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 Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}

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Lady Aleth

{ "What's this? What's this? There's color everywhere ♫" }

Lady Aleth
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MessageSujet: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptyJeu 23 Déc - 10:52

    Aleth, en ce jour enneigé d’hiver, était certainement une des filles les plus heureuses sur Terre. Toute l’année elle avait attendu cette journée de fête, ô combien formidable et rare dans ce royaume au final plutôt terne. Aujourd’hui, elle avait décidé qu’elle passerait toute ses heures de temps libre à s’amuser. Elle s’était donc préparée en dansant - action qui mit par conséquence trois fois plus de temps que d’habitude -, fait défiler une bonne cinquantaine de masque devant elle avant de choisir le sien, puis elle avait posé l’objet de son choix à ses côtés sur la table du petit-déjeuner. En face d’elle s’était ensuite étalé des dizaines de croissants, de pains divers et variés, de confitures et de gâteaux secs qui lui faisaient terriblement envie, mais juste avant qu’elle puisse goûter à tout ça avec délice, un servant était entré après avoir frappé trois coups à la porte.

    « Bien le bonjour Mademoiselle, désirez vous une tasse de thé pour accompagner votre repas ? »

    Tel avait été ses mots. La jeune fille avait bien sûr accepté, la tasse fumante dégageait un arôme exquis auquel personne ne peut résister. Et les croissants lui avaient échappé.

    * * *

    Flou. Tout lui semblait flou. Elle avait l’impression de voler au milieu d’un brouillard extrêmement dense. D’ailleurs, elle volait. Elle tournoyait dans les airs à la manière d’un colibri s’échappant, après des années d’emprisonnement, de sa cage. Petit à petit, la brume disparaissait et une plaine aux couleurs chatoyantes apparaissait. Une herbe couleur coton, des arbres aux troncs couverts d’une mousse rosée, un soleil bleu océan et un ciel rouge écarlate. Au début il n’y avait rien dans cette prairie, et lorsqu’ Aleth posa pied à terre elle fut d’abord déçu par le peu d’animation de l’endroit. C’est ensuite que le spectacle commença. Des croissants, aux jambes et aux bras fins arrivèrent et commencèrent à danser autour de la jeune fille en chantant une comptine à tu tête de leur voix nasillarde.

    « Tu nous mangeras pas, tu nous mangeras pas ! On t’échappera, on t’échappera ! »

    Et bien ça alors, elle n’avait jamais vu de croissant parlant jusqu’ici ! Voilà qui était à noter dans son carnet. Cependant, elle n’était pas sûre de vouloir tant que ça les recroiser… leur chanson lui tapait sur les nerfs ! De plus ils la chantaient de plus en plus fort, oui, de plus en plus fort, maintenant la mélodie résonnait dans sa tête en boucle avec frénésie.

    « Tu nous mangeras pas, tu nous mangeras pas ! »

    L’adolescente sentit sa tête lui faire mal, et ses tympans siffler au fur et à mesure que le volume augmentait. Mais elle ne pouvait pas se laisser abattre, ça non, elle voulait les manger ces croissants ! Il était impossible qu’il en aille… autrement…

    « On t’échappera, on t’échappera ! »

    Le son. Trop… Trop fort. Et les croissants qui approchaient, doucement… pour la dévorer… Stop. Stop ! Arrêtez !


    * * *

    « …Voyons qui nous avons dans nos filets ? »

    La jeune fille ouvrit les yeux brusquement en hurlant, encore à moitié prisonnière de son rêve.

    « Nooooooon, pas les croissants ! »

    Grand silence. Hum, l’endroit semblait plus sombre que la prairie. En plus, pas la moindre trace de croissants animés. Ce serait-elle endormie ? Cela expliquerait pas mal de chose en effet. Cependant, elle n’avait pas l’impression de reconnaître ses appartements et elle avait plutôt mal au dos... D’ailleurs, à qui appartenait la voix qu’elle avait à demi entendu à son réveil ? Lentement, elle leva son regard vers… quelqu’un. De masqué. Plutôt logique pour un jour de carnaval, mais quand même. Elle n’avait pas l’impression d’avoir fait quoi que ce soit après avoir bu sa tasse de thé, et de toute évidence elle n’était pas dans son salon. Alors…

    « Excusez-moi, serait-ce un enlèvement ? »

    Le tout dit avec des yeux brillants d’excitation. Elle n’avait encore jamais été enlevé ! Elle apprendrait certainement tout un tas de choses formidables grâce à ça ! Déjà, elle pouvait marquer dans son carnet qu’un sol dur provoque un mal de dos affreux. D’un geste, elle essaya de bouger ses mains, sans succès. Alors elle était… attachée ? C’était d’un seul coup un peu moins drôle quand même… Enfin, si la règle de ce jeu était ainsi, elle acceptait tout de même de jouer avec plaisir. ♥
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William

{ The one who bumped the wall because of his mask }

William
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MessageSujet: Re: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptyJeu 23 Déc - 16:33




    « William, tu vas participer au Carnaval toi, hein ? »

    Le libraire sortit le nez de l’étagère pleine de livres et de poussières pour fixer tout d’abord d’un air étonné puis amusé le petit garçon aux yeux brillants qui le questionnait, accoudé à la rambarde de l’escalier. Il lui avait toujours interdit d’aller plus haut, pour ne pas qu’il découvre son secret, mais il le savait curieux et n’avait de cesse de le surveiller attentivement. D’un ton enjoué, il lui répondit :

    « Mais bien sûr ! Ce n’est pas tous les jours qu’on peut s’amuser de la sorte ! Mais je te conseille tout de même de faire attention, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer. »

    Oui, on ne sait jamais. Il lui adressa un signe de la main en souriant tandis qu’il quittait sa boutique en courant pour ne pas se faire disputer par sa mère, puis il ferma la porte à double-tour et son sourire s’affaissa. Demain, demain… Il alluma une bougie avant de rabattre les volets de sa fenêtre. Demain, quelque chose de très important allait se produire, et ce n’était pas que le Carnaval. Il monta une à une les marches de l’escalier grinçant, les yeux emplis de tristesse. Vidal savait pourtant très bien que William n’aimait pas voir des civils impliqués dans ces affaires. Mais il ne disait rien, il se contentait d’obéir aux ordres. Malgré tout, il savait qu’il abandonnerait tout pour les sauver si cela dégénérait. Oui, il était capable de tuer sans se poser de questions, mais jamais il n’accepterait de voir de visage de la jeune Lady Aleth couvert de sang. Il ferma les yeux, nauséeux à cette simple pensée.

    Il se glissa sous sa couverture en laine et, l’esprit torturé et plein d’appréhension, il se laissa glisser dans les bras de Morphée.

    * * *

    Humide. Sans un mot, le garçon nommé Corbeau releva la tête, fixant les gouttes d’eau qui tombaient du plafond. S’il avait été William, il se serait mis à penser à son passé, à ce taudis qu’il habitait après avoir quitté les bonnes sœurs. Il aurait peut-être été triste. Mais Corbeau ne pensait pas. Il ne pensait qu’à sa vengeance, tout était parfaitement calculé dans sa tête.

    Il entendit la porte secrète s’ouvrir et tourna la tête pour voir Vidal, un masque sur le nez, entrer et s’approcher des victimes de leur opération.

    « Lucien, Eulalie, Aleth ? Voyons qui nous avons dans nos filets ?~ »

    Il fixa la jeune fille un instant puis détourna les yeux. Il avait refusé de s’occuper de son enlèvement et s’était contenté de Lord Lucien, mais Vidal n’avait pas semblé considérer cela comme un affront. Soudain, un hurlement le fit se retourner vivement vers la jeune fille. Si jamais quelqu’un lui avait fait du mal…

    « Nooooooon, pas les croissants ! »

    Il haussa un sourcil, légèrement surpris. Il se mit à sourire intérieurement. De toute évidence, la demoiselle venait de se réveiller d’un songe pour le moins étrange. Il reconnaissait bien là son amie.

