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 I help you hate me ♪ [PV Lucien]

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Theophil

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Theophil
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MessageSujet: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyDim 19 Avr - 19:47

    Il faisait nuit noire, et il pleuvait à verse ce soir là.
    Le rugissement du fleuve et le martèlement des gouttes sur les pavés étaient assourdissants. La pluie n'améliorait en rien la visibilité. Cela revenait à se promener dans l'obscurité, du crêpe devant les yeux.
    Et pourtant, malgré le tumulte, malgré la noirceur de la nuit, quand le coup de feu partit, une explosion de lumière déchira les ténèbres et couvrit le vacarme de la pluie l'espace d'une seconde.
    Theophil ressentit une vive brûlure à l'épaule. Il laissa échapper un cri rauque et trébucha, glissant sur les dalles détrempées. Son propre pistolet lui échappa et tomba, quelque part sur les quais ruisselants. Où était-il ?
    Le deuxième coup retentit dans la nuit. Il eut tout juste le temps de se baisser, les mains sur la tête dans un ridicule geste de protection dérisoire. Mais l'éclair de lumière provoqué par le coup de feu lui avait permis de repérer son arme, qui étincela brièvement dans l'obscurité, quelques pas à sa gauche. Il se jeta dessus. Alors qu'il tendait la main pour l'attraper, une botte surgit des ténèbres pour se poser brutalement sur le pistolet, écrasant ses doigts au passage.
    Son adversaire avait été plus rapide.
    Le républicain lui envoya un coup de pied dans le ventre, le faisant tomber en arrière avant qu'il ne puisse entreprendre le moindre geste. Il n'eut même pas le temps d'essayer de se relever.

    - A genoux ! cria son ennemi, assez fort pour couvrir la pluie.

    Lentement, Theophil s’exécuta. Son adversaire avait tiré les deux coups de son pistolet, mais qu'importe désormais, puisqu'il avait récupéré celui de Theophil. Il la pointait sur lui.

    - Mains sur la tête.

    Les deux hommes étaient aussi essoufflés l'un que l'autre. Voilà plus d'une heure que la bataille durait. A présent, tous les signes montraient à Theo qu'elle allait prendre fin d'ici quelques minutes. Pourtant, il n'arrivait toujours pas à le réaliser. Dans sa tête, il n'avait jamais été question qu'il ne puisse pas rentrer chez lui. Il avait une formation de soldat, pourtant, il aurait dû être préparé à toute possibilité. Mais on n'est jamais assez préparé à l'éventualité de sa mort.

    - Normalement, les chefs apprécient qu'on ramène vivant les enfoirés dans ton genre, cracha l'homme. Mais t'as tué mon coéquipier.

    Theo sentit le métal glacé du canon de sa propre arme se poser contre son crâne.

    - Donc j'ai aucune raison de t'épargner. De toute façon, la Terre se portera mieux avec un rebelle de moins.

    C'est à ce moment-là que Theophil réalisa qu'il allait mourir. Cela lui fit la même impression que lorsqu'il manquait une marche, dans un rêve – sauf que cette fois, il ne se réveillerait pas en sursaut.
    A son grand étonnement, un visage se dessina dans son esprit. Il aurait dû laisser... une note, un message, quelque chose. Il songea que c'était ridicule de penser ça. Et encore plus d'y penser trop tard.
    Le républicain arma le pistolet dans un déclic.
    Jamais son cœur n'avait battu si vite. Pourtant, à cet instant précis, il lui sembla qu'il s'arrêtait soudainement. Que tout s'arrêtait.
    L'homme appuya sur la détente.
    La balle ne partit pas.
    L'arme était restée trop longtemps sous la pluie. La poudre était mouillée. Ininflammable. Inutilisable.
    Theohil le comprit une fraction de seconde avant son adversaire. Il arracha son couteau de sa ceinture et le planta dans le buste de l'homme, sans prendre le temps de se relever.
    Dans l'obscurité, sous cette pluie battante, on avait peine à distinguer le combat acharné des deux hommes. Ils roulaient au sol et se débattaient désespérément et pourtant, la pluie semblait toujours plus furieuse qu'eux. Un cri retentit, si bref qu'il ne suffit pas à rompre la monotonie de la pluie battante.

    Quand Theophil retrouva ses esprits, il était à genoux à côté d'un corps mort. Il haletait, et le sang rugissait dans ses tempes – à moins que ce ne fusse toujours le fleuve en contrebas. Son épaule le lançait douloureusement. Il était trempé. Il était épuisé.
    Il était vivant.
    « La Terre se portera mieux avec un rebelle de moins. » Il songea que c'était une phrase qu'il aurait pu lui-même prononcer, à cet instant. Theo eut une envie absurde de rire : à peine un an plus tôt, c'était lui qui chassait les rebelles. Depuis quand était-il devenu celui qui perturbait l'ordre, celui qu'on haïssait publiquement ?
    Les vainqueurs écrivent l'Histoire. Ce sont également eux qui désignent qui sera l'Ennemi du peuple aux yeux de la postérité.
    Cet inconnu qu'il venait de tuer était comme une version antérieure de lui-même. Il aurait pu être lui.
    Il fallait qu'il se relève ; une nouvelle patrouille ne tarderait pas à arriver. Il se hissa péniblement sur ses pieds. Il savait ce qu'il avait à faire. Il dressa une liste méthodique.
    D'abord, ramasser son couteau, l'essuyer sur le manteau du cadavre et le ranger à sa ceinture. Récupérer son pistolet, le glisser dans son fourreau. Rassembler les effets éparpillés de l'homme – son pistolet, son chapeau qu'il avait perdu dans sa chute, la dague qu'il avait essayé d'utiliser pour se défendre. Traîner l'inconnu et ses affaires jusqu'au fleuve. Les eaux tumultueuses s'occuperaient du reste.

