Une réception avait été organisée dans l'ancienne salle du château. Pour l'occasion, les républicains avaient redécoré l'endroit avec leurs couleurs, un orchestre jouait les airs qu'ils s'étaient appropriés et il n'était pas rare de voir des figures connues de la République se promener ci et là, un verre de champagne dans la main.

C'était une manière comme une autre d’asseoir son pouvoir. De dire aux Nobles qui étaient désormais là et tiraient les ficelles du Royaume, pendant qu'eux restaient oisifs, quelques part sur un échiquier, bouc émissaire pour le peuple.

Car Cyrus avait bien des ambitions pour les nobles, pensait-il tandis qu'il se plaisait à tapoter une table en bois, de toute évidence bien plus ancienne que ses parents ou que les parents de ses parents. Il avait d'autres soucis en tête en ce moment, alors les nobles attendraient. Discrètement, il glissa un mot à un collègue de l'Assemblée, lui demandant si le « gamin » avait parlé. Au sourire que l'on put lire sur son visage, la réponse était sûrement « oui », et celle-ci était hautement satisfaisante pour le président de l'Assemblée.

Les invités de cette petite fête avaient connu cette salle comme le marqueur du pouvoir de l'ancien roi, puis des princes. Tous avaient sans doute en tête qu'à leur actuel, le plus royaliste des royalistes, Armand, était toujours enfermé dans un cachot ici bas. Peu savaient que Vidal en avait changé la localisation, une poignée seulement étaient au courant de sa récente évasion et la gardait secrète en attendant d'avoir toutes les preuves concernant les responsables de cette fameuse affaire.

Un petit sourire aux lèvres, Cyrus s'éloigna de son homme de main pour se rapprocher de la noblesse, ou précisément de cet homme blond, assez grand et toujours en compagnie de son garde du corps personnel. Une envie de jouer, au même moment où il leur tendit un plateau pour qu'ils se servent en petits fours, le prit. Il ne put réprimer un léger sourire, et, derrière son dos, sa main gauche s'agita de manière compulsive, comme s'il essaya de tapoter une table invisible avec ses doigts.

Excitation.

« Bonjour, Citoyen Lucien. », dit-il.

Il n'y avait rien de plus jouissif que de destituer les nobles de leurs privilèges. Il ne savait pas si Lucien lui avait déjà parlé, mais en tout cas, lui le connaissait bien, comme il connaissait la majorité des nobles de ce trop petit royaume.

« Je n'ai pas eu l'honneur que d'être présenté à votre jeune collègue, il me semble... »

Il fit une légère révérence.

« Cyrus, enchanté. Que pensez-vous donc de cette petite fête ? »

Autrefois, Theophil s'était parfois imaginé franchir les portes du château d'un air conquérant. Il était réintégré à la garde royale, promu au rang de Capitaine, ou même de Major. Le prince et la princesse se tenaient côte à côte sur leur estrade, dans la grande salle de réception. Les jours où il était de bonne humeur, Theo se représentait le peuple en liesse, de la musique et des victuailles pour tout le monde.
Mais le plus souvent, dans ses fantasmes, il voyait la garde républicaine à genoux, et les membres de l'Assemblée mis en joug par les royalistes. Il les rêvait soumis, tremblants et humiliés, comme l'avaient été les soldats de la garde royale plusieurs mois auparavant. Il se remémorait l'odeur aigre de la peur et celle, cuivrée, du sang, et il s'imaginait les Républicains baignant dans cette atmosphère poisseuse à leur tour.
Mais Theophil n'était pas d'un naturel naïf, aussi, ses rêveries ne duraient jamais bien longtemps.
Aujourd'hui, il franchissait bel et bel les portes du château à nouveau, mais il était loin d'arborer un sourire triomphant. Il avait la mâchoire crispée, et le regard sombre. Morose, il pénétra dans la salle de réception à la suite de Lucien.
Le banquet, la musique et les réjouissances étaient bien là. Mais simplement pas aux bonnes couleurs.

« Rappelle moi pourquoi nous sommes là ? » grommela Theophil tout bas, à l'adresse de Lucien.

C'était une question rhétorique. Il le savait très bien.
Il était de bon ton de s'afficher publiquement aux côtés des vainqueurs. De prétendre appartenir au même camp, et de faire oublier d'éventuels soupçons pouvant planer au dessus de leur tête. Et depuis que Lucien avait appris au sujet des « escapades nocturnes » de Theo, il n'y allait pas de main morte pour les disculper de toute suspicion possible. D'ailleurs, le noble se ferait certainement un plaisir de lui rappeler que c'était de sa faute s'ils devaient subir toute cette mascarade – parce que tout était toujours de sa faute, comme d'habitude. Finalement, Theophil n'aurait même pas dû poser la question, même par envie de râler : c'était tendre le bâton pour se faire battre. Remarquez, ça aussi c'était comme d'habitude, auprès de Lucien.