    « Excusez-moi, serait-ce un enlèvement ? »

    Sans répondre, il fit demi-tour, faisant voler sa cape noire derrière lui et s’approcha en grande hâte de Vidal, lâchant à son oreille dans un murmure à peine audible :

    « Les doubles sont déjà en place, quels sont vos ordres? »

    En général, il était chargé de faire tourner en bourrique les gardes qui cherchaient à les empêcher de mener leur plan à bien, en les faisant se perdre dans le labyrinthe des catacombes, mais peut-être que Vidal avait d’autres projets pour lui.
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Eulalie

{ "Heureux les simples d'esprit, ils iront au paradis." }

Eulalie
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MessageSujet: Re: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptySam 25 Déc - 17:57

[J'espère qu'il n'y a rien qui clooooche, sinon je changerai hein ;o;]


    Dès que les premiers rayons du soleil transpercèrent la mince épaisseur du tissu de mauvaise qualité pendant à sa fenêtre, Eulalie, réveillée depuis plus de deux heures, se précipita hors du lit pour coller son visage à l'ouverture, pressée, comme tous les ans, de voir grouiller au-dehors le Carnaval multicolore. Elle avait tellement hâte de s'y mêler. Depuis qu'elle avait commencé à se tourner dans la chaleur des draps sans parvenir à se rendormir, elle imaginait fondre sous sa langue les grasses pâtisseries auxquelles elle n'avait pas droit dans l'année - celles-ci étant trop chères- pendant qu'elle croquerait des grains de sucre abandonnés entre ses dents, leurs cristaux se fondant au creux de ses molaires ; pendant que de minuscules pépites craquantes, réchauffées par la salive vorace, descendraient lentement le long de sa gorge dans l'espace limité d'une bouchée. Entre chaque piqure à l'intérieur du doux moelleux beurré, elle lécherait ses doigts collants, candide telle un enfant qui souhaite savourer les miettes d'un savoureux présent mais ne peut s'empêcher de se précipiter pour le finir, désireux d'en découvrir toujours plus, de revenir aux délices qui enchantaient ses papilles. Bien que travaillant au château, où se succédaient sans relâche des mets plus fabuleux, plus raffinés les uns que les autres, les bons repas se limitaient chez elle aux fêtes religieuses et aux réunions de famille, qui n'avaient plus lieu depuis la fermeture de la ville. Ainsi, elle ne ratait pas une occasion de bien manger, sous les regards amusés de sa mère qui piochait allégrement dans les étals et les réserves de sucreries en vue de la fête, ceux, ennuyés et un peu agacés, d'Edmond, accompagnés des mimiques avides du dernier de la fratrie, Jensen, et de l'indifférence de Rosiel, dans les pupilles duquel on pouvait lire, exceptionnellement, une détente crispée, peut-être influencée par le climat d'euphorie qui filtrait à travers les murs, les cris de joie que l'on percevait sans en comprendre le contenu, les bruits de pas frappant la cadence sur le sol d'une pierre terreuse, une musique étouffée par la clameur ambiante. Eulalie sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale à ces souvenirs et elle se cambra légèrement sous sa poussée, heureuse de retrouver le Carnaval intact d'années en années, comme un vieil ami qu'elle aurait été sûre de revoir à une date précise, attendue sans appréhension. Convaincue qu'il serait là sans faute, prêt à s'amuser avec elle.

    L'adolescente ramena sa chevelure châtain dans son dos, la laissant retomber en désordre dans son cou. Piaffant d'impatience, elle fut déçue de voir qu'il était encore trop tôt pour la sortie des masques flamboyants qu'elle aimait tant. Seuls quelques habitants traversaient la rue à vive allure, serrant contre eux de grandes housses de tissu qui devaient certainement abriter des habits qu'ils allaient revêtir dans l'ombre d'un salon, ou qu'ils se presseraient de livrer à une jeune bourgeoise, juste à temps pour qu'elle se précipite au milieu de l'étouffant charivari, s'accrochant aux épaules d'un inconnu qu'elles n'auraient jamais osé toucher d'habitude. Mais la certitude qu'il serait avalé par la foule une poignée de minutes plus tard déliait les langues et la pudeur. Celui-ci parti, elle aurait déjà repéré un autre individu en costume vermeille. Le Carnaval serait, comme à son habitude, un jour hors du temps.

    Eulalie descendit les escaliers en courant, quittant l'unique chambre de la maison après avoir jeté son demi-frère hors du lit à l'aide des bruyantes invectives dont elle avait le secret. Elle le mit debout et le laissa, tremblant de froid et mal réveillé, planté dans un équilibre précaire sur le tapis mité. Ses parents étaient sortis pendant qu'elle scrutait le paysage, imperméable à leurs saluts. Edmond était habitué à se lever de bonne heure pour ses fourneaux et devait trainer dans la pièce principale en attendant le repas. Roxanne, levée en même temps que son mari qui, sinon, ''serait d'une humeur de chien si personne ne se résolvait à lui préparer son petit-déjeuner pendant qu'il grogne autour de la table'', devait s'activer devant le four. Rosiel se cachait sûrement dans un coin de la maison, récalcitrant à l'idée de se mêler à la foule. Elle avait déjà essayé de le trainer dehors quelques années auparavant, mais il n'en avait résulté qu'une humeur maussade et des crises de pleurs en plein milieu de la voie publique parce qu'un homme avec un masque de clown cherchait à l'entrainer dans une danse populaire qui s'était improvisée sur une place. Elle continua donc sa course jusqu'à la cuisine exiguë d'où lui parvenaient d'agréables odeurs de nourriture, embrassa sa mère en coup de vent, salua son beau-père d'un signe de main, s'aperçut que le petit-déjeuner n'était pas prêt et remonta illico, incapable de tenir en place. Elle tenta d'éjecter son frère hors des couvertures sous lesquelles il s'était recouché en lui transmettant la magie du Carnaval qui vibrait en elle, passant outre ses piaillements colériques et ses coups de pieds jusqu'à ce que l'un d'eux l'atteigne au tibia, se coince dans le rebord de sa jupe et l'entraine à toute vitesse vers le sol. Elle poussa un cri et entra en collision violente avec le sol, écrasant le petit qui était maintenant, contre son gré, bel et bien réveillé par l'impact de son crâne contre le parquet. Ignorant les excuses précipitées de sa sœur, Jensen se redressa, fier et digne du haut de ses onze ans, et partit en claquant la porte, décidé à afficher son mécontentement au reste du monde. Mécontentement qui ne durerait pas bien longtemps, et qu'il oublierait bientôt pour se consacrer à son occupation favorite : semer la terreur parmi les passants avec l'aide des autres gosses du quartier. Le port du masque lui offrait des perspectives très intéressantes qu'il se promit de soumettre à ses acolytes pendant qu'il descendait les escaliers à cloche-pieds, tout en se tenant à la rampe. Il leva les yeux au ciel en entendant dans son dos des pas qui se rapprochaient rapidement, suivis de reproches hystériques. Tu vas te faire mal! Descend normalement, tiens-toi, qu'est-ce qu'on va faire si tu tombes? Allez dépêche-toi, repose ton pied par terre! Il fusilla du regard son ainée, qui l'assommait de recommandations toutes plus inutiles les unes que les autres, puisqu'il s'empresserait de les oublier dès qu'elle aurait le dos tourné. Changeant de tactique, il lui offrit son sourire le plus angélique et, reposant son pied sur le sol, lui promit de ne plus recommencer. Les pas s'éloignèrent. Il sauta sur la marche suivante.

    Revenue dans la chambre, Eulalie sortit de l'armoire le costume qu'elle s'était appliquée à coudre et en disposa soigneusement les différentes pièces sur le couvre-lit qu'elle avait préalablement rabattu sur le matelas. Un corsage se nouant à l'aide d'un épais ruban violet, à manche courtes, qu'elle passerait sur une de ses chemises habituelles. Une jupe souple, dans les tons roses et violines où s'entrelaçaient des motifs de nacre et d'argent, un épais jupon blanc pour donner du volume à sa tenue, des gants violets, son médaillon. Le masque, simple loup rose et argent. Elle n'avait pu avoir celui qu'elle avait aperçu dans une boutique de luxe, et sur lequel elle avait basé sa tenue en rêvant qu'elle avait soudainement assez d'argent pour le payer. Il lui aurait coûté plusieurs mois de paye. Rien que le fait d'émettre l'idée avait provoqué la fureur d'Edmond, qui désapprouvait qu'elle utilise l'argent familial pour une chose aussi futile. Elle passa une main songeuse sur les contours de celui qu'elle avait acheté pour un prix raisonnable, dans un magasin sans renommée qui tentait de survivre parmi la concurrence. L'autre était si beau, pourtant. Sur un fond framboise, de minces dessins lilas et gris se croisaient, remontant depuis le nez jusqu'aux oreilles pour s'arrêter sous les plumes multicolores qui s'élevaient vers le plafond, telle la parure d'un oiseau exotique capturé contre son gré et enfermé dans une cage luxueuse. Il avait sûrement été enlevé depuis longtemps à l'écrin de velours dans lequel il reposait derrière la vitrine, acquis par une de ces nobles qui devaient en posséder des centaines et pour il n'avait aucune valeur particulière.
    Puis, l'image du masque convoité s'estompa dans son esprit et elle revint à son occupation première. Riant doucement, comme une enfant qui s'apprête à faire une farce et s'en émerveille à l'avance, elle enfila son costume et se coiffa soigneusement, ramenant en arrière quelques mèche de ses cheveux qu'elle attacha à l'arrière de sa tête avec une barrette, laissant le reste redescendre vers ses épaules. Aujourd'hui, elle pouvait se permettre une tenue relâchée qu'elle n'aurait pas eu en service.
    Sous le ciel, des milliers de couleurs se déversaient dans un grandiose kaléidoscope, patchwork inhabituel de teintes qui juraient les unes avec les autres, mais bougeaient à l'unisson, sur la mélodie du Carnaval.