    Le soulagement l'envahit quand il arriva enfin chez le Comte. Il grelottait, tous ses muscles étaient douloureux, et il ne sentait plus ses doigts ni ses pieds. Le froid et l'humidité raidissaient encore davantage ses mouvements. Mais malgré son état lamentable, il avait réussi à éviter toutes les patrouilles. La pluie avait enfin cessé, et il régnait dans les jardins du noble une sorte de calme apaisant, après tout ce tumulte.
    Pour autant, il était loin d'en avoir fini.
    Sur le seuil de la porte de derrière, qui menait à l'escalier de service des domestiques, il ôta ses bottes. Ce n'était pas pour les laisser traîner là, comme des preuves évidentes de sa sortie dehors, mais pour les porter à la main et éviter de laisser une traînée de boue jusqu'à sa chambre – ceci dit, vu comme il était trempé... Il lâcha un soupir et essora comme il put ses vêtements.
    Le manoir était tel qu'il l'avait laissé avant son départ : calme, endormi. Il monta les escaliers, évitant les marches qui grinçaient dangereusement. Il esquiva de la même façon les planches traîtresses du parquet dans le couloir. Il était devenu un professionnel de la fugue.
    Il était revenu depuis deux mois chez Lucien. Parfois, il s'étonnait d'y être encore. Puis il chassait cette pensée et se replongeait dans leur agréable et tumultueuse routine. Nulle doute que si Lucien apprenait son escapade, cela n'apaiserait pas vraiment leur relation.
    Mais ce n'était pas le moment d'y penser. Bientôt, il pourrait laisser cette nuit douloureuse derrière lui ; bientôt, il pourrait se reposer. Il s'accrocha à cette pensée, et se remit à énumérer les différentes étapes qu'il lui restait à accomplir.
    D'abord, mettre ses bottes, sa veste et sa chemise à sécher sur le garde-feu, devant la cheminée. Se laver les mains dans la bassine. Ôter la poudre et le sang incrustés. Vérifier la blessure de son épaule. Heureusement, la balle ne s'était pas logée dans sa chair, elle l'avait seulement éraflée ; mais il faudrait sans doute recoudre. Il frissonna, pas seulement à cause du froid. Il ne pouvait pas aller chez Heather, il savait sa maison surveillée. Theo devrait faire ça lui-même. Il se raccrocha au souvenir d'une bouteille d'alcool dans son placard : il pourrait désinfecter la plaie, et boire quelques verres avant de s'y mettre. Pour s'anesthésier. Ou plutôt, pour se donner le courage.
    Ensuite, il faudrait qu'il nettoie et range son matériel, afin que personne ne découvre qu'il l'avait utilisé dans la nuit. Puis il pourrait se laver. Et enfin, il aurait fini...
    Il était arrivé à sa chambre. Il ouvrit doucement la porte et entra.
    Il eut l'impression qu'une pierre lui tombait sur l'estomac.
    Assis sur son lit, à la lumière du feu dans l'âtre et des chandelles, Lucien l'attendait. Theophil lâcha ses bottes brusquement, déglutit difficilement. Le silence s'étira. Tout ce qu'il trouva à dire fut :

    - Oh. Bonsoir, Lucien.

    Il referma la porte derrière lui et, d'une démarche un peu mécanique, se dirigea vers le placard.
    Tant pis pour sa liste. Il ouvrit la porte du placard, sortit la bouteille de vodka, but directement au goulot une gorgée brûlante. Puis une deuxième, puis une troisième.
    Pour se donner du courage.

    - J'ai... J'ai plusieurs choses à faire encore, si tu permets, dit-il en évitant soigneusement le regard de Lucien.

    Et ensuite quoi ? Il n'osait même pas penser à cette seconde bataille qu'il devait désormais affronter.
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Lord Lucien

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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyMer 22 Avr - 16:19

    La journée avait été plutôt calme, se dit Lucien en tapotant une pile de papiers pour former une pile correcte. Il les posa sur un côté de son bureau, en même temps qu’un bruit discret retentissait au-dehors. Cela eut pour effet de lui faire tourner la tête et perdre la vision de son bras, lequel alla frapper le pot d’encre ouvert. Celui-ci se répandit sur le plateau du meuble. Lucien marmonna un juron. C’était une habitude qu’il tendait à prendre depuis quelques temps, signe que Theophil, avec ses manières désolantes, commençait à déteindre sur lui. Sans quitter des yeux le désastre qu’il venait de provoquer, il appela Lelio, lequel se présenta aussitôt à sa porte comme s’il possédait un sixième sens lui permettant de deviner quand son maître allait avoir besoin de lui.

    « Je m’en occupe », affirma-t-il avant même que Lucien n’ait ouvert la bouche pour lui intimer quoi faire.

    Le majordome allait faire demi-tour quand Lucien l’arrêta d’une main levée. La capacité qu’avait le jeune homme à devancer ses désirs était stupéfiante. Même lorsque ceux-ci ne paraissaient pas évidents, Lelio avait une tendance presque mystique à lire dans ses pensées et agir en conséquence. Il se trompait rarement. Aujourd’hui non plus, il n’avait pas failli. Cependant, Lucien avait une demande supplémentaire, dont il s’empressa de lui faire part.

    « Tu me ramèneras Theophil en même temps. », dit-il en se relevant, plus pour éviter de tâcher ses vêtements que par réel souci d’entamer une autre tâche.

    Lelio se contenta de hocher la tête et partit s’acquitter de sa mission. En temps normal, il parlait peu, ce qui était fort appréciable. Les seuls moments où il alignait plus de trois mots hors des formules de politesse exigées par sa profession, c’était lorsqu’il se permettait quelques remontrances à son maître -rarement bienvenues, il allait sans dire, mais jamais sanctionnées. Lelio le savait et s’il ne se privait pas de laisser entendre ses opinions, il n’abusait jamais de son statut.

    Contrairement à Theophil, qui ruait dans les brancards à la moindre contrariété. Lucien attrapa un ouvrage qui traînait sur une desserte près de la fenêtre et le feuilleta sans en lire un traître mot. Le garde était revenu dans sa demeure depuis deux mois, et leur relation était demeurée étrangement stable – aussi stable que pouvait l’être une relation entre eux, en tous cas. Ils se voyaient régulièrement, quand l’un ou l’autre en ressentait l’envie, saisissant les occasions qui se présentaient à eux. Quelques nuits, dans un couloir désert, au détour d’une porte, toute occasion était bonne à prendre, et ils ne s’en étaient pas privés. Et malgré leurs fréquents accrochages -qui, eux, restaient immuables- leur relation s’était faite, sinon plus apaisée, du moins légèrement moins houleuse. En tous cas, Lucien en avait l’impression. Et cela commençait à l’inquiéter. Il avait fait revenir Theophil dans l’idée de consommer son attirance pour lui, et celle-ci était toujours vivace. Deux mois, c’était long. Il aurait pensé qu’avec un individu comme son partenaire actuel, tout se serait terminé depuis belle lurette. Il n’en était rien. Et cela lui laissait l’impression désagréable d’un manque de contrôle croissant de sa part.

    Il fut interrompu dans ses réflexions par le retour de Lelio qui ramenait le nécessaire pour réparer ses maladresses -seul. Il fronça les sourcils. Lelio resta muet quelques instants.

    « Je ne l’ai pas trouvé.
    - Qu’entends-tu exactement par là ?
    - Il n’est ni dans sa chambre, ni à aucun des endroits où il serait susceptible de se trouver. Personne ne l’a vu depuis plusieurs heures. »
    Lelio marqua une pause.