Theophil observa que le Comte n'était pas le seul noble dans la salle. Évidemment. La noblesse marchait sur des œufs, ces temps-ci ; les titres et l'argent ne permettaient pas d'éviter l’échafaud. Nombreux étaient les nobles à se prétendre en faveur du nouveau régime – les plus zélés s'étaient même présentés à l'Assemblée – et ceux qui se proclamaient haut et fort contre la République étaient très rares. Ou juste fous.

Ils n'étaient pas entrés depuis cinq minutes qu'un inconnu s'approcha d'eux, un plateau à la main. Bel homme, et débordant de confiance en lui. Sa démarche et son sourire avaient tout pour charmer les foules – un homme de pouvoir, pensa immédiatement Theophil. Il les reconnaissait d'un seul coup d’œil, à présent. Instinctivement, il se tendit.

« Bonjour, Citoyen Lucien. »

A ces mots, les lèvres de Theo tressautèrent, retenant de leur mieux le sourire qui se dessinait sur elles. Nul doute que Lucien apprécierait l'appellation.
Mais déjà, l'homme se tournait vers lui, à son grand étonnement, attendant qu'on lui présente Theophil.
C'était bien là la marque des républicains : autrefois, aux réceptions organisées par la monarchie ou la noblesse, on distinguait les invités de ceux qui étaient présent pour travailler : les soldats, les domestiques, les musiciens... Jamais on aurait demandé à Theophil son identité. Il se fondait dans la masse des oubliés, et cela était loin de le déranger. Mais l'un des premiers fondements de la République était que tous les hommes étaient égaux entre eux. Theophil était un invité au même titre que Lucien.
Il se sentit soudainement exposé aux yeux du monde, comme si un faisceau de lumière le mettait en évidence au beau milieu de l'obscurité.
Theo inclina légèrement la tête, attendant que Lucien fasse les présentations.

« Cyrus, enchanté. Que pensez-vous donc de cette petite fête ? »

Cyrus. Le président de l'Assemblée.
Theo se crispa.
En une demi-seconde, ses rêves de vengeance revinrent caresser ses pensées, aiguiser sa fierté émoussée. Il repensa à l'humiliation cuisante, aux cris hargneux de ses ennemis, « A genoux ! », aux coups, aux balles perdues, aux soldats tués au hasard, aux cachots sales, à l'amertume qu'il avait ressentie. Il connaissait le visage d'un des principaux coupables, désormais ; il pouvait... Il pouvait...
La voix de Lucien se disputa aux souvenirs, sèche : « Dis-moi, combien de temps tiendras-tu ta promesse ? »
Il ne pouvait rien. Il ne ferait rien. Il avait juré qu'il ne retournerait plus se battre, et il s'y tiendrait.
Theophil s'obligea à prendre une inspiration discrète, avant de répondre poliment :

« Très réussie. »

[Pardon pardon je sais que c'était pas encore mon tour de répondre mais j'avais trop enviiiie/sblarf]

• Lucien, la mort dans l’âme, promena son regard sur ce qui avait été, autrefois, une pièce de prestige de la famille royale. Pas qu’il les ait jamais vraiment portés dans son cœur, non, mais il avait toujours troué normal qu’il existe, au-dessus du commun, des gens nés pour les diriger et occuper la place de pouvoir qui leur était due. Sans être un véhément défenseur de la monarchie, il l’avait toujours considérée comme allant de soi. Lui-même méritait sa place par sa naissance. L’ordre était établi par-delà la volonté des hommes. Non par une quelconque essence divine, non, il n’avait jamais été religieux non plus (que ce soit dans n’importe quel domaine, il était évident qu’il manquait cruellement de foi), mais l’organisation était nécessaire pour que l’ordre règne. Il pinça les lèvres en considérant autour de lui les tentures aux couleurs de la République, les morceaux familiers transformés par une nouvelle idéologie et, pire que tout : le mélange de roturiers et de noblesse qui évoluaient, ensemble, dans le même espace.
  
  Cela avait toujours été plus ou moins le cas, mais alors, tous n’étaient pas sur le même plan. Les personnes comme Lucien occupaient le devant de la scène. Les autres les servaient en toile de fond, cantonnés aux rôles qui leur étaient échus.
  
  Ils étaient là depuis quelques minutes à peine quand un homme s’avança vers eux pour leur adresser la parole. Lucien s’efforça de faire bonne figure. Après tout, il venait dans un but précis : se rapprocher des membres de l’Assemblée pour espérer en faire partie, et protéger ce qui restait de son patrimoine en ruines – et de ses proches abrutis, également. Si Theophil était moins idiot, ils n’en seraient probablement pas là. Il ne devait surtout pas oublier de le lui rappeler régulièrement.
  