    Relevant le bas de sa jupe pour ne pas l'abimer, elle s'assit sur une des chaises de bois de la cuisine et se servit une tasse de lait que sa mère avait fait chauffer avant de partir s'amuser dehors. Il n'y avait que rarement du thé pour les repas, car celui-ci, bien que les prix baissent petit à petit, restait tout de même assez cher pour les classes sociales peu élevées. Sur la table s'étalaient les restes du repas : quelques miettes, une tâche d'eau, une griffure du couteau. Portant la tasse à ses lèvres, elle sursauta en croyant apercevoir une ombre dans le renfoncement de la porte. Elle éloigna l'objet un instant pour fixer l'embrasure, mais ne vit rien d'inhabituel. Une vague de panique déferla sur elle pendant un instant. La maison était-elle maudite? Serait-ce l'ombre d'un revenant tué dans cette pièce? Ou pire, un suicide? Allait-elle voir émerger un cadavre putride avec une corde pourrie autour du cou, poussant des cris étranges et déversant une substance collante au sol? Tremblante, elle s'efforça de détourner le regard du coin inquiétant et l'enfouit dans le liquide immaculé du récipient, y immergeant ses lèvres en les pressant contre le rebord abimé. L'ombre ne réapparut pas, à son grand soulagement. Elle avait dû se faire des idées. Elle commençait à reprendre timidement contenance, cherchant à se rassurer, bien qu'elle redoute à présent de devoir passer par-ici pour atteindre l'entrée, quand la chose qui se tenait cachée dans le renfoncement de la porte et qu'elle avait cru purement issue de son imagination surgit dans la pièce. Eulalie voulut crier, mais son corps engourdi ne lui obéissait plus. L'autre se rapprochait. Elle voulut s'enfuir. Ses jambes se dérobèrent sous elle.

    Elle se réveilla en entendant une voix masculine se répercuter à ses oreilles, sans comprendre le sens de ses paroles. Lentement, elle ouvrit un œil, puis l'autre, laissant l'endroit perdre de son flou pour pouvoir se repérer. Quand elle y parvint, elle referma les yeux, espérant avoir rêvé. Mais le même espace s'étendait toujours devant elle. Pour ce qu'elle en voyait, l'endroit était sale, malodorant, humide et froid. Elle sursauta quand une voix de jeune fille parvint à ses oreilles, ne saisissant au passage que le mot ''croissant''. Une pointe de convoitise et de regret s'alluma dans son esprit. Ce n'était certainement pas ici qu'elle pourrait manger à sa guise... Elle ravala ses larmes de dépit en pensant à la guirlande de bonnes choses qu'elle allait rater si elle restait là. D'ailleurs, qu'y faisait-elle, allongée dans la poussière qui lui rentrait à moitié dans la bouche d'une manière très désagréable?

    « Excusez-moi, serait-ce un enlèvement ? »

    Eulalie écarquilla les yeux, stupéfaite. Un enlèvement? Comment? Pourquoi? Qui? Toute à son questionnement, elle ne fit aucunement attention à ce qui se passait autour d'elle. Elle repassa les événements de la veille à toute vitesse, cherchant les torts qu'elle aurait pu causer et qui aurait provoqué cette vengeance inhumaine -car il fallait être sans cœur pour la priver de s'amuser. Il y avait bien eu la préparation du repas, pendant lequel elle avait fait brûler les poulets parce qu'elle s'était endormie en les surveillant... Ou alors l'après-midi, quand elle avait rangé la lingerie d'une des dames dans l'armoire d'un gentilhomme inconnu... Ou un peu plus tard, quand elle avait trébuché en allant ranger des draps, s'était écroulé sur un cuisinier qui passait par-là, avait voulu se relever, s'était accroché à son tablier, l'avait fait reculer vers la fenêtre par-laquelle il avait ensuite basculé dans un hurlement paniqué, avant de finir sa course dans un tas de fumier qui menait tranquillement son petit bonhomme de chemin sous la fenêtre. Elle s'était confondue en excuses devant l'homme, recouvert de la tête aux pieds de déjections puantes, qui tentait tant bien que mal de s'essuyer la figure tout en lui hurlant des insultes à la figure. Elle pâlit brusquement à ce souvenir. Cette situation était-elle la punition divine pour l'avoir ridiculisé? Elle serait privée de Carnaval pour lui apprendre à corriger sa maladresse? Ou même... Finirait-elle ses jours dans cet endroit angoissant, nourrie jusqu'à sa mort au pain sec et à l'eau -quand on n'oublierait pas de lui donner à manger-, dormant avec les rats -quand ce ne serait pas les araignées qui viendraient lui dévorer les pieds-, et s'étouffant dans ses cheveux parce qu'elle n'aurait pas de quoi les couper? Elle se mit à sangloter. Quelle mort horrible, elle refusait de finir étouffée par sa propre chevelure!
    Elle se redressa en se tortillant pour adopter une position assise.

    « Personne ne mérite de mourir étranglé par ses cheveux! » s'asséna-t-elle d'un air très sérieux, dans un murmure tremblant destiné à elle-même, les joues ruisselantes de larmes.

    Malheureusement, elle voulut appuyer cette nouvelle découverte -maxime?- d'un mouvement de main, ce qui la projeta à nouveau vers l'avant dans un cri perçant, le nez sur la pierre mouillée.

    En plus, elle avait sali sa robe.
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Lord Lucien

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Lord Lucien
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MessageSujet: Re: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptyMar 28 Déc - 16:44

    Palpitante, la créature, inquiète, crachait des gerbes de salive en flammes, repliée en équilibre précaire sur le dossier d'une chaise. Celle-ci réussissait, par miracle, à ne pas tomber en arrière malgré le fait qu'elle répétât en boucle de dangereux basculements d'avant en arrière. Une goutte de sueur descendit le long du bras de la créature. Elle miroita une seconde au soleil, s'arrêta un bref instant, dévia de sa course en formant diagonale imprécise, puis parut hésiter à dégringoler vers le sol impeccablement nettoyé. Ondulant, se cambrant, s'amincissant jusqu'à ne former qu'une rigole faiblarde, elle changea soudain de direction et revint à sa position initiale, là où elle ne risquait plus de s'écraser sur le parquet impersonnel. Une deuxième dévala une mèche de cheveux, à cheval sur ces fils si fins qu'ils semblaient faits en toile d'araignée. Il aurait suffi d'un claquement de doigts et cette chevelure si soyeuse se serait écroulée pour ne laisser qu'une peau de pêche, luisante comme une coquille d'œuf fraichement pondue, encore collante du liquide séminal, mais pourtant richement parée. Incrustée de perles de lunes et d'obsidiennes scintillantes qui se détachaient avec grâce sur la subtile couleur de l'épiderme magique, elle irradiait littéralement, les facettes des pierres précieuses chatoyant en alternance au gré des mouvements effectués. Et à l'image de son apparence extérieure, l'âme de la créature brillait de l'intérieur. Un aurait pu être enfermé dans la cage thoracique et conférer sa lumière divine à sa prison charnelle, comme si un pacte s'était noué entre le bourreau et le supplicié. Lien sentimental? L'enfermé s'était-il épris de son contenant? Sans entrer en concurrence, l'être et le corps semblaient travailler de concert pour conférer à la créature une aura fantastique. Le monstre, dans une éternelle indécision, était dépourvu d'identité définie : était-il masculin ou féminin? Pouvait-on seulement le réduire à de telles considérations, si terre-à-terre? Il paraissait autre chose, mi-homme mi-femme, inventant un enchantement qui n'appartenait pas à ce monde.

    Le regard dériva vers les pieds gigantesques cachant en partie l'énorme queue de lézard qui battait terre, soulevant des gerbes de poussière et entourant la bête d'un halo gris qui tournoyait régulièrement autour d'elle, reprenant de la vitesse à chaque coup de balancier alors qu'elles allaient retomber dans un imperceptible froissement. Il en résultait un bruit lourd et répétitif, comme un bourdonnement. La peau, contrairement à celle du buste nu, si douce, avait un aspect rêche, sillonné de rides profondes qui paraissaient autant de crevasses, de mutilations infligées pour lui donner son aspect sauvage. Les jambes -les pattes?- aurait pu être faites de pierre, autant par leur couleur, oscillant entre le vert et le marron, saupoudré d'un soupçon de gris métallique, que par leur texture, sonnante et dure. Les griffes qui les ornaient étaient des miroirs qui égratignaient la chaise, arrachant de minuscules copeaux de bois qui venaient se mêler à la poussière tourbillonnante. Elles renvoyaient les rayons du soleil qui venaient s'y percuter avec une force décuplée, presque éblouissante, illuminant les riches moulures du plafond sculpté. A la jonction entre le buste et les membres inférieurs, un mince collier de sang déversait lentement son liquide qui se coagulait en une ceinture rouge sombre, qui se métamorphosait en une ornementation stylistique. Se déversant en volutes écarlates qui venaient souiller la longue chevelure, d'une teinte identique. Il venait alors s'y mêler sans révéler son imposture, s'infiltrant innocemment entre deux filaments.