    « Je vous présente toutes mes excuses pour mon incompétence. »

    Il balaya les excuses de son majordome d’un revers de main. La nuit était tombée depuis longtemps déjà. Où avait bien pu passer ce crétin ?

    Quoi que cela puisse signifier, il avait un mauvais pressentiment.

    Mauvais pressentiment qui ne cessait de grandir au fur et à mesure que le temps passait. S’il était tard au moment où Lelio lui avait annoncé la disparition de Theophil, il n’osait à présent imaginer l’heure. Où que puisse être celui-ci, son escapade n’était pas anodine. La pluie, qui tombait drue depuis le crépuscule, s’était apaisée. Il le voyait au travers de la fenêtre de la chambre de Theophil, où il avait choisi de guetter le retour du garde.

    Durant son attente, Lucien avait eu tout le loisir de le maudire de toutes les manières possibles et imaginables, et il n’était pas sûr de savoir s’il priait pour que le jeune homme se soit attiré les pires ennuis possibles -histoire de le punir de ses initiatives malvenues- ou pour qu’il rentre sans s’être fait arracher la tête, ou les yeux, ou toute autre partie du corps nécessaire à une vie épanouie. Il en était à ce stade de réflexion quand la porte s’ouvrit pour laisser la place à un Theophil visiblement épuisé, mal en point, et indéniablement trempé – Lucien décida qu’à défaut d’une punition exemplaire, le voir dégouliner d’eau était une saine vengeance. Il le toisa d’un regard désapprobateur tandis que le silence s’éternisait. Les paroles ne furent cependant pas bien reçues. Lucien croisa ses doigts pour ne pas étrangler le jeune homme. « plusieurs choses à faire encore » ? Comme tous les faire exécuter, peut-être ? Il mourait d’envie de lui rentrer ses mots dans la gorge, et pas de manière figurée.

    Il embrassa du regard la scène, les bottes jetées par terre, la bouteille de vodka que Theophil avait entrepris de vider de quelques gorgées. Au moins, cet imbécile était toujours en une seule pièce. Ce qui n’entama pas sa fureur pour autant.

    « N’as-tu donc rien dans la tête ? »

    Sa voix était froide, tranchante. Il aurait pu l’utiliser l’ironie pour remettre Theophil à sa place, comme il en avait l’habitude, mais il ne s’en sentait pas le courage. L’andouille avait de la chance de ne pas s’être fait prendre. Si cela était arrivé, qui sait ce qui aurait pu se passer ? Ils ne seraient sans doute plus là pour s’en soucier. Il doutait que les Républicains fassent dans la dentelle. En témoignent les exécutions dont les nouvelles leur parvenaient à intervalles réguliers.

    Une autre question le glaçait. Depuis combien de temps ?

    « Tu as trente secondes pour me fournir tous les tenants et aboutissants de tes escapades. Et à ta place, je m’arrangerais fortement pour ne rien omettre. »

    Il fallait qu’il évalue l’ampleur des dégâts. La dernière chose dont il avait besoin était d’une descente de la garde sous son propre toit.

    Il n’avait probablement pas été aussi furieux depuis des décennies.
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Theophil

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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyMer 22 Avr - 23:53

    « N’as-tu donc rien dans la tête ? »

    Le ton glacial du Comte confirma ce que Theophil redoutait : Lucien était furieux. Et le pire était qu'il avait raison de l'être.
    Jusqu'à présent, toutes leurs querelles avaient toujours reposé sur une seule chose : la certitude, pour chacun des deux hommes, d'être celui qui avait raison. Lucien trouvait un motif pour s'énerver contre Theophil, qui se révoltait car pour lui, c'était le noble qui était en tort.
    Or, pour la première fois de sa vie, Theo ne pouvait aller à l'encontre de la colère de Lucien. Celui-ci était dans son bon droit. Et c'était une sensation étrange, et complètement nouvelle, pour Theo.
    Non pas qu'il n'avait pas l'habitude des sermons. Il avait eu droit à son lot de remontrances, surtout dans la garde royale, mais ce n'était jamais pour des choses graves. Sécher l'entraînement, fanfaronner auprès d'un gradé, piquer une ration supplémentaire de nourriture ou de tabac à la caserne... Il n'avait pas été le premier à le faire, ni le dernier, et il acceptait la réprimande avec plus ou moins de culpabilité.
    Peut-être que si Lucien l'avait pris la main dans le sac, un autre jour que celui-là, Theophil aurait répliqué avec bravade que ses actions étaient justes, que la seule coupable était la République, qu'il avait raison et que le reste du monde, y compris Lucien s'il se mettait en travers de sa route, avait tort. Mais Lucien l'avait pris sur le fait ce soir-là, pas un autre, et c'était le soir où Theophil avait manqué de très peu de mourir.
    C'était le genre d'expérience qui faisait réfléchir.
    Si Theophil s'était fait tuer, combien de temps aurait-il fallu à la garde républicaine pour découvrir son identité, et remonter jusqu'au manoir du noble ? Jusqu'à présent, il n'avait pas cru mettre quiconque en danger, car il n'avait jamais vraiment cru en sa vulnérabilité.
    Theophil était fautif, et le courroux de Lucien, légitime.

    « Tu as trente secondes pour me fournir tous les tenants et aboutissants de tes escapades. Et à ta place, je m’arrangerais fortement pour ne rien omettre. »

    La culpabilité laissa place à une bouffée de panique. En trouvant Lucien dans sa chambre, il s'était attendu à de la colère pure, à de longues remontrances – pas à devoir fournir des explications.

    « Il ne vaut mieux pas que tu saches, souffla-t-il. On n'est pas coupable, quand on ne sait rien. »

    Sa douleur à l'épaule le lança, se rappelant à elle, lorsqu'il posa la bouteille d'alcool sur la commode non loin de lui.
    Theophil avait toujours pensé que si les républicains remontaient jusqu'à la demeure de Lucien, personne ne pourrait être arrêté, puisque personne n'aurait eu vent de ses activités répréhensibles. Il se disait qu'on ne pourrait accuser qui que ce soit d'avoir été son complice. Au fond, il se doutait que la nouvelle République ne s'embêtait pas à enquêter pour vérifier ce genre de chose... Mais Theophil ne voulait pas tenter le Diable. Être au courant d'un acte rebelle, c'était suffisant pour être en danger.
    Il savait toutefois que ce n'était pas la réponse que voulait entendre Lucien, aussi ajouta-t-il aussitôt :

    « Mais sache que la maison n'est pas surveillée. On ne m'a pas suivi. Personne ne peut remonter jusqu'ici. Personne ne suspecte quoique ce soit. »

