître dans sa chambre. Dix minutes pour décamper? Il ne lui en faudrait pas tant!

    END
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Vide
MessageSujet: Re: La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]   La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo] Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

La violence ne résout rien (mais elle soulage) [PV Theo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
{ Dirty Prince } :: ♠ { Corbeille } ♠ :: || Archives RPG-