  Il faillit s’étouffer au nom de Citoyen – les bonnes manières tombaient en désuétude aussi, visiblement – résista à l’envie de donner un violent coup de coude à Theophil qu’il entendait presque ricaner dans son dos, et étira ses lèvres en un sourire qui lui sembla presque douloureux. Il espéra qu’il avait davantage l’air d’une personne bien attentionnée envers le régime que de quelqu’un qui vient d’avaler sa propre bile.
  
  Il faillit s’étouffer une deuxième fois en entendant le nom de celui qui venait de les alpaguer. Le président. Rien de moins. Il ignorait s’il devait se trouver chanceux ou terrifié de se retrouver directement en face d’une telle pointure, et il espéra que Theophil saurait tenir sa langue. Il n’avait pas prévu de mourir ce soir.
  
  Il détailla le nouveau venu avec davantage d’attention. Séduisant, l’œil vif. Un vrai serpent, discret et dangereux.
  
  Dire qu’il allait devoir convaincre un tel homme qu’il s’était découvert un instinct patriotique hors du commun pour la nouvelle république. Cela ne pouvait être qu’une vaste plaisanterie. Cyrus ne serait jamais dupe, mais il n’avait pas le choix que d’essayer.
  
  « Je dois avouer que je suis impressionné, tout comme le citoyen Theophil ici présent. »
  
  Il se tourna légèrement vers celui-ci pour le présenter avec un vague mouvement de main, qu’il espérait à la fois poli et élégant.
  
  « Cette pièce est aussi méconnaissable que fastueuse. Une belle manière de fêter la réussite de la République. En tant que président de l’Assemblée, vous devez être fier.»
  
  Il supposait en revanche que mentionner les monceaux de cadavres qui s’accumulaient au fil des jours serait terriblement malvenu.

Le sourire de Cyrus s'accentua. Il y avait quelque chose de véritablement plaisant que de piquer les nerfs d'un homme. De deux, c'était mieux encore.

Il était fort étonnant de voir un noble devenir un fier citoyen de la république, raison de plus pour que Cyrus le surveille plus encore. Et encore plus ce jeune homme à ses côtés, il avait dans ses yeux la fougue de la jeunesse et Cyrus savait bien que celle-ci pouvait pousser un homme à commettre les actes les plus dangereux.

Le chef de l'assemblée posa son plateau sur une table à côté, ayant bien évidemment besoin de tous ses membres pour réfléchir – et plus encore, pour tapoter la première surface venue, faisant claquer ses doigts dessus. C'était un son apaisant pour lui, si stressant pour les autres.

« Theophil, donc... », répéta-t-il après Lucien, comme pour que le prénom s'imprime dans sa mémoire. Il s'en souviendrait, en effet, tout comme il observait le corps de celui-ci, et sa stature presque sans manque. Intéressant, pensa-t-il, il mettait le doigt sur quelque chose, sans savoir exactement quoi.

« En effet, il était important de présenter ce château comme un endroit accessible désormais. Voir une ruine de loin n'évoquerait que la monarchie, et un endroit auquel nous n'avons même pas accès, il est désormais accessible et dans un futur proche, j'ai pour ambition d'en faire un orphelinat. Il possède en effet suffisamment de chambres pour subvenir aux besoins des pauvres du royaume. »

Sur ces bonnes paroles, Cyrus s'enquit d'un pieux sourire : il était désormais sûr qu'une fois l'extrême onction appliquée, son âme s'envolerait directement au paradis. Oh, Cyrus savait que ses actions pouvaient porter à confusion d'un point de vue éthique, mais il était allié aux juges et aux petites gens. Si mal il l'était, il le ferait pour la bonne cause.

Pour un bien commun.

L'évasion d'Armand venait compromettre ce plan, celui qui ferait du château un nouveau lieu de piété. Le nouvel orphelinat aurait permis une nouvelle vague de procès, avec elle, celui d'Armand, tout avait été manigancé pour cela. Tout comme Louis, Armand aurait fini par perdre la tête et maintenant...

La fureur se lut un instant dans ses yeux, mais de toute façon, ce n'était que partie remise.

« Quel métier exercez-vous avant, Citoyen Theophil ? Oh...Lucien... », vas-y, ne l'appelle même plus citoyen ni rien, rabaisse-le plus bas que Theophil encore. « J'aurais besoin d'échanger quelques petits mots en privé dès que possible. »

Son sourire ne laissait transparaître rien de bon, si ce n'était qu'il soupçonnait également Lucien d'être mêlé à la trahison de Vidal et donc à l'évasion du Prince. Foutu royaliste.

Theophil s'efforçait de rester impassible. Pourquoi cela lui semblait-il si difficile ? Peut-être à cause des trop nombreux enjeux de cette soirée – il avait la sensation affreuse d'être au cœur d'un nid de vipères prêtes à se ruer sur lui au premier faux pas.
Ou peut-être était-ce tout simplement à cause de l'entêtant tapotement des ongles de Cyrus sur la table près d'eux. Theophil ne pouvait s'empêcher de loucher sur la danse incessante de ses doigts sur la surface – bon Dieu si seulement il voulait bien arrêter ce manège...