    Cela n'aurait peut-être pas été le cas s'il s'était fait tuer ce soir, mais ça, il n'était pas obligé de le préciser à Lucien. Celui-ci devait déjà s'en douter, de toute façon.
    Theophil avait énoncé ces certitudes – les seules que Lucien devait connaître – tout en ôtant sa veste, puis sa chemise. Il sentait sa blessure palpiter de façon inquiétante. Il était temps qu'il s'en occupe, même si, visiblement, il devrait s’accommoder de la présence Lucien pour ça.
    Il n'alla pas mettre ses vêtements à sécher devant la cheminée, comme il l'avait prévu à la base – il fallait passer près de Lucien, pour faire ça, et même s'il ne voulait pas se l'avouer, il n'osait pas approcher le noble à cet instant. L'aura de fureur qu'il dégageait était encore trop palpable. Aussi laissa-t-il les habits au sol, tout simplement. De toute façon, il faudrait sans doute qu'il s'en débarrasse – il n'y avait pas que son sang, dessus.
    Theophil se lava les mains dans la bassine, posée sur sa commode. L'eau se teinta aussitôt d'une couleur douteuse. Il prit le temps d'ôter toute trace de poudre, toute saleté incrustée dans les sillons de ses paumes. Pendant ce temps-là, il était dos au Comte, dont il sentait le regard acéré. Même lorsqu'il eut fini d'essuyer soigneusement ses mains, il resta encore un instant dos à lui.
    Lucien n'avait que deux ans de plus que lui. Il n'y avait jamais réellement prêté attention. Pourtant, à cet instant, jamais leur écart d'âge ne lui sembla si grand : il se sentait très jeune, il se sentait vulnérable, et pire que tout, il se sentait stupide. Incapable de supporter plus longtemps le regard incisif de Lucien dans son dos, il se retourna pour l'affronter :

    « Je n'irai plus, affirma-t-il, et les souvenirs de son escapade lui serrèrent la gorge. Ce soir, c'était la dernière fois. »

    Lucien lui répondrait sûrement que ça lui faisait une belle jambe et que ça ne réglait pas le problème, à ses yeux, mais Theophil tenait à le lui dire.
    Il se retourna, s'obligea à se concentrer de nouveau sur des choses simples, sur les tâches concrètes qu'il devait accomplir. Dans le petit miroir, posé près de la bassine d'eau, il observa la plaie noire qu'il portait à l'épaule. Il essaya de se dire que la blessure était moins grave qu'il ne l'imaginait. Il sortit un linge d'un tiroir de la commode, reprit la bouteille de vodka pour l'imbiber, et le porta à son épaule.
    Si Theo avait été seul, nulle doute qu'il aurait lâché un chapelet de jurons ; mais il sentait toujours le regard de Lucien sur lui. Aussi se retint-il comme il put en se mordant l'intérieur des joues.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyDim 26 Avr - 17:15

    Theophil se moquait-il de lui ? En plus d’être un idiot, de quel droit refusait-il de répondre à une question directe et légitime ? Lucien aurait eu des milliers de réponses sarcastiques à lui fournir. Que pas plus sous l’Ancien régime que sous celui-ci, la présomption d’innocence n’était de mise. Que les dirigeants préféraient toujours miser sur la prudence que laisser des rebelles potentiels s’ébattre joyeusement dans la nature. Qu’au lieu de ne pas se faire arrêter, interroger, torturer, et toute la smala de destins tous plus extraordinaires les uns que les autres que lui promettaient les actions irréfléchies du garde, il aurait droit au même traitement, sauf qu’il n’en connaîtrait pas la cause. Et tant qu’à se faire tuer, Lucien aimait autant savoir pourquoi. Mais pour une fois, il resta coi. Il n’aurait pu répondre sans exploser. Et s’il en avait l’habitude, le sérieux de la conversation l’empêchait de la prendre à la légère.

    Son irritation monta cependant d’un cran à la phrase suivante. Mais comment peux-tu en être sûr ? Avait-il envie de hurler. Crois-tu que des espions se font connaître en bonne et due forme avant de mener leur travail à bien ? On ne pouvait jamais être certain que personne ne traînait une oreille dans les parages, attendant le moment propice. Il fallait croire qu’en plus de la vilaine blessure qu’arborait à présent Theophil, sa tête avait également souffert, ce qui expliquait son manque de discernement et sa bêtise croissante. Il aurait bien aimé faire preuve d’un peu de compassion devant la mine déconfite du jeune homme -pour autant qu’il en soit capable- mais les enjeux lui paraissaient trop élevés pour qu’il se soucie pour le moment de tracas subsidiaires. Après tout, ce n’était pas la première fois que Theophil était abîmé d’une manière ou d’une autre, et jusqu’ici il avait toujours survécu. Un proverbe disait que les idiots ne tombent jamais malades. Visiblement, ils ne mouraient jamais de leurs blessures non plus. Il observa d’un œil venimeux Theophil s’affairer avec ses affaires. Il espérait que sa volonté visible de le regarder le moins possible était due à de justes regrets. Pour autant qu’une mésaventure puisse servir de leçon à ce bougre d’âne.

    En dehors d’un juste instinct de préservation (après tout, s’il pouvait éviter de mourir dans d’atroces souffrances et de voir sa demeure et l’ensemble de son personnel réduits à feu et à sang, il ne cracherait pas dessus), il aurait tout de même aimé savoir ce qui s’était passé le soir-même. Theophil faisait preuve d’un manque de combativité assez déconcertant, qui ne pouvait être dû aux remontrances de Lucien. Habituellement, dans de telles circonstances, il s’empressait de faire valoir son opinion -ce dont Lucien se passait assez bien, de manière générale -monopolisant toute la mauvaise foi du monde pour étayer ses arguments. Voir le jeune homme aussi amorphe, comme recroquevillé sur lui-même était, sinon alarmant, du moins vaguement inquiétant.

    Il crut que sa curiosité allait être satisfaite lorsque Theophil reprit la parole, mais il fut vite déçu. Une déception qui raviva sa colère, un instant amoindrie par le comportement inhabituel du garde. Il le regarda serrer les dents en désinfectant sa plaie à l’épaule. Il espérait que ça lui faisait mal, à cet abruti.

    « Et tu penses que je vais te croire ? »

    Il aurait été imprudent d’accorder foi à la parole d’un homme qui, visiblement, avait été secoué par son expérience et prenait sa décision sous le coup de l’émotion. Combien de temps faudrait-il avant que celle-ci ne s’estompe et que Theophil ne se remette à penser à ce régime qu’il exécrait, et aux moyens de le faire tomber ? Lucien aurait pu lui démontrer depuis longtemps qu’il ne servait à rien de s’élever contre les gouvernements, tous plus insatisfaisants les uns que les autres. Sauf que l’idée ne l’avait pas effleuré qu’on puisse ne serait-ce que caresser l’idée de s’adonner à des virées nocturnes de cet acabit, tout en logeant sous son propre toit. Quelle naïveté.