    La chose releva la tête et on aperçut son visage altier, à moitié dissimulé sous sa tignasse. Un visage si banal que l'on en était presque déçu, jusqu'à ce qu'on entre en contact avec ses yeux écarquillés, aux pupilles dilatés et à l'iris aussi jaunes que ceux d'un faucon. Expressifs, ils suintaient une hostilité si nette qu'elle percutait de plein fouet, semblant envoyer des ondes nocives autour d'elle. Dans une injonction primitive, ils enjoignaient les autres, ceux qui pénétraient son territoire, à déguerpir au plus vite. On devinait sans peine que dans le cas contraire, la chimère les saignerait jusqu'au dernier sans aucune arrière-pensée.

    Soudain, elle tourna la tête vers la fenêtre, aux aguets, et un cri perçant retentit dans la pièce. Des ailes duveteuses, immaculées, se déployèrent dans son dos et brassèrent l'air, faisant s'envoler les objets présents autour d'elle, comme s'ils l'accompagnaient dans un dernier voyage, soucieux de la saluer. Une plume s'envola, descendit en zigzaguant, frôla le parquet et finit par atterrir au fond de la salle, au pied du lit. Une main la ramassa. Le temps d'effectuer ce geste, la créature avait fait un bond maladroit, se projetant contre le lustre de cristal qui vacilla dangereusement, avant de se rattraper contre le rebord de la fenêtre qui éclata en un millier de fragments. Elle faillit retomber, puis s'envola. Elle était partie.

    Lucien se releva du matelas où il était assis et resserra autour de lui la veste qu'il avait enfilé par-dessus sa chemise. Il marcha vers la fenêtre, à nouveau intacte. Au-dehors se pressaient des centaines de costumes alambiqués, au milieu desquels lui seul percevait la présence des monstres de son imagination. A droite, une nymphe aux ailes transparentes côtoyait un clown engoncé dans de bouffants habits blancs qui avançait sur les mains, progressant difficilement dans la foule. Quelques pas plus loin, un lion aux dimensions aberrantes grognait dans les cheveux d'une femme de forte stature, qui faisait valser ses jupes dans un éclat de rire muet, découvrant ses bas de dentelle ouvragé, ses mollets épais, ses chaussures pointues. S'il inclinait la tête, il pouvait discerner un arlequin à visage de singe, monté sur des échasses qui paraissaient toucher le ciel, agitant dans le vent son pantalon multicolore et lançant des gerbes de riz sur les habitants à ses pieds. Pour celui-ci, le jeune homme hésitait. Etait-il réel? Le singe était-il un masque de mauvais goût? Ou ces grimaces enjouées n'étaient-elles que le reflet du dysfonctionnement de son esprit qui s'ingéniait à créer des illusions sans queue ni tête, qui parfois le hantaient des jours entiers avant de disparaître, sans que rien ne laisse présager de leur devenir? Il ne pouvait jamais savoir si ces hallucinations reviendraient ou se contenteraient de devenir souvenirs, destinés à s'estomper avec le temps. Et cependant, il avait beau se réprimander pour tenter de réfréner ces écarts, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe de regret quand une des créatures de son monde disparaissait un beau matin sans laisser de trace. Jusqu'à ce qu'une autre se matérialise devant lui, retenant son attention une fois de plus. Le jeu primaire auquel il se livrait inconsciemment était de découvrir auquel des contes inventées par son frère la créature se rapportait. Malheureusement, ces devinettes ne duraient jamais bien longtemps. La réponse commençait à se former en lui dès que son regard tombait sur elle.

    Soupirant d'un air ennuyé, il détacha son regard de la cohue du dehors quand la porte de la chambre s'ouvrit, laissant passer un domestique qui portait un vaste plateau où s'empilaient divers ingrédients destinés à son petit-déjeuner, répandant aussitôt un arôme de pain et de thé qui flotta un instant dans l'air avant de s'estomper ; les narines, s'habituant à l'odeur nouvelle, ne la détecta bientôt plus. Il lui désigna d'un mouvement sec la table qui trônait au milieu de la pièce et sur laquelle il devait poser son fardeau. Ce dernier tinta joyeusement en entrant en collision avec le meuble, déversant sur la nappe quelques gouttes d'eau dont les auréoles s'élargirent progressivement jusqu'à former une étroite constellation humide au-dessus d'une broderie sophistiquée. Le fil rose qui constituait la corolle d'une fleur se fonça et devint rouge, comme une petite tâche de sang naissant à la surface d'une blessure. Une seconde, cette maladresse le ramena à l'animal mythologique qui venait de le quitter en sautant dans le vide. Il secoua la tête et se dirigea lentement vers la table, coupa un gâteau en deux et l'émietta dans une assiette entre son pouce et son index, son regard vairon fixé sur le visiteur qui attendait à quelques pas de lui, un peu mal à l'aise. Sans le quitter des yeux, il mordit dans le biscuit, fronçant les sourcils. Il ne reconnaissait pas cet homme. Habituellement, et sauf cas exceptionnel, c'était Lelio qui s'occupait d'apporter ses repas. Avait-il eu un empêchement? Agacé rien qu'à l'idée que son majordome ait pu se montrer assez incompétent pour en venir à le délaisser, il poussa un grognement en pinçant les lèvres., repartant vers la fenêtre. Il en écarta un rideau et se renfrogna, lassé à l'avance de cette journée qui se révélerait épuisante, comme tous les ans, à cause du bruit continu et des fêtards qui ne manqueraient pas de venir sonner à la porte, à moitié ivres, avant de repartir en riant bruyamment, sachant pertinemment que l'on ne pourrait les reconnaître à cause de leurs masques. Lucien esquissa un sourire méprisant. Quelle tradition stupide. Comment pouvait-on encourager le bas peuple à se mettre au niveau des nobles, ne serait-ce qu'une seule journée? S'il acceptait de se mêler aux classes populaires quand il s'agissait de s'amuser et d'entretenir les rumeurs exubérantes sur son compte, il refusait d'être mis au même rang que ces gens grossiers et sans aucune élégance. Lui était fier de son titre, comme sa position lui commandait de l'être. Les inférieurs se devaient de rester à leur place. Dégoûté, il éplucha du regard ce spectacle dégradant, avant de décider qu'il préférait se consacrer à au fonctionnement de sa maisonnée plutôt qu'au désordre de l'extérieur.

    « Pourquoi Lelio n'est-il pas monté aujourd'hui? » demanda-t-il au serviteur, resté dans l'ombre du mur près de la porte.

    Au bout d'un moment, n'obtenant pas de réponse à sa question, il se détourna du Carnaval naissant pour le regarder. Il crut recommencer à halluciner lorsqu'il avisa l'autre en train de faire des signes sabbatiques avec ses mains, semblant tenter de communiquer. Lucien haussa les sourcils. Il tuerait Lelio dès qu'il aurait réussi à mettre la main sur lui. Qu'est-ce que c'était encore que ce cirque? Il trouvait qu'il n'y avait pas assez de fous dans cette maison sans en engager un autre?

    « Je préférerais que tu t'adresses à moi d'une manière correcte, si ce n'est, évidemment, pas trop te demander. En espérant que tu en sois capable. »

    Gesticulations.

    « Tu as été engagé récemment? Qui s'en est occupé? »

    Nouveaux mouvements précipités. Lucien poussa un profond soupir. Si seulement il n'était pas entouré d'une bande de dégénérés, sa vie en serait peut-être facilitée. Il ne lui vint pas à l'esprit que son caractère capricieux puisse avoir une grande part de responsabilité dans l'incapacité de ses domestiques à accomplir leurs tâches avec ponctualité.

    « Tout cela est parfait, reprit-il d'une voix glaciale. Si tu ne peux, ou ne veux pas te résoudre à parler, fais au moins preuve d'efficacité et met-toi au travail. »

    Il agrippa une tasse et la colla devant l'homme en la cognant contre le bois de la table.