« Theophil, donc... » répéta Cyrus, et cette voix le glaça.

Theo quitta des yeux ces foutus doigts qui couraient sur la table. Cyrus le dévisageait sans aucune gêne. Il était sûr que son nom, ainsi que sa tête, étaient dorénavant gravés dans la mémoire du Président de l'Assemblée. Putain.
Il s'efforça encore une fois d'avoir l'air indifférent, mais il avait l'impression que les yeux Cyrus fouillaient à la recherche du moindre indice suspect.
Le soldat n'aimait pas ce regard. Il lui rappelait celui d'un homme dans le monastère où il s'était échoué quelques années : pour les enfants, les confessions avaient lieu à visage découvert, et le prêtre en profitait pour plonger impitoyablement son regard dans celui des gamins, qui en venaient à chercher désespérément des méfaits à avouer – qui en inventaient même parfois, sous l'effet d'un tel regard de jugement.
Il était certain que Cyrus dévisageait toujours les autres de cette manière. De façon à ce que n'importe qui ait l'impression d'avoir des choses à se reprocher. De façon à pousser un homme nerveux à commettre des erreurs.
Theophil retint son souffle durant toute l'inspection de Cyrus, avec l'horrible sensation que le mot « coupable » était inscrit sur son front – puis il se gifla mentalement. Il était soldat, bon sang ! Ce n'était pas un républicain qui allait lui faire perdre son sang froid. A vrai dire, le seul homme capable d'une telle prouesse était Lucien. Et il doutait fortement que Cyrus soit capable de l'égaler dans ce domaine.
Étrangement, cette pensée acheva de le calmer. Il soutint le regard de Cyrus froidement.

Ce dernier se mit alors en devoir d'exposer les projets qu'il avait pour le château. Un orphelinat ? Sans déconner ? Si Theophil avait été dans son camp, il aurait applaudi le culot de ce type. Pourquoi pas un hospice pour petits chiots aveugles et estropiés ?
Bon. Peut-être était-il de mauvaise foi. Peut-être que Cyrus avait réellement à cœur le bien-être de ces pauvres gosses des rues. Et après tout, que l'établissement soit créé par des républicains ou des royalistes, quelle importance pour ces mômes ? Du moment qu'on s'occupait d'eux. Peut-être Theophil voyait-il réellement le mal partout...
Cyrus eut un sourire angélique. Theo revint aussitôt à sa première impression – ouais, non, vraiment, il le sentait pas ce type. Trop bon pour être honnête.
« Peut-être qu'il y aurait moins d'orphelins si tu n'envoyais pas leurs parents à l'échafaud. » pensa Theo tout en arborant un sourire feint, lui aussi.

Le cœur de Theophil s'accéléra imperceptiblement à la question de Cyrus. Il doutait que l'interrogation à propos de son passé relève de la simple curiosité.
Devait-il mentir au sujet de son appartenance à la garde royale ? Non, c'était trop risqué, même si une grande partie des archives de la caserne avait brûlé. De plus, il avait toujours fait un piètre menteur, lui.
Et pourquoi Cyrus voulait-il parler seul à seul avec Lucien ? L'idée l'inquiétait – pour ne pas dire qu'elle lui déplaisait carrément. Tout en se fustigeant mentalement pour son impulsivité, il ne put s'empêcher d'intervenir :

« Je crains que ce ne soit pas possible. Là où va Lucien, je vais. »

Putain, il en manquait jamais une pour se faire remarquer, sérieux !
(En plus, il avait oublié le « citoyen ». Oh, Lucien allait le tuer...)
Avec un sourire entendu, mais le cœur battant à tout rompre, il poursuivit :

« Je me doute bien qu'il ne coure aucun danger en aussi bonne compagnie – simplement, je suis payé pour cette tâche et je tiens à accomplir correctement mon métier. Voyez-vous, je crains déjà chaque jour de me faire mettre à la porte si le Citoyen Lucien venait à s'apercevoir que je ne lui suis plus aussi utile qu'au temps de la Monarchie. » plaisanta-t-il.

Mais oui, car la République était tellement plus sûre pour ses honnêtes citoyens, par rapport aux jours sombres de la tyrannie des Princes... Quelle ironie. Surtout quand on savait que Lucien l'avait embauché suite à des déconvenues avec des Résistants.

« A vrai dire, le citoyen Lucien ne se sentait pas en sécurité, sous le régime des Princes. C'est pourquoi il m'a recruté comme garde du corps, parmi les soldats royaux, il y a un an environ. »

Soit bien avant la Révolution, sous-entendait-il. On ne pouvait pas l'accuser d'avoir retourné sa veste à la dernière minute, comme beaucoup de soldats devenus gardes républicains pour sauver leur tête.  

Theophil détestait parler autant. Il n'avait jamais aimé s'exposer. Le devant de la scène, c'était pour les beaux parleurs comme Lucien et Cyrus.