    « Dis-moi, combien de temps tiendras-tu ta promesse ? »

    Les hommes étaient inconstants, et leurs sentiments d’autant plus.

    « Combien avant que tu te dises que, finalement, ce n’était pas si grave, et que se battre contre le régime au mépris de tout instinct de survie basique est tellement plus noble que d’attendre les bras croisés ? »

    Sans s’en apercevoir, il avait baissé la voix, qui s’était faite sifflante. Était-ce par peur qu’on les entende -en plein milieu de la nuit, alors que tout le monde dormait- ou son indignation qui transparaissait ainsi, c’était difficile à dire. Peut-être aussi, une pensée toute aussi angoissante que des soldats sanguinaires à sa porte avait-elle fait on apparition.

    Il avait toujours cru que s’il surprenait quelqu’un faisant le mur pour jouer au révolutionnaire, il le mettrait à la porte sur le champ. Sans poser de questions, sans ultimatum supplémentaire, sans quelques deniers pour survivre l’espace d’une poignée de jours. C’est ce qu’il s’était toujours dit. Il ferait ce qui était juste pour préserver sa maisonnée, et sa propre vie. Il n’avait jamais eu le désir de se vautrer dans l’héroïsme ou de défendre des valeurs (qu’il n’avait pas, par ailleurs. Pour ce qu’il en pensait, les Républicains pouvaient bien tous brûler en Enfer sans que cela lui fasse ni chaud ni froid).

    Aujourd’hui, il se retrouvait devant le fait accompli, et il hésitait.

    Il en aurait hurlé de rage.

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Theophil

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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyLun 27 Avr - 13:43

    Même sans le regarder, Theophil sentait toute la fureur de Lucien. A peine contenue, elle émanait de tout son être, par chacun de ses pores, par sa voix froide et vibrante de colère :

    « Et tu penses que je vais te croire ? »

    Theophil pensa d'abord que Lucien parlait des certitudes qu'il avait énoncées : qu'il n'avait pas été suivi, que la maison n'était pas surveillée, qu'il avait effacé toutes traces remontant jusqu'à lui... Il fronça les sourcils. Sans répondre, Theophil sortit une compresse de son tiroir à pharmacie (généreusement pourvu au fil des mois), qu'il appliqua aussitôt fermement sur sa blessure pour contenir le saignement. Peut-être cela suffirait-il ; peut-être qu'il n'aurait pas à recoudre – ne pouvait-il s'empêcher d'espérer.
    Que Lucien le croit ou non, c'était son affaire, mais il n'avait pas à remettre son professionnalisme en question. Il savait repérer un homme en filature, n’œuvrait jamais aux mêmes endroits, n'agissait que lorsque la visibilité était la plus mauvaise... Il avait plus d'années d'expérience que la bleusaille recrutée à la va-vite par les républicains, c'était un fait.
    Mais ce n'était pas ce dont Lucien parlait. Il reprit la parole, d'une voix sifflante, basse, comme si l'ennemi était tapi derrière la porte, mais toujours emplie de fureur. Ses paroles le figèrent sur place :

    « Dis-moi, combien de temps tiendras-tu ta promesse ? Combien avant que tu te dises que, finalement, ce n’était pas si grave, et que se battre contre le régime au mépris de tout instinct de survie basique est tellement plus noble que d’attendre les bras croisés ? »

    « Je ne le dirais pas si je ne le pensais pas ! » s'emporta Theophil.

    Il était de nouveau face à Lucien, la gorge toujours nouée, la mâchoire serrée, les doigts crispés sur sa compresse. Il avait élevé la voix, et elle claqua comme un fouet par rapport à la voix sifflante de Lucien, par rapport au léger martèlement des gouttes sur la vitre, aux doux craquements du bois dans l'âtre.
    Il ne savait si ce qui l'énervait était le fait que Lucien ne le croit pas, ou bien le ton de sa voix lorsqu'il mentionnait ses actions. Dans sa bouche, la noblesse semblait une chose avilissante. L'honneur, un accessoire superflu. Les idéaux, de stupides pacotilles.
    Mais il connaissait depuis trop longtemps les sentiments de Lucien à ce sujet pour s'en émouvoir.
    Tout comme Lucien le connaissait trop bien, et ne s'étonnerait visiblement pas de le voir repartir à l'assaut. Il avait précisément décrit le comportement qu'il avait habituellement. Le comportement qu'il aurait dû avoir. Parce qu'il était Theophil, ancien soldat haïssant le nouveau régime. (Pas seulement parce qu'il remettait en question des siècles de fonctionnement, lui souffla une petite voix vexante, mais, peut-être, au fond, pour la seule raison que cette nouvelle autorité avait décrété qu'il était du côté de ceux qui avaient tort, et que cela ne lui plaisait pas... Il rejeta cette pensée.)
    Les paroles de Lucien auraient dû être prophétiques. Theophil aurait dû retourner « se battre contre le régime au mépris de tout instinct de survie basique ». Mais il n'en avait plus le cœur, et c'était peut-être ce qui l'indignait le plus.
    Il avait toujours pensé qu'il était le genre d'homme à accepter de mourir pour une cause. Mais il fallait croire que ce n'était plus le cas. Est-ce que ce revirement datait réellement de cette nuit ? Ou bien le changement s'était-il opéré lentement au fil des semaines, insidieusement, sans qu'il s'en rende compte ?
    Des mèches de cheveux mouillés lui tombaient devant les yeux. Il les repoussa en arrière de sa main libre, avec un soupir, et ce geste lui arracha une grimace et ne fit qu'imbiber davantage la compresse contre sa main. Il la laissa pour la remplacer par une nouvelle, s'obligeant au passage à calmer sa respiration.