    « Remplis la tasse aux trois-quart, ni plus ni moins. Le thé ne doit pas être trop chaud, je déteste cela, mais il ne doit pas non plus être froid, évidemment, sinon il perdrait sa saveur. Tu ne dois pas mettre de sucres, ni de lait ou de crème, sauf si je te le demande, et seulement dans ce cas-là. Dispose la table de manière à ce que je puisse tout atteindre, les récipients doivent avoir une répartition aérée sans être trop près du bord afin qu'ils ne tombent pas, mais tente tout de même de faire quelque chose d'esthétique, c'est plus agréable. Enfin, tu ne dois plus jamais avoir autant de retard que ce matin, c'est impardonnable. Ce sont les points les plus importants pour faire parti de mon service, et il est nécessaire que tu les respectes avec un pointillisme exemplaire. Compris? »

    Il conclut en passant une main distraite entre les mèches de ses cheveux blonds.

    « Je déteste jouer les mères nourricières. » soupira-t-il une nouvelle fois.

    Il agrippa la tasse fraichement remplie par le dessus, ses doigts y dessinant une couronne. La vapeur vint lécher sa peau, formant une mince pellicule de chaleur mouillée dans le creux de sa paume et le long de ses phalanges. Puis il passa son index dans la hanse, foudroyant du regard au passage le serviteur qui se tenait toujours à la même place, les bras ballants. Il eût un geste irrité dans sa direction, sa manche ondulant autour de son bras mince.

    « Va me chercher Lelio. »

    Il but une gorgée de thé, et nota avec surprise que son interlocuteur -pour autant que quelqu'un qui n'était pas capable de décrocher un mot puisse être qualifié ainsi- l'observait avec un intérêt non dissimulé, sans bouger d'un pouce.

    « Tu m'as entendu? Dépêche-toi. »

    Sa voix dérapa sur le pronom, donnant à ses paroles une tonalité interrogative quand il aurait voulu qu'elles soient fermes. Inquiet, il sentit sa vision se troubler. Il cligna des paupières, tentant de rétablir son champ de vision qui se restreignait au fur et à mesure, de petits points noirs dansant devant lui. Dans un réflexe stupide, il voulut poser la tasse pour ne pas la casser.. Elle bascula sur le rebord. Il entendit, dans un lointain brouillard, le son de la porcelaine se brisant sur le sol. Il recula, pris de vertiges, et chercha à s'assoir sur le lit avant de tomber. Son esprit embrumé ne parvenait pas plus à formuler de pensées cohérentes. Il toucha le pied du lit, voulut s'y raccrocher. Mais il tombait déjà en arrière, inconscient.

    « Excusez-moi, serait-ce un enlèvement? »

    Lucien détailla la scène avec sérieux, s'attardant sur les faits et gestes des personnes présentes. Une moue boudeuse se peignit sur son visage lorsque l'homme qu'il reconnut comme celui qui s'était introduit chez lui se mit à parler. Visiblement, il avait abandonné son statut de muet en cours de route, constata-t-il avec rage. Si jamais il réussissait à le capturer, ce qui ne serait pas facile vu qu'il portait un masque cachant la majeure partie de son visage, il s'arrangerait pour qu'il perde vraiment sa langue, et définitivement. S'il avait pu se douter que le serviteur factice n'était pas un idiot de plus se rajoutant à son armada, il aurait fait attention à ses traits, ce qu'il n'avait, évidemment et malheureusement, pas fait dans la réalité. Et il faudrait qu'il soit détaché. La corde qui lui enserrait les poignets s'enfonçait dans sa peau d'une manière très désagréable. Il avait l'impression d'en sentir les fibres s'enfoncer jusqu'à ses os, raclant, tailladant leur surface. Il remua pour soulager son corps engourdi et un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. Il avait froid.

    « Les doubles sont déjà en place, quels sont vos ordres? »

    Il fronça les sourcils. Des doubles? Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire? Il fut brutalement interrompu dans ses réflexions par les murmures d'une gamine à côté de lui, qu'il préféra ignorer, jugeant ses propos illogiques et donc inintéressants. Il lui jeta un coup d'œil. Elle était d'aspect assez banal, certainement issue d'une classe moyenne, voire assez basse, sa robe ayant été faite à la main. Il était cependant difficile de juger, puisqu'il ne voyait plus d'elle qu'une masse de cheveux châtains depuis qu'elle était tombée toute seule en avant d'une manière pitoyable. Non loin de lui, il discernait une autre fillette, noble, qu'il connaissait vaguement pour l'avoir croisée à quelques reprises lors de fêtes officielles. Blonde et menue, c'était elle qui avait parlé la première, rompant le silence bourdonnant de la sorte de cave où ils étaient installés. Il fut déçu et vexé de voir que personne ne répondait à la question de la petite blonde, qui l'intéressait également. Il aurait apprécié savoir quelle était la cause de cette comédie. Un picotement remonta le long de son bras vers son coude, lui arrachant une grimace. En plus d'arracher la langue du malotru kidnappeur, il ferait pendre celui qui avait fait ces liens, histoire de faire bonne mesure.

    Il fit jouer ses poignets l'un contre l'autre pour desserrer les fils, espérant dans un coin de son esprit qu'ils finiraient par se briser. Sa chemise s'accrocha à une irrégularité de la pierre dans son dos, y créant un accroc qu'il sentit s'étirer sur quelques centimètres. Il cessa de bouger. Dans sa tête s'égrainèrent une série de jurons tous plus grossiers les uns que les autres. Il ne restait plus qu'à attendre la suite des événements. Il n'était pas persuadé d'avoir la patience nécessaire pour accepter de rester très longtemps dans un trou à rats, accompagnés de gens qu'il ne connaissait pas et qu'il rêvait déjà d'éliminer de la surface de la terre. Qui étaient-ils, au juste?

    Il priait pour ne pas avoir affaire aux illuminés de la résistance.

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Vidal

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Vidal
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Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} Vide
MessageSujet: Re: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptyMar 25 Jan - 0:31


    Avant d'arriver dans ces lieues si austères, Vidal s'était bien évidemment changé, afin qu'on ne se doute de sa véritable identité. Voyez-vous, cela aurait été vraiment dommage, si quelqu'un qui aurait fait attention à lui – si toutefois on eût pu faire attention à un vulgaire domestique – le reconnaissait d'un coup d'œil. Des années de plaque fichues en l'air, il s'imaginait, forcé de fuir ou carrément capturé par l'armée des princes. Triste sort que serait le sien, alors. Il imaginait déjà les sobriquets que lui lancerait le peuple, tandis que d'infâmes traîtres le mènerait à la potence, et ses oreilles n'entendre plus que le son de ses pieds foulant le sol une dernière fois. Mais nous n'y étions pas. Pas encore, du moins.

    Le blond était habillé également – si l'on peut qualifier le fait d'avoir un masque d'habiller – d'un masque différent de celui que le Prince Armand ainsi que sa cour l'avait vu revêtir, tout à l'heure. Simple, il était incrusté par quelques pierres bleues, pouvant démontrer habilement que leur hôte n'était pas un simple paysan et qu'il avait du goût. Ses habits étaient, quant à eux, beaucoup plus simples. Une simple redingote et un pantalon à la mode paysanne : il ne voulait pas se distinguer en ressemblant de trop près aux princes ; après, ses Résistants pourraient avoir des doutes sur lui-même et dire qu'il ne voulait le pouvoir, après tout. Il fallait donc qu'il fasse attention, les apparences étant importantes. Les Résistants qui avaient la charge d'amener à lui les prisonniers n'avaient pas failli à leur tâche et il avait déjà prononcé quelques mots en l'honneur de ces narcoleptiques qui commençaient tout juste à se réveiller. Il faisait un peu froid, dans ces grottes, la Résistance n'ayant pas encore eu l'occasion d'investir dans un chauffage centrale. Non, blague à part, ces prisonniers n'auraient certainement pas intérêt à faire remarqué ce détail : s'il n'avait pas l'intention de les tuer, il n'hésiterait pas à leur faire du mal s'il en était obligé. Après tout, ceci était une prise d'otage, tout de même !

    Expliquons les réelles intentions de l'apprenti cuisinier : le carnaval était une journée véritablement fascinante, n'est-ce pas ? Tout le monde pouvait prendre le rôle de l'autre et l'inverser à souhait. Même s'il y avait parmi l'un de ses otages une jeune fille qui n'était pas Lady du tout. Ce qu'il avait voulu faire, c'était inverser les rôles pendant la journée où le masque était porté. Faire bénéficier à quelques habitants du Royaume les privilèges de la Royauté pendant une petite journée. Cela pourra sans doute vous paraître stupide, voir idéaliste, trop éphémère, mais pour un paysan qui trime du matin au soir, une journée dans la peau d'un noble est un véritable paradis. Les doublures n'oublieraient pas de sitôt ce jour, et c'était pour cette raison que Vidal espérait que tout se passerait pour le mieux. Après tout, s'il arrivait du mal à une doublure, il n'hésiterait pas à faire disparaître le véritable noble, l'étique n'étant pas une question qui le chatouillait véritablement.