Vu comme cela, Cyrus pouvait paraître hostile au monde.

Oh, il ne l'était pas, loin de là. Cyrus n'avait jamais été hostile au monde, et si c'était le cas, il conservait ses sombres pensées au fin fond de sa tête. Pour le commun des mortels, il était un leader, sûrement bien aimé, la solution pour vivre après une monarchie incestueuse. Il avait nettoyé les rues, le crime avait baissé et il avait même plutôt une bonne réputation.

Ceux qui étaient ses ennemis, en revanche, pouvaient sentir leurs viscères se nouer et leurs membres trembler. Si il était (plus ou moins) fidèle avec ses amis, personne n'avait intérêt à être son ennemi et le peuple savait qu'ils avaient besoin d'un dirigeant fort, pas corruptible, qui allait les protéger des royalistes et éventuellement des royaumes d'à côté.

Lucien n'était pas l'ami de Cyrus. La première fois qu'il avait entendu parler du noble, c'était lors de cet enlèvement mené par l'ancien chef de la résistance, Vidal. Aussi sourit-il en apprenant qu'il avait recruté un garde du corps en la présence de ce Theophil...C'était cocasse, et il comprenait pourquoi Lucien avait besoin de lui.

« Aucun doute que vous ne soyez utile, Citoyen Theophil. Vous pourrez l'accompagner...je ne pense pas qu'il ait été trop marqué par le règne des Princes, mais par son enlèvement par la résistance ?...Mh, un peu, probablement. »

Le petit sourire qui accompagna cette phrase était franchement agaçant, c'était tout juste s'il ne l'accompagna pas d'un léger rire. Mais non, Cyrus redevint impassible et leur montra la nouvelle direction du bras, comme s'il allait bientôt les mettre dans la confidence.

Son visage ne trahissait pas un désir particulier de les tuer, il semblait même plutôt confiant, comme s'il était heureux de faire de ces deux hommes des alliés. C'était comme s'il réussissait enfin à faire bouger une pièce de son échiquier et intérieurement, il en tirait une grande joie.

« Ne vous en faites pas, je ne vais pas vous manger. », dit-il à Lucien d'une voix qui semblait tout à fait rassurante, mais qui ne l'était pas du tout. Il accompagna cette phrase d'un mouvement familier, léger tapotement sur l'épaule du noble, alors qu'ils n'avaient jamais été proches.

L'air parfaitement naturel, Cyrus partit en avant, les guidant jusqu'aux coulisses du banquet, lesquelles étaient bien plus tranquilles que le reste du salon. On voyait juste passer ci et là des employés de maison, bien occupés à amener des victuailles pour les invités. Tous étaient payés, bien entendu, et traités avec bonté. Leurs pas s'éloignèrent petit à petit de ce salon pour monter certains escaliers que Lucien devait bien connaître. Rapidement, ils se rapprochèrent de cette chambre où Armand avait été retenu captif pendant de longs mois et, arrivant au pas de la porte, le chef de l'assemblée se plut à observer les visages de ses « invités » pour scruter s'il y avait, ou non, un indice quant à leur collaboration prétendue avec Vidal.

Sans doute pas, ils ne semblaient pas vraiment savoir pourquoi on les menait jusqu'ici.

Cyrus glissa une clé et la fit tourner dans la serrure. Alors que le mécanisme fit un bruit et que la porte s'ouvrit, ils entrèrent dans une chambre ressemblant trait pour trait à celle du Prince, dans l'autre aile. Cyrus s'adossa sur un mur, souriant.

« Il y a quelques mois, l'ancien chef de la résistance, Vidal, s'est pris de pitié pour le plus âgé des Princes et lui a accordé le droit de résider dans cette chambre. Alors que chacun le pensait croupir dans un cachot, il était retenu ici, dans le luxe. », il se déplaça et toucha quelques étoffes de vêtements, sur le lit. La plupart avaient été vendues pour le bien de la république, la chambre était donc bien plus vide qu'à l'ordinaire.

« Armand était donc bien ici, mais il y a quelques jours, les gardes ont trouvé un autre garçon dans cette chambre. Après quelques questions... », il insista sur ce mot en particulier, laissant entendre qu'ils n'y étaient pas allé de main morte, « ...ce jeune homme a admis qu'il avait été engagé par un homme blond avec une cicatrice sur le visage. Ce qui nous amène à la conclusion que Vidal est un traître. »

Il eut un petit sourire, comme si annoncer ce simple fait aux oreilles des mortels n'était pas si étrange en soit. Comme si Vidal était suspecté de collaboration avec l'ennemi depuis bien longtemps déjà.