    « Un jour, reprit-il d'une voix plus calme, tu m'as dit que si je revenais sur ma parole, c'est que tes enseignements m'auraient bien profité. »

    C'était un soir, dans une chambre d'auberge, lors d'une partie de cartes trompeuse. Refusant sa défaite – ou plutôt, ce qu'elle impliquait – il avait déclaré à Lucien qu'il ne respecterait pas les termes du jeu et qu'être « un homme d'honneur » ne lui avait de toute façon jamais rien apporté.
    Il eut un un sourire ironique à ce souvenir :

    « Je n'ai plus envie de risquer ma vie pour une cause quelconque. Il faut croire que tes leçons ont porté leurs fruits. »

    Il ignorait si c'était réellement le contact de Lucien qui avait changé sa façon de penser, ou bien s'il avait juste été trop effrayé par ce qu'il avait dû affronter quelques heures plus tôt – dans les deux cas, le résultat était le même, non ?
    Il perdit son sourire quand il constata que la nouvelle compresse était déjà presque entièrement imbibée. La plaie ne cicatriserait pas d'elle-même.
    Toujours de sa main libre, il sortit une aiguille et du fil de son tiroir à pharmacie, resté ouvert, et plaça l'aiguille au dessus de la chandelle près de lui. Fixant la flamme de la bougie qui léchait la petite pointe de métal, il dit doucement :

    « Mais je partirai demain, si c'est ce que tu veux. »

    Il essaya de penser que c'était inévitable. Que c'était la conséquence logique de ses actions. Qu'il savait dès le départ que ça arriverait, si Lucien le prenait la main dans le sac. Que, de toute façon, ça aurait dû arriver depuis longtemps.
    Il essaya de se dire qu'après tout, cela ne l'affecterait pas, et Lucien encore moins.

    La flamme de la bougie dansait toujours devant ses yeux.


Dernière édition par Theophil le Dim 3 Mai - 20:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyDim 3 Mai - 14:33

    Lucien retint un ricanement. Theophil, dire quelque chose qu’il ne pensait pas ? Si cela devait bien lui arriver, comme à tout le monde (qui n’a jamais fait preuve de mauvaise foi?), il avait en effet plutôt tendance à affirmer son avis haut et fort – au grand dam de Lucien, qui en faisait souvent les frais, et se devait donc de remettre le malotru dans le droit chemin. L’envie de rire -amère- de Lucien passa rapidement. Il ne doutait pas que Theophil pensât ce qu’il disait sur le moment, mais pouvait-il lui faire confiance sur le long terme ? Pouvait-il réellement risquer de tout perdre pour une passade ? Car c’était réellement de cela qu’il s’agissait. S’il accordait foi aux propos du soldat et le laissait sévir en toute impunité, il ne serait jamais à l’abri d’un dérapage, qui pourrait lui être fatal.

    La vie devenait tout de suite moins amusante, quand on devait faire des choix.

    Il eut envie de pousser un nouveau juron quand Theophil lui affirma avec amertume que s’il respecterait sa parole, c’était parce que ses leçons avaient enfin porté leurs fruits. Il se retint de lui dire que si c’était vraiment le cas, il ne voyait pas quel crédit accorder à sa précédente promesse mais, pour une fois, préféra se taire. Visiblement, ses paroles pouvaient être retournées contre lui, même plusieurs mois après -il aurait mieux fait de tenir sa langue. Il se sentit tout à coup étrangement mal à l’aise. Il assénait ce genre de phrases pour énerver Theophil. Il n’avait jamais vraiment cru que cela pouvait porter à conséquence. Il ne l’avait même jamais vraiment voulu, à vrai dire. Une pensée glaçante et impromptue émergea dans son esprit. Theophil lui convenait comme il était. Il serra les dents. Ce garçon était vraiment une malédiction.

    Il nota distraitement que la blessure ne cessait pas de saigner. S’il fallait faire venir un médecin, tout serait définitivement terminé, car Lucien ne connaissait pas de médecin assez fiable, et ne pourrait pas se permettre de prendre le pari que celui qui viendrait ne les dénoncerait pas aussitôt sorti de sa demeure. Il aurait dû en engager un avant que les choses dérapent, au cas-où. Il avait manqué de vigilance. Comme il en avait manqué avec l’énergumène devant lui, qui commençait à chauffer la pointe d’une aiguille avec la flamme de la chandelle -Lucien préféra ne pas penser à ce qu’il comptait faire avec, une fois brûlante.

    Pourquoi n’avait-il jamais eu de soupçons quant au comportement imprudent de Theophil ? Il aurait bien pu s’en douter, qu’il était trop bêtement idéaliste pour rester sagement dans son coin en attendant que la situation se calme.

    « Mais je partirai demain, si c’est ce que tu veux. »

    Il s’obligea à prendre une grande respiration, aussi discrète que possible, qui lui donnerait le temps de réfléchir. C’était l’option qui paraissait, en effet, la plus raisonnable. Il n’aurait aucun mal à expliquer le renvoi de Theophil, cela arrivait souvent et les domestiques ne s’en formaliseraient pas -sauf Lelio, qui avait pris la vilaine habitude de couver le jeune homme contre vents et marées. Le danger serait écarté, du moins autant qu’il l’était possible. Il restait toujours la possibilité que les Républicains fouillent dans le passé de leur prisonnier si cela venait à arriver, et remontent jusqu’à lui, mais cela restait moins dangereux que si Theophil était pris alors qu’il séjournait sous son propre toit. Le mettre à la porte paraissait donc la solution sinon exempte de risques, du moins préférable.

    L’ennui, c’était qu’il n’avait pas la moindre envie de la mettre en application.

    Une brusque bouffée de panique, aussitôt suivie d’une violente vague de ressentiment, l’obligea à serrer les poings. Quand il s’en rendit compte, il détendit ses doigts et se pencha en avant, appuyant ses coudes sur ses genoux.

    « Ce serait bien la première fois que tu m’écouterais. »

    Alors qu’il aurait aimé que Theophil se montre un peu moins repentant, et un peu moins enclin à proposer de lui-même ce que Lucien aurait dû exiger dès qu’il était entré dans la chambre. Il n’aurait même pas dû l’attendre. Lelio aurait dû se poster au rez-de-chaussée et lui refuser l’entrée des lieux. C’était ainsi que cela aurait dû se passer. Et au lieu de ça, Lucien se retrouvait, comme un idiot, à se débattre dans un fouillis de réflexions qui refusaient de se mettre en ordre. Il soupira.

    « Je ne sais pas. »

    Aussitôt prononcés, il eut envie de ravaler ses paroles. Il ne pouvait pas ne pas savoir. Il choisit donc la seule réponse qu’il connaissait, et choisit d’éluder la proposition. En espérant pouvoir y revenir plus tard, les idées claires. Repousser l’échéance lui procura une étrange forme de soulagement. Il se passa rapidement la main sur le visage.

    « Qu’est-ce qui t’a pris, bon Dieu ? Est-ce que tu as sérieusement pu croire une seule seconde que maltraiter deux ou trois abrutis au fond d’une ruelle pouvait changer quoi que ce soit ? »

    Si on lui avait proposé un semblant d’embryon d’échappatoire, à cet instant, il l’aurait adopté sans hésiter.