    Une histoire de croissants ? L'œil morne de Vidal se tourna vers la captive qui avait prononcé ces mots. Une petite blonde, pas trop désagréable à l'œil. Un sourire lui éclaira même presque le visage lorsqu'il lui demanda s'il s'agissait d'un enlèvement. Elle n'avait pas peur ? Était-ce le gros défaut de la noblesse à se sentir supérieur en tout ou tout simplement une spécificité de la gamine ? Il répondrait à cette question plus tard, mais en tout cas, il était certain que la réponse finale serait positive. Voyant William s'adresser à lui, il prononça à nouveaux quelques mots :

    « Reste ici, il n'y a jamais une personne de trop. Gros Karl est à l'entrée des grottes – il avait volontairement prononcé ce mot afin que les invités ne devinent pas qu'il s'agissait des catacombes – il nous préviendra s'il y a un pépin. »

    Il se retourna vers ses otages, les dévisageant de nouveau et essayant de trouver ceux qui ceux-ci pourraient être en train de penser en ce moment. Cette fille, Eulalie, si il se souvenait bien, était une fille du peuple. Ce n'était pas une erreur, malgré ce que l'on pourrait penser : juste l'intrus dans le lot de nobles qui pourrait faire penser que ces gens-là n'avaient pas été choisis pour leurs origines sociales. Enfin, Vidal savait que si les Princes se rendaient compte de quelques choses, le fait d'avoir enlevé Eulalie n'aurait servi à rien mais malgré tout, il aimait l'idée de semer le doute dans leurs esprits. Et puis ceci était bien plus utile que les bombardements réguliers de ce groupuscule inconnu de la Résistance ! En entendant ce que cette dernière dit, d'ailleurs, il se retint de ne pas lever la tête au sol et enlever brusquement son masque pour soudainement se consacrer à l'horticulture et aux insectes. Ses...cheveux ? Elle...était enlevé et c'est tout ce qu'elle trouvait à dire ? Vidal aurait aimé des otages gémissant et le suppliant de les libérer ! Cela, visiblement, ce n'était pas pour demain. L'otage le plus intéressant avec l'air ce noble à l'air supérieur qu'il allait devoir surveiller de plus près s'il ne voulait pas avoir de gros, gros ennuis.

    « Bonjour à vous. Vous l'avez peut-être remarqué mais vous ne vous trouvez pas dans vos appartements respectifs ! Vous nous excuserez de vous avoir attachés mais il se trouve que vous avez gagné le gros lot, pour cette journée de carnaval ! Vous devez vous demander à qui vous avez à faire, je vais, en notre nom, vous le révéler aussitôt. »

    Il s'arrêta une seconde, afin de faire un petit effet de suspens dans son discours.

    « Je suis le chef de la Résistance. Je pourrais tout à fait être un sous-larbin mais peu importe, vous n'en avez aucune preuve, de toute façon et cela m'ait bien égal. Vous êtes ici pour permettre à quelques paysans de vivre, l'espace d'une journée, vos vies. Amusant, non ? En tout cas, sachez que normalement, vous sortirez d'ici indemnes à la fin de la journée, sauf s'il arrive malencontreusement malheur à ces pauvres gens. Vous avez compris ? »

    Le tout dit sur un ton des plus monotones. Il se tourna vers Lady Aleth, un sourire aux lèvres, même si la belle enfant ne pouvait le voir :

    « Il n'y aura pas de croissants, belle demoiselle, mais je peux vous fournir des criquets. »

    Puis, il s'inclina devant Eulalie.

    « Ma pauvre enfant, vous ne pouvez pas imaginer à quel point je regrette de vous avoir fait cela. Vous comprendrez peut-être un jour que cela était nécessaire. »

    Enfin, il ne lâcha Lord Lucien des yeux et un rire s'échappa de son masque, pour aller remplir l'espace qui l'entourait. Celui-ci était le plus comique et à la fois le plus terrifiant du lot. Il s'approcha de deux pas de lui, continuant à rire.

    « De tous, tu as vraisemblablement le plus comique. Et je ne sais ce qui me retient de te torturer un peu, Lord. C'est tellement tentant, tu sais...! »
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Lady Aleth

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MessageSujet: Re: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptyMer 16 Fév - 14:43

    Un infime instant, lorsqu'elle sentit le regard de l'homme masqué s'abattre sur elle, Aleth frissonna. Il avait quelque chose... D'effrayant, quand même, non ? Mais bon, il n'y avait pas à s'inquiéter, tout allait pour le mieux ! Ce n'était qu'un jeu, rien qu'un jeu, il ne pouvait donc rien lui arriver. Mais quel était le but de cette étrange partie ? Fermant ses grands yeux bleus pour mieux réfléchir, l'adolescente tâcha d'abord d'identifier les différents personnages. Monsieur Masque était certainement le Maître du Jeu, avec son air assuré. Ensuite, le drôle de bonhomme - celui dont la voix disait vaguement quelque chose à Aleth... Mais bon, elle verrait ça plus tard. - devait être le bras droit du Maître du Jeu ou quelque chose de ce genre. Et eux, les captifs, ils étaient des pions. De simples pièces avançant sur le plateau à un rythme imposé, malheureusement. La jeune fille n'aimait pas beaucoup cette idée, mais il fallait se rendre à l'évidence : pour le moment elle n'était pas la plus forte.
    Maintenant, les règles. D'après ce qu'elle avait pu en voir, tous les coups étaient permis. On pouvait donc faire tout ce qu'on voulait, quand on le voulait ? Intéressant comme principe. Ça permettait une grande liberté... Tout au moins, lorsqu'on n'était pas attaché. Encore une fois, Aleth sentit le poids écrasant de la faiblesse sur ses épaules. C'était presque agaçant.
    Et enfin, le but. Visiblement, il y avait des personnages de niveaux très différents dans ce jeu. L'inégalité régnait. Alors peut-être qu'il fallait que la balance de la justice se remette à niveau ? Oui ! Leur devoir à eux, pions entravés, était très probablement de renverser le Maître du Jeu ! Ah, c'était tellement amusant !
    C'est au moment précis où le silence s'insinua dans la salle que la demoiselle se rendit compte qu'elle n'avait absolument rien écouté de ce que l'homme masqué avait dit. Son discours avait pourtant l'air très intéressant et elle aurait peut-être appris nombre de choses en tendant l'oreille mais... Elle avait été tellement occupée à dessiner les contours de la partie... Timidement, elle rouvrit ses paupières. Que devait-elle faire à présent ? Demander à ce que le Monsieur répète ? C'est ce qui semblait le plus approprié en effet, puisqu'elle n'avait pas entendu. Une petite voix au fond de sa tête lui chantonnait pourtant que ce n'était pas forcément l'idée du siècle. De plus en plus étrange. Peut-être rêvait-elle encore en fin de compte ? Il existait bien une histoire racontant le périple du jeune fille se croyant éveillée mais étant endormie... Cependant, vu qu'il n'y avait aucun lapin blanc vêtu d'un gilet dans la pièce, elle exclut l'hypothèse d'être encore en train de dormir. Poussant un profond soupir, la tête pleine de questions sans réponses, la petite comtesse se décida à parler.

    "Plaît-il ? Je suis navrée, j'essayais de découvrir les règles de ce jeu et je n'ai pas écouté votre tirade..."

    Elle soupira une seconde fois, désespérée, la tête lourde et les mains gelées par les dalles froides. Si elle pouvait bouger ses doigts, peut-être arriverait-elle à se réchauffer... Dans un mouvement de survie pour empêcher ses phalanges de tomber, elle commença à les plier et à les déplier. La petite demoiselle sentait la corde frotter son dos. C'était désagréable. En plus le lien glissait de ses poignets, c'était énervant. Ah. En une seconde, double révélation. Si l'épais filament pouvait tomber et dégager ses mains, elle pourrait plus facilement se relever et trouver un moyen de gagner la partie. Un des aides du Maître du Jeu avait dû sous-estimer la minuscule taille de ses poignets. Bien. Le Jeu avançait ! Ensuite, Aleth tenta tant bien que mal tourner sa tête vers l'homme masqué, égratignant son menton sur la surface dur du sol au passage, et lui adressa à nouveau la parole d'un air un peu inquiet.

    "Oh, et, heu... Vous savez, je ne voulais pas du tout du tout vous offenser en ne vous prêtant pas attention ! Je suis sûre que votre discours était très intéressant, c'est juste que je suis incapable de faire deux choses à la fois, vous voyez ?"

    Elle marqua ensuite une courte pause durant laquelle elle réfléchit un peu, avant de poursuivre.

    "Oh là là, je m'enfonce, non ? C'est affreux, je suis sincèrement désolée."