« ...Vous devez vous demander pourquoi je vous parle de tout cela, je pense...Et bien je me disais que, Lucien...Vous pourriez gagner votre place à l'Assemblée en me rapportant ces deux hommes. Ou un des deux au moins, mort ou vif. C'est votre chance ! »

« Aucun doute que vous ne soyez utile, Citoyen Theophil. Vous pourrez l'accompagner...je ne pense pas qu'il ait été trop marqué par le règne des Princes, mais par son enlèvement par la résistance ?...Mh, un peu, probablement. »

Oh, le fils de foin de fumier !
Un son dédaigneux se coinça dans la gorge de Theophil, mélange d'un ricanement moqueur et d'une exclamation scandalisée face à la provocation à peine voilée de Cyrus. Si jamais ils avaient encore des incertitudes jusque là, à cet instant il n'y avait plus aucun doute à avoir : ce petit bâtard les avait définitivement grillés. Pire, il se permettait de leur faire comprendre ouvertement qu'il lisait clairement dans leur jeu. Qu'il les suspectait franchement de n'être pas aussi « impliqués dans la cause républicaine » qu'ils voulaient bien le faire croire. Theophil s'était imaginé une discussion certainement plus hypocrite que celle-ci. Les paroles de Cyrus était le premier coup franc qu'il leur portait ; Theo avait maintenant hâte qu'ils frappent à leur tour. Il avait toujours préféré les champs de bataille aux salons de thé.
Mais il fallait croire que Cyrus n'avait pas encore fini de jouer. Le sourire agaçant sur son visage se dissipa et il leur indiqua une direction à prendre.

« Ne vous en faites pas, je ne vais pas vous manger. » d'une voix qui semblait affirmer tout le contraire, et se permettant de tapoter l'épaule de Lucien avec familiarité.

Cela énerva Theophil plus qu'il ne l'aurait cru.
Alors que Cyrus s'éloignait en les invitant à le suivre, Theo attrapa le bras de Lucien. Les yeux gris du soldat transperçaient littéralement le dos de Cyrus. Sans le lâcher du regard, il passa devant Lucien pour suivre le républicain en premier.
Il faisait juste son boulot de garde du corps, tenta-t-il de se convaincre – mais il pouvait presque entendre ses dents grincer. Vraiment, ce type l'horripilait.

Theophil avait supposé que Cyrus voulait les conduire dans un quelconque salon, où il pourrait bavarder plus tranquillement avec Lucien et s'amuser à les menacer plus ou moins franchement – mais visiblement il se trompait. Cyrus leur fit prendre les escaliers, et ils s'enfoncèrent dans les couloirs déserts et poussiéreux du château. Où les conduisait-il ?

La sensation d'inquiétude qui l'habitait s'accrut lorsque le Président de l'Assemblée les fit entrer dans une chambre.
Une chambre royale.
Les sourcils froncés, Theo détailla les lieux du regard pendant que Cyrus leur confirmait à qui appartenait cette chambre – jusqu'à peu de temps encore. Avec un malaise grandissant, il écouta l'histoire d'un homme, qui avait été le chef de la Résistance, et qui avait permis à un Prince, son plus grand ennemi, de fuir. Comme ça, sans aucune explication.

« Ce qui nous amène à la conclusion que Vidal est un traître. » acheva-t-il avec un sourire.

Les pensées de Theophil s'agitaient furieusement tandis qu'il essayait d'intégrer ces informations.
Il fixait Cyrus, interloqué.

« Ça n'a pas de sens. » souffla-t-il, pour lui-même. Pourquoi cette évasion? Cyrus poursuivit :

« ...Vous devez vous demander pourquoi je vous parle de tout cela, je pense... Et bien je me disais que, Lucien...Vous pourriez gagner votre place à l'Assemblée en me rapportant ces deux hommes. Ou un des deux au moins, mort ou vif. C'est votre chance ! »

Les yeux de Theo s'écarquillèrent un instant.
Oh... L'enfoiré rusé. Ça, c'était un sacré coup.
Le soldat se tourna aussitôt vers Lucien, priant presque pour que le noble leur trouve un échappatoire à cette situation. Parce qu'ils étaient vraiment, vraiment, dans la merde.
Déjà, cela confirmait que Cyrus avait effectivement compris le souhait de Lucien de rentrer à l'Assemblée. Malin.
Mais cela ne s'arrêtait pas là : s'ils capturaient Armand ou Vidal, ils offriraient à Cyrus exactement ce qu'il souhaitait. Et s'ils ne les attrapaient pas, eh bien ! ils auraient à s'inquiéter du sort que le Président de l'Assemblée pourrait leur réserver.

En bref, Cyrus venait de leur lier les mains.