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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyLun 4 Mai - 13:20

  • Dans l'attente de la réponse inéluctable, Theophil s'obligea à ignorer les palpitations effrénées de son cœur et le nœud que formaient ses entrailles. Il ôta l'aiguille du feu, avant qu'elle ne noircisse, et posa sa compresse le temps passer un fil dans le chas de l'aiguille. Dans son malheur, il réalisa qu'il avait eu « la chance » d'être blessé à l'épaule gauche – il aurait été compliqué de se recoudre de la mauvaise main. La tâche ne te semblera pas plus facile pour autant, souffla une petite voix redoutable dans son esprit. Elle aussi, il l'ignora.

    « Ce serait bien la première fois que tu m’écouterais. »

    Theophil eut un petit rire nerveux, qu'il ravala aussitôt à la vue du Comte, les coudes sur les genoux, qui semblait à la fois songeur et amer. Lucien réfléchissait. Et Theo, lui, retint son souffle en attendant le verdict.
    Le soldat se rendit compte qu'il avait espéré que le sarcasme du noble soit son unique réponse. Il n'avait aucune envie que Lucien approuve sa suggestion et lui dise de partir. Il savait que c'était encore ce qui était le plus raisonnable, le plus sage – mais au fond de lui, il se demandait s'il n'avait pas fait cette proposition uniquement pour qu'elle soit démentie.
    Lucien soupira. Theophil se tendit davantage.

    « Je ne sais pas. »

    Theo ressentit un curieux mélange de soulagement et de déception : Lucien ne le chassait pas – pas encore. Il n'avait fait que remettre la décision à plus tard. Pourtant, une petite part de lui-même ne pouvait s'empêcher de se raccrocher à cette indécision : au fond, peut-être que Lucien non plus ne voulait pas son départ. Pas encore.
    Mais le noble revint à l'origine du problème : oui, qu'est-ce qu'il lui avait pris, bon Dieu ?
    Alors qu'un nouveau vertige l'assaillait, dans un coin de sa tête, Theophil se demanda si Lucien avait toujours juré de cette façon.
    Mal à l'aise, il haussa les épaules :

    « Je ne sais pas. » répéta-t-il sombrement, tout en faisant un nœud au bout de son fil.

    Est-ce qu'il avait réellement pensé pouvoir changer les choses, à lui tout seul ? Non, certainement pas. Mais il avait refusé la défaite. Il avait refusé de rester à ne rien faire.
    Il s'était dit que la victoire des républicains ne devait pas être aussi simple, et devrait donc se faire au prix de leur sang.

    Refusant d'y penser davantage, il approcha l'aiguille de son épaule en se demandant par où commencer. Il inspecta la blessure dans le miroir, à la recherche d'un angle d'attaque.
    Combien faudrait-il de points de suture ? Quatre ou cinq, tout au plus ? Mais la plaie n'était pas nette et régulière, contrairement à celle qu'il avait reçu de la main d'un fou furieux, armé d'un couteau, des mois plus tôt. Une lame affûtée coupait proprement – une balle de pistolet déchirait la chair, brûlait la peau. La plaie semblait floue, avec des contours indécis. Du sang continuait de s'en échapper, à couler le long de son bras ; aux yeux du soldat, il était noir. Il sentait la blessure palpiter – à moins que ce ne fusse simplement son cœur. Il avait très chaud.
    Theophil se rendit compte qu'il n'avait toujours pas bougé d'un pouce. Entre ses doigts, l'aiguille tremblait.
    Il la reposa brutalement sur la commode et saisit de nouveau la bouteille de vodka. Il eut un ricanement.

    « Je n'ai pas encore assez bu pour ça. » voulut-il plaisanter, mais sa voix était blanche.

    L'alcool lui brûla la gorge, et n'arrangerait certainement pas le tournis qui l'importunait régulièrement, mais à l'idée de repousser encore un peu l'instant fatidique où il devrait plonger et replonger l'aiguille dans sa propre peau, son cœur se calma un peu, et ses doigts cessèrent de trembler. Sans lâcher la bouteille, il alla s'asseoir au bout du lit, non loin de Lucien. Il se demanda s'il serait capable de se relever ensuite, surtout en connaissant les tâches qu'il lui restait encore à abattre, mais il n'en pouvait plus de rester debout.
    Les paroles de Lucien tournoyaient dans son esprit, comme l'alcool dans la bouteille qu'il remuait machinalement.

    « Je savais bien que ça ne changerait pas grand chose. Mais tu comprends, je ne pouvais pas ne rien faire non plus. »

    En fait, non, il ne s'attendait pas à ce que Lucien comprenne. Lui-même n'était plus très sûr de le pouvoir, actuellement.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyLun 15 Juin - 20:19


  • Il supposait que c’était de cela qu’il s’agissait quand on parlait de situation inextricable. Il se sentait partagé entre l’envie de s’apitoyer sur son sort, celle d’aller dormir en espérant que tout serait résolu le lendemain matin, et la dernière, familière mais teintée d’un entrain renouvelé, d’étrangler Theophil pour son manque de discernement. Il ne doutait pas une seule seconde qu’il se soit senti dans son bon droit, à aller caracoler dans les ruelles comme une andouille. N’avait-il pas entendu les rumeurs des exécutions, de plus en plus nombreuses ? Lucien pinça les lèvres. Oh si, il avait dû les entendre, ce bougre d’idiot, et se sentir galvanisé par l’injustice de la situation, et la volonté de voler au secours de la veuve et de l’orphelin, pauvres victimes de la grande méchante république. Il aurait voulu lui expliquer que la justice, il n’y en aurait pas quels que soient les gouvernements, et que la seule chose qu’il pouvait espérer de l’existence était de tirer son épingle du jeu avec le moins de dommages collatéraux possibles, mais il se sentait beaucoup trop las pour entamer un énième dialogue argumenté (que d’aucuns, assez mauvaises langues, auraient pu qualifier de dispute) qui n’aurait fait que mettre en valeur, une fois de plus, leurs éternelles dissensions.

    De plus, il devait avouer qu’il ne rêvait que de voir Theophil cesser son manège avec son aiguille -à la tripoter, la chauffer, la poser, aller chercher une bouteille, et qu’en savait-il encore vu qu’il n’avait pas le regard posé sur lui à chaque seconde. Ne pouvait-il pas se la plonger dans l’épaule une bonne fois pour toutes, qu’on en finisse ? Machinalement, il chercha Lelio du regard, caressa un instant l’idée de l’appeler pour qu’il s’occupe du garde. C’était son majordome qui s’occupait de ce genre de problèmes, habituellement. Ou ils appelaient un médecin. Lucien n’aurait eu aucune idée de quoi faire avec un engin pareil entre les mains – il n’était déjà pas très doué de ses dix doigts, alors recoudre une blessure qui pouvait s’avérer mortelle en cas de pépin, il n’allait pas se battre pour s’en occuper, merci bien.