    Elle n'avait jamais été douée pour s'expliquer. Ça se voyait un peu. Finalement, ne trouvant plus de mots, elle replaça sa figure dans sa position initiale. De là, elle voyait juste la jolie chevelure du fille qu'elle ne connaissait pas et un œil qui appartenait certainement à Lucien. Ne trouvant pas d'activités assez passionnantes pour lui faire passer le temps en attendant une quelconque réponse du Monsieur, la demoiselle se remit à plier et déplier ses doigts. Au cas où.

    HRP : Voilà, Miss Aleth dans toute sa splendeur haha// vlan ! ♥


Dernière édition par Lady Aleth le Jeu 19 Mai - 17:58, édité 1 fois
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William

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MessageSujet: Re: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptyLun 21 Fév - 19:36

    Quelque chose n'allait pas. Le garçon nommé Corbeau le sentait, il le lui murmurait à l'oreille comme un souffle de vent. Il le lui faisait ressentir au plus profond de son être, aussi restait-il incroyablement tendu, tous ses sens en alerte. Il regardait partout autour de lui, méfiant, à la recherche de ce petit quelque chose qui faussait leurs calculs... Mais tout paraissait normal. Alors pourquoi cette impression ? Il resserra son emprise sur sa dague, sous sa cape, scrutant la pénombre. Vidal lui avait dit de rester, aussi resterait-il. Cependant, si quelque chose d'inattendu se produisait, il partirait seul pour régler le problème, et le chef de la Résistance le savait.

    Pendant que le blond masqué s'occupait de narguer ses victimes et de les effrayer davantage, William les dévisagea. Pour Lady Aleth comme pour Eulalie, il était simple de deviner leurs émotions, comme de lire un livre ouvert. L'incompréhension pour l'une, la terreur pour l'autre. Il lâcha un soupir inaudible en caressant la jeune servante du regard, même si on aurait plutôt dit qu'elle l'exaspérait et qu'il avait hâte qu'elle se fasse tuer... Il avait pitié d'elle. William avait pitié d'elle. Corbeau avait pitié d'elle, au fond. Ce n'était qu'une servante pour l'un, une amie pour l'autre. Elle n'avait rien à faire ici, elle aurait dû s'amuser et profiter de la fête comme tous les autres. Mais Vidal avait un plan, et William ne contrecarrait jamais les plans de son chef.

    Même lorsque celui-ci menaçait de torturer quelqu'un. L'homme aux cheveux de jais serra les dents et lui lança un regard lourd de reproches, avec une discrétion absolue, pour que seul le destinataire le remarque. Il ne l'en empêcherait pas, mais il pouvait toujours exprimer son désaccord, comme à chaque fois qu'il trouvait que la situation dérapait. À quoi bon torturer un noble ? Les princes n'en seraient que plus remontés contre eux et leurs actions se feraient plus périlleuses encore ! De plus, si les gens du peuple l'apprenaient, ils se mettraient à avoir peur d'eux... Personne ne veut s'allier à des gens qui agissent comme leurs bourreaux, ils ne sont pas dignes de confiance.

    Il fit taire d'un simple regard les rires gutturaux de certains résistants qui, ne s'attendant pas à l'intervention plutôt déplacée de lady Aleth, n'avaient pût retenir leur euphorie. Il s'approcha de la jeune enfant et déposa un genoux à terre, prenant bien gare à ne pas se trouver le visage dans la lumière pour peu qu'elle le reconnaisse et murmura d'une voix doucereuse, absolument pas le ton qu'il usait d'ordinaire avec elle :

    « Milady, si je puis me permettre, vous feriez mieux de vous taire... C'est la règle du JEU, vous saisissez ? »

    Puis, aussi silencieux qu'une ombre, il s'éloigna pour se positionner aux côtés de Vidal. Il eût à peine le temps de se remettre de son intervention qu'il entendit un bruit en provenance d'une des branches des catacombes. Il tendit l'oreille en s'approchant. Une odeur reconnaissable entre mille emplie ses narines. L'odeur du sang. Il laissa le gros Karl pénétrer dans la salle, à bout de souffle, et celui-ci se dirigea directement vers Vidal en se tenant le flanc, un liquide pourpre coulant le long de sa jambe. Sa voix faible parvint à murmurer quelques bribes de phrases à l'attention de son chef mais, en se concentrant sur le mouvement de ses lèvres, William parvint à déchiffrer :

    « Un garde... À l'entrée... M'y attendais pas, suis désolé... Réussi à le semer dans les galeries mais... Pas tarder à arriver... »

    Son sang ne fit qu'un tour. Un regard entendu, et il s'engouffra dans le labyrinthe des catacombes. Le trouver. Le faire tourner en rond. L'empêcher de trouver la planque. Un étrange sourire fit son apparition sur son visage d'ordinaire figé. La situation devenait intéressante...



[HRP : J'espère que ça va, sinon je modifierai ^^" (même si j'ai la fleeeeeemm//VLAN !!)]
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Lord Lucien

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Lord Lucien
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Âge du personnage : 25 ans



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Profession ou titre: Comte
Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} Vide
MessageSujet: Re: Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue}   Avez-vous déjà vu un poisson masqué ? {Intrigue} EmptyJeu 19 Mai - 10:13

    Lucien espérait encore que toute cette mascarade n'était qu'une énorme farce perpétrée par un de ses amis désireux de se fendre la poire à ses dépens. Là où l'affaire se compliquait, c'est qu'il avait très peu d'amis (les mauvaises langues disaient qu'il n'en avait pas du tout, mais c'était des mauvaises langues, bien entendu. Ce n'était pas parce qu'il passait son temps à croiser verbalement les armes avec tout un chacun qu'il n'était pas capable d'avoir des liens affectifs, pour qui le prenait-on?), que de plus, il avait très peu d'amis qui auraient été capables de monter une arnaque aussi tordu, et enfin, que les gens qui l'entouraient -ou qui le dominaient de toute leur hauteur plus exactement, mais pour formuler la phrase ainsi il aurait fallu qu'il mette l'ensemble de son encombrante fierté de côté- ne faisaient pas mine de les détacher, ni même d'envisager sérieusement cette éventualité. Son moral subit une brusque descente en entendant mentionner des grottes (comment osait-on le mener dans un endroit aussi sordide?) et en connut une deuxième en s'entendant confirmer ce dont il se doutait déjà : la résistance avait encore frappé. Malheureusement celle-ci n'avait pas daigné le laisser mariner dans sa petite vie douillette incluant le gite et le couvert luxueux, et surtout en dehors de ces magouilles d'assassins pseudo-idéalistes qui se permettaient de troubler l'ordre bien réglé qui régnait ici-bas.

    Cet homme parlait beaucoup trop. Évidemment qu'ils avaient remarqué qu'ils n'étaient pas chez eux, stupide et indélicat personnage! Ou alors il avait un drôle de chez-lui, voire un chez-lui franchement détestable. Qui aurait voulu vivre dans un cagibi empestant la boue et le rat crevé, humide comme si on s'amusait à renverser de l'eau sur le sol toutes les heures et sordide tel un bouge rempli de brigands? Quoique pour ce dernier point, cela pouvait s'arranger. Les résistants pouvaient très bien jouer le rôle des brigands, malgré les paroles prétendument rassurantes sortant de la bouche de l'individu. Qu'est-ce qui leur garantissait de rentrer sains et saufs chez eux? Une promesse en l'air comme celle-ci (agrémenté d'un « normalement » qui semblait anodin mais ne devait pas l'être du tout) n'était pas assez précise pour servir de garantie. Lucien grinça des dents. « S'il ne leur arrivait rien », la belle affaire. Cette condition défiait la logique. Coincés ici, comment auraient-ils pu être responsables de ce que faisaient les autres à l'extérieur? Ces gens étaient-ils dépourvus de toute logique? Il scruta avec plus d'attention l'enveloppe du masque qui lui ôtait le plaisir d'observer les expressions passant sur le visage de cet homme qui se permettait de l'emprisonner, lui, noble de haut rang, et de le mettre à la merci de vermisseaux qui ne méritaient même pas le privilège de laver ses vêtements. Il était en colère. Il était furieux contre lui-même, surtout, de ne pas avoir mis dehors ce foutu empoisonneur qui avait pris le rôle d'un domestique, dès qu'il s'était aperçu qu'il ne le connaissait pas. Il s'en voulait de s'être cru intouchable et ne pas avoir plus réfléchi. Alors pour pallier à ces sentiments désagréables qui se retournaient un peu trop contre lui-même à son goût, il entreprit de déverser sa haine sur le visage anonyme qui le surplombait de toute sa hauteur. Si seulement il parvenait à se relever. Peut-être qu'ainsi, son orgueil reprendrait un peu de poil de la bête (puisque pour le moment, du côté de son amour-propre, le bilan n'était pas très brillant).
    Il soupira. Que lui importait que cet homme soit le chef de la résistance ou non, pourvu qu'on le fasse sortir d'ici au plus vite. Après tout, la politique du Royaume ne l'intéressait nullement, hormis pour médire sur ses contemporains. Ou plutôt non, s'il pouvait voir son visage, il pourrait lui faire payer son insolence de la manière la plus délectable possible. Bien qu'il n'aimât pas le contact des Princes, les gardes seraient fort contents de se mettre sous la dent un de ces résistants qui semblaient proliférer au fur et à mesure qu'ils abattaient les suspects sans la moindre marque de scrupule. Aussi sûrement que les sauterelles de la Bible, ceux-ci paraissaient se multiplier encore et toujours malgré la répression qui les privaient d'un certain nombre de compatriotes, sacrifiés sur l'autel d'une justice royale toute subjective. Lucien s'en fichait. Ils pouvaient bien faire ce qui leur chantait à partir du moment où ils ne venaient pas troubler sa tranquillité. Or, l'enlever sans aucune forme de procès pour l'enfermer dans un semblant de cave (ou de grotte, mais peu importait, dans les deux cas c'était sale et indigne de lui) faisait parti de la seconde catégorie, celle des gens qui lui tapaient sur les nerfs et qu'il devait éliminer au plus vite. Il ne trouvait pas cela amusant du tout, ce concept d'échange des vies. Qu'est-ce que cela apporterait à ces paysans de se payer une vie de luxe qu'il ne méritaient pas pendant une seule journée? Cela ne servirait qu'à leur faire miroiter quelque chose qu'ils ne pourraient jamais atteindre. Il y aurait toujours des forts pour les spolier, même s'ils parvenaient à faire tomber la tyrannie qui régnait sur le Royaume. Alors il ne voyait pas l'intérêt d'offrir à ces gens une journée qui ne serait jamais renouvelée. Il ricana. C'était bien des idées de tordus.