• Lucien comprenait avec de plus en plus d’acuité au cours de cette soirée pourquoi il ne s’était jamais mêlé de politique auparavant. Tout dans la situation présente le crispait au plus haut point. Première raison, mais non des moindres, cette manière qu’avait eu Cyrus de sous-entendre sans aucune gêne qu’il était au courant de cette sombre affaire d’enlèvement de la résistance qui avait eu lieu quelques temps plus tôt – comme si ce souvenir n’était pas déjà assez désagréable en soi. Si leur couverture, à lui et Theophil, n’était pas bien convaincante, il fallait croire qu’elle était destinée à être d’autant plus ébranlée. Par la dernière personne qu’il aurait souhaité pour endosser ce rôle. Impossible à présent de faire décemment croire que, de noble privilégié, de plus comptant une déplorable mésaventure avec des résistants, il était devenu un fervent défenseur du régime actuel. Il espéra que Cyrus était de ceux qui n’avaient cure des opinions de leurs semblables à partir du moment où il pouvait en tirer partie. C’était leur seule chance de s’en sortir. Il regretta amèrement de s’être jeté volontairement dans la gueule du loup, mais il n’était plus en son pouvoir d’en décider autrement à présent.
  
  Deuxième raison. Il essaya d’empêcher son corps de se raidir au contact de Cyrus contre son épaule, se contrôlant pour éviter de se dégager de l’étreinte malvenue. Il esquissa un rictus, luttant pour ne pas se montrer désagréable, certain qu’une parole jugée un tantinet insolente serait tout sauf une aide. Mais s’il avait écouté ses instincts primaires, nul doute qu’une canne aurait finie plantée dans un endroit relativement douloureux de l’anatomie masculine.
  
  Si seulement il avait pu concevoir que tout irait de mal en pis dans cette soirée qui avait pourtant commencé de manière fort peu glorieuse.
  
  Suivant Cyrus, ils débouchèrent dans une chambre qui avait dû être imposante, mais se révélait bien vide depuis les réaménagements que semblait décidé à faire le nouveau régime. Lucien jaugea la pièce avec une moue désapprobatrice. Voilà donc ce que faisaient les basses classes avec l’art de vivre. Ils le réduisaient à néant.
  
  Il fut cependant bien vite tiré de ses observations par les explications du président de l’assemblée, qu’il écouta avec une appréhension grandissante. Pourquoi leur racontait-il des faits qui, probablement, étaient restés secrets hormis pour une poignée d’initiés ? Cela ne sentait pas bon du tout. Pendant que le dirigeant parlait, il trépignait mentalement, devant se contrôler pour ne pas le presser et savoir plus rapidement à quelle sauce ils allaient être mangés.
  
  Quand il le sut, ce fut une explosion. Il regarda droit devant lui, refusant de croiser le regard de Theophil, qui devait probablement être aussi catastrophé que lui.
  
  Il avait pensé pouvoir tirer son épingle du jeu. C’était en oublier qu’il jouait au milieu de fins renards de la politique, qui avaient retourné tout un régime et formé un nouveau gouvernement. Quel idiot. Il avala péniblement sa salive, ne laissant rien paraître de l’affolement qui l’envahissait, en même temps que la rage d’être tenu en échec par une personne qu’il jugeait profondément inférieure à lui. Il fit en sorte de se reprendre rapidement.
  
  Quel défi injuste. Quel petit bâtard de fils de bouseux.
  
  Il esquissa un sourire mielleux, comme si leur conversation n’était qu’une négociation anodine.
  
  « Que voilà une proposition aussi alléchante qu’inattendue. »
  
  Autant que dangereuse. Ses débuts en politique se révélaient beaucoup trop palpitants à son goût.
  
  « Néanmoins, ne disposant pas des ressources d’un gouvernement à son apogée, puis-je supposer que découvrir l’endroit où ils se terrent suffirait à placer notre relation sous de bons auspices ? »
  
  Si au moins il pouvait éviter d’aller se colleter en personne avec un prince en fuite et un résistant en mal de popularité, ce ne serait pas du luxe.

Cyrus était satisfait.

Non.

Dire que Cyrus était satisfait ne suffirait pas pour décrire ce qu'il ressentait précisément à ce moment.

Le président de l'assemblée ressentait une joie presque malsaine qui avait sans doute comme équivalent pour certains amateurs de chasse que de coincer un petit animal dans un coin duquel il ne pourrait s'enfuir.

C'était presque comme si le sourire qu'il avait revêtu ne pouvait se défaire, comme si ses lèvres remontaient tant et bien qu'elles lui cachaient presque la vue.

Cyrus se craqua un doigt de satisfaction, puis soupira de bonheur.

« Je vois. », répondit-il à Lucien (citoyen Lucien, pardon) comme s'il comptait réfléchir intensément à cette question.

Et non, sans spoiler, il ne le comptait pas car la réponse était déjà toute trouvée dans son esprit. Lucien l'emmerdait à tenter de négocier de part et d'autres, il se retint de lui dire que s'il était né dans des draps de soie et n'était pas capable de se bouger pour chercher deux incapables dans la ville, il ferait bien appel à des personnes plus motivées que lui.

Mais non, même si son sourire parut momentanément forcé, Cyrus ne dit rien, comme si la diplomatie l'empêchait de s'exprimer. Il avait beau détester foncièrement la noblesse, il lui fallait bien admettre qu'elle disposait de fonds assez conséquents, parfois assez bien cachés surtout quand la tête de leur propriétaire était séparée de leur corps.