    Il eut envie de répondre à Theophil qu’il faisait beaucoup pour quelqu’un qui n’avait pas l’air de rien savoir, mais il ravala ses paroles. Il jeta un coup d’œil à la bouteille d’alcool que tenait toujours le garde. Au moins, si Theophil buvait trop pour tenir encore debout, cela lui laisserait l’occasion de réfléchir. Et de prendre une décision. Car il allait bien falloir le faire, et c’était à lui qu’incombait cette responsabilité. Il était le chef de sa demeure, et c’était à lui que revenait la charge d’en protéger ses membres. Il était déjà assez compliqué de s’acquitter de cette tâche en ces temps difficiles, sans héberger en plus un rebelle sous son toit.

    « Soigne-toi donc au lieu de tourner comme un renard pris au piège. Tu sais bien que ça ne s’arrangera pas en repoussant le moment de t’en occuper. », lui ordonna-t-il sèchement.

    Ça ne résolvait aucunement son dilemme, mais il se sentirait déjà mieux quand Theophil arrêterait de lui agiter des outils de torture sous le nez.

    « Si tu étais capable d’aligner trois idées cohérentes, tu te serais rendu compte qu’il était mieux de ne rien faire. »

    Il ne comprendrait probablement jamais cet aspect de Theophil. Comment pouvait-on avoir envie de se sacrifier pour des causes immatérielles ? Cela n’apportait jamais rien de bon, comme tout ce qui sous-entendait un quelconque sacrifice de confort. En l’occurrence, son confort exigeait à présent de mettre dehors l’imbécile qui s’exposait depuis des mois à une mort probable, menaçant de les embarquer tous à sa suite. L’ennui étant qu’il n’avait aucunement envie de se débarrasser du soldat avant d’en être lassé. Et à son grand étonnement, ce n’était pas encore le cas. Theophil se révélait beaucoup plus résistant qu’il n’aurait pu le penser.

    La question était alors : quels risques était-il prêt à prendre pour conserver encore quelques temps l’excitation d’avoir un amant avec lequel il ne s’ennuyait pas ?

    Il réfléchit quelques instants. Son statut ne lui servirait plus à rien en cas de problème. Une idée germa lentement dans son esprit. Ce serait la solution la plus logique. Elle lui apporterait une stabilité toute relative, mais en ces temps troublés, ce serait mieux que rien. Les soupçons pèseraient moins sur eux. Il pourrait manœuvrer avec davantage de liberté. Il pesa le pour et le contre en quelques secondes, réfléchissant à toute allure, et finit par se tourner vers Theophil.

    « Tu vas rester ici. Mais au moindre faux pas, au plus petit écart, si un seul regard menaçant se tourne vers ma demeure, je te livre sans la moindre hésitation. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? »

    Il espérait que l’information avait bien pénétré le crâne dur de son compagnon. Il prit une grande inspiration.

    « Il faut que j’entre à l'Assemblée. »

    La vie était décidément pleine de surprises.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyMer 1 Juil - 13:22


L'alcool semblait se diffuser doucement dans tout son être, engourdissait son corps tout en le réchauffant agréablement. Les vertiges étaient devenus si fréquents que Theophil n'y prêtait plus attention – il avait juste cette étrange sensation d'être de plus en plus détaché de son corps. Non loin, le feu crépitait dans l'âtre. Il songea qu'il pourrait s'endormir, ainsi, qu'il lui suffisait de s'allonger et de fermer les yeux. Que sa blessure à soigner, la remise en question de sa place aux côtés de Lucien, son arme à nettoyer, la peur qui planait à l'extérieur de la maison tranquille et endormie – oui, que tout ça pouvait bien attendre encore un peu. Qu'il pouvait tout oublier, l'espace de quelques heures.
Malheureusement pour lui, Lucien ne semblait pas vouloir lui laisser ce répit.
Il lui ordonna de se soigner, avant de se mettre en devoir de lui faire la morale une fois de plus, mais le ton sec qu'il employait glissa sur Theo comme la pluie sur les vitres de la chambre. Il se contenta de hausser les épaules. « Ouais, ça va, je sais... » grommela-t-il. Mais, curieusement, il obéit. Un bref instant, il pensa que c'était dû à ses années en tant que soldat, habitué à suivre les instructions – mais Theophil avait toujours rechigné à écouter les ordres venant de Lucien. Le noble avait juste de la chance, ce soir : Theo n'avait en cet instant pas le courage de contester quoi que ce soit. Avec un soupir, il se leva, échangea la bouteille d'alcool contre l'aiguille, et se cala devant le miroir sur la commode.
Dans le reflet, il voyait Lucien, occupé de nouveau à réfléchir.
Theophil prit une inspiration, ignorant le reste de la pièce qui tanguait toujours, se focalisa sur la plaie. Elle semblait ridicule, risible. Encore heureux, après avoir bu un quart de la bouteille de vodka. Il planta l'aiguille dans sa chair.
Il serra tellement les dents qu'il crut qu'elles allaient finir par se casser sous la pression de ses mâchoires. De temps en temps, il s'obligeait à respirer de nouveau, et laissait alors échapper un juron  malgré lui, tout bas. Mais, peu à peu, les coutures scellèrent la blessure. Quand il ne resta plus qu'un chemin de fil noir bordé de sang, il sortit son couteau, toujours à sa ceinture, et trancha le fil. Il avait très chaud, à présent.
Lucien se tourna vers lui. Theo accrocha son regard dans le miroir.

« Tu vas rester ici. Mais au moindre faux pas, au plus petit écart, si un seul regard menaçant se tourne vers ma demeure, je te livre sans la moindre hésitation. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? »

Theophil se renfrogna. Il avait déjà dit qu'il ne recommencerait plus, qu'est-ce qui lui fallait de plus à la fin ? Il acquiesça néanmoins d'un signe de tête – et ce fut à cet instant qu'il percuta entièrement les paroles de Lucien : il restait. Pour l'instant, certes, mais il restait.
Cela lui apporta plus de soulagement qu'il ne l'avait imaginé. Constater cela, en revanche, ne lui fit pas tellement plaisir.
Il reposa son couteau sur le meuble. Que fallait-il faire, ensuite ? Cela lui échappait. Il fronça les sourcils, à la recherche de la réponse – ah, oui, désinfecter la plaie. Décidément il faisait beaucoup trop chaud dans cette pièce. Et il n'avait plus de linges propres. Il décida de verser quelques gouttes d'alcool directement sur son bras, au dessus de la bassine. Délicatement, il pencha la bouteille...