    Il suivit des yeux l'orateur lorsque celui-ci se rapprocha de lui, riant. Le bruit emplissait la salle, se répercutait sous le plafond, donnant l'impression de partir de tous les côtés à la fois. Formant une deuxième prison autour de leur petit groupe. Lucien ne broncha pas.

    « De tous, tu as vraisemblablement le plus comique. Et je ne sais ce qui me retient de te torturer un peu, Lord. C'est tellement tentant, tu sais...! »

    Il faillit s'étouffer d'indignation. On torturait les espions et les criminels. Lui n'avait rien à voir avec ce genre d'individus méprisables. Quelle honte ce serait d'être traité comme la dernière des charognes. Cependant, il ne laissa rien paraître, et douloureusement, parce qu'il n'en avait vraiment aucune envie, il laissa se former sur ses lèvres un sourire moqueur. Comme s'il allait se laisser impressionner par cet espèce de guignol endimanché. S'il parvenait à lui remettre la main dessus lorsqu'il serait sort d'ici, il lui ferait regretter d'être né. Il ferait de sa vie un enfer pour avoir osé le trainer dans cet endroit et le ridiculiser ainsi. On ne traitait pas de cette manière le fils issu d'une multitude de générations marquées d'un sang aristocratique. Il tiendrait sa vengeance, et ce jour-là, ce serait lui qui se permettrait de rire devant ce misérable hurluberlu.
    Il hésita entre opposer à cette tirade un silence méprisant, l'insulter de tous les noms ou lui balancer une remarque sarcastique. Les trois options étaient tentantes. Malheureusement, avant qu'il n'ait pu sortir une réponse satisfaisante de ses réflexions luxuriantes, il se fit devancer par la demoiselle Aleth, qui manifestement se plaisait à être dans la lune (voire plus loin, peut-être quelque part entre la constellation du lion et l'étoile du berger) les trois quarts de la journée et ce, même quand elle se trouvait dans une situation si inhabituelle. Le moins que l'on puisse dire était qu'elle faisait preuve de sang-froid, contrairement à l'autre fillette qui avait l'air tellement terrorisée qu'elle pleurnichait sans interruptions depuis tout à l'heure. Lucien soupira une nouvelle fois. S'il avait un jour compté s'échapper d'ici par ses propres moyens (qui étaient déjà assez pauvres à la base), il n'aurait vraisemblablement pas pu compter sur une aide quelconque de la part de ses deux compagnes d'infortune, autant à l'ouest l'une que l'autre, quoique pas dans le même genre.

    Il se demandait quelle heure il était. Depuis combien de temps étaient-ils enfermés ici, parmi une si... charmante société? Il n'y avait pas de lumière. Quoiqu'il n'avait jamais su se repérer à la lumière du soleil, de toute façon. Il avait besoin de sa montre pour savoir l'heure qu'il était. C'était malheureux de se rendre compte qu'il n'avait aucune notion du temps. Il se demanda si on accepterait de lui donner ses repères et gloussa à cette idée. Sa question paraitrait certainement aussi décalée que les remarques que ses compatriotes alignaient depuis tout à l'heure -même s'il pouvait difficilement leur faire concurrence au niveau de leur absurdité. Et ce froid qui se faisait de plus en plus persistant. Personne ici ne connaissait l''existence des couvertures? Appartenaient-ils à un monde si peu développé qu'ils n'avaient pas conscience de la température? Il était également possible qu'ils le fassent exprès. S'il mourait de froid, il espérait que sa famille se souviendrait un peu de l'existence de l'honneur familial et se débrouillerait pour le venger. Il l'aurait fait si l'un de ses cousins, oncles ou autre était mort dans ces circonstances. Pour ne pas ternir leur nom. Une petite vendetta à l'italienne pour sauver la réputation de la famille n'avait jamais été une honte -ne pas le faire aurait été par contre un grave manquement au code tacite qui sévissait depuis des siècles dans les familles de la haute. Que ce soit par les règlements de compte par l'entremise de professionnels ou des duels directs, ce genre de processus avait toujours existé, bien que les gouvernements aient tenté de les réfréner à maints reprises (cela avait tendance à déclencher une réaction en chaine qui décimait parfois des branches familiales entières sans que personne ne bouge le petit doigt pour arrêter le massacre) Alors même si Lucien n'était pas sûr de cautionner ce genre de carnage, cela lui aurait fait mal de mourir de la main de ces pouilleux sans que le crime ne soit puni. Pour une fois, il mettrait son désir de civilisation de côté pour leur souhaiter une mort lente et douloureuse si jamais ils osaient le toucher de leurs doigts crasseux.

    Et soudain se passa l'événement le plus intéressant, au milieu de cet étrange ballet auquel il assistait depuis le début de la journée. Un homme entra en titubant dans la pièce en se tenant le flanc, semblant assez mal en point. Lucien se trémoussa pour tenter d'avancer sans se faire repérer, histoire de saisir quelques bribes de leur échange, en vain. Il avait juste l'air d'un poisson. Du moins était-ce l'impression qu'il en avait. Il arrêta aussitôt. Si le ridicule ne tuait pas, les moqueries qui en résultaient seraient peut-être moins charitables. Heureusement, le groupe était davantage absorbée par le nouvel arrivant que par les péripéties auxquelles il se livrait. Il esquissa cependant une moue déçue. S'il avait pu saisir une quelconque nouvelle mettant ses assaillants en difficulté, cela l'aurait empli de joie. Mais apparemment, le Seigneur en avait décidé autrement. Le faux serviteur sortit de la salle tandis que l'homme qui venait d'entrer prenait sa place. Que s'était-il passé? De mauvaises nouvelles pour eux, espérait-il. Oh non, ce serait tellement bête que leur petite magouille soit avortée si tôt. Réconforté par cette perspective dont il ignorait pourtant la véracité, le comte entreprit de se redresser pour retrouver une position un peu plus digne, c'est-à-dire autre qu'assis par terre comme un malpropre. Difficilement, en s'appuyant contre le mur et en retombant durement sur les fesses à deux ou trois reprises (son amour-propre avait mal. Très mal), il parvint à se mettre debout. Il était dommage que ses mains soient toujours attachées, cela lui aurait rajouté un tant soit peu de prestige.

    « Rencontreriez-vous des problèmes, monsieur le chef de la résistance? Il semblerait que la... torture ne soit plus vraiment d'actualité. Allons-nous être relâchés plus tôt que prévu? »

    Bizarrement, le « comique » de tout à l'heure lui restait légèrement au fond de la gorge. On se demandait bien pourquoi.


[Voilà voilà, comme d'habitude s'il y a des choses qui ne vont pas dites-le-moi par MP genre et je modifie ._.
(Style pour Karl je savais pas trop si onle voyait ou non et ce qu'on en voyait et bref, voilà, on s'en fout de ma vie *sblarf*)]
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