« Vous êtes surpris, j'en suis sûr. », affirma-t-il sans leur donner la possibilité de dire si oui ou non ils l'étaient.

Enfin, à la réaction du citoyen Theophil, c'était bien le cas, et Cyrus raya ainsi définitivement la probabilité comme quoi ces deux-là puissent être impliqués dans cette évasion discrète.

« C'est fabuleux, je trouve, Lucien. Je vous propose une place à l'assemblée, un honneur. Cela va de paire avec de potentiels moyens pour capturer nos hommes et vous tenter de négocier. Négocier, vous rendez-vous compte. Alors, bien sûr, si vous trouvez l'endroit et qu'il est gardé, vous bénéficierez de l'aide de la milice et aurez mérité votre place, mais je ne veux pas vous voir faire votre travail à moitié. Prenez exemple sur Theophil, voyez. »

Il posa sa main, cette fois-ci, sur l'épaule de l'ancien soldat. Un martyr qui avait été confondu avec les gens de la noblesse et probablement enfermé dans les cachots. Une grave erreur qu'ils ne pourraient sans doute jamais effacer et qui resterait dans les cœurs pour des générations à venir.

« Citoyen Theophil, vous me ferez les rapports, je vous nomme chef de cette expédition. Attention cependant, Vidal est un homme dangereux et on ne sait guère combien d'alliés il garde de ses petites escapades au sein de la résistance. Avez-vous des questions ? »

Il regarda Lucien, puis Theophil à tour de rôle, s'éloignant légèrement des deux comme pour plus les englober de son regard.

Ils les retrouveraient.

Leurs cas serviraient d'exemple.

« Prenez exemple sur Theophil, voyez. »

Theophil se crispa imperceptiblement, tandis que Cyrus posait sa main sur son épaule d’un air bienveillant et que son estomac se nouait.

Theo avait déjà vu ce genre de choses, dans l’armée. Il avait toujours redouté que ça tombe sur lui. Nul doute que s’ils avaient été dans la garde (royale comme républicaine), il se serait immédiatement attiré les foudres du reste de la bande. Il avait déjà observé le phénomène : un haut-gradé repérait un troufion un peu zélé parmi les nouveaux : il le félicitait devant ses camarades, une main sur l’épaule d’un air tout paternel, et soulignant la médiocrité des autres soldats par rapport à lui. Le troufion, tout fier, ne voyait jamais rien venir : il n’entendait naïvement que les encouragements du capitaine, sans comprendre que ce dernier venait de lui attribuer une nouvelle étiquette.
Celle de souffre-douleur.

Heureusement, il n’était qu’avec Lucien, avec qui il se disputait déjà suffisamment souvent pour savoir comment s’y prendre si jamais le noble décidait de lui en vouloir – même s’il espérait bien que Lucien comprendrait qu’il n’avait rien demandé. Mal à l’aise, réprimant l’envie de danser d’un pied sur l’autre, il esquissa un sourire à l’intention de Cyrus. Certainement rien de très convainquant, malheureusement. Il n’était pas aussi doué que les deux autres pour se composer un masque.

Cyrus essayait-il de les liguer l’un contre l’autre ? Voulait-il juste rabaisser ou provoquer Lucien ?
Theo ignorait comment interpréter le sourire de requin de Cyrus. Peut-être était-ce juste la profonde satisfaction qu’il ressentait à l’idée de les avoir coincés tous les deux, en leur confiant la recherche des fugitifs.

La panique manqua d’envahir Theo lorsque le Président de l’Assemblée le nomma « chef de l’expédition ». Parce qu’en plus il devrait faire des rapports à Cyrus ? Et ce serait à lui de les faire ? Il jeta un bref regard affolé à Lucien, avant de se ressaisir lorsque Cyrus lui demanda s’il avait des questions. Ce n’était pas le moment de perdre son sang-froid. Pas maintenant que Cyrus leur avait confirmé que Lucien gagnerait sa place à l'Assemblée s’ils retrouvaient Vidal et Armand. Il fallait se montrer efficace.

Il réfléchit un instant, réactivant de vieux automatismes du temps où il était dans la garde. Après tout, il avait déjà été plusieurs fois chargé de traquer des résistants.

« J’imagine que vous avez déjà commencé à faire des recherches de votre côté. Pourriez-vous nous indiquer les lieux qui ont déjà été fouillés ? Et auriez-vous une liste de familles royalistes partisanes susceptibles d’aider les fugitifs ? »

Il ressentit toute l'étrangeté de la situation en s'exprimant : il était en train d'aider ses ennemis (anciens ennemis) à attraper quelqu'un qui n'aurait plus dû être un ennemi, mais l'était néanmoins.
Cependant, Theophil n’était jamais parvenu à débusquer Vidal, à l’époque. Réussirait-il aujourd’hui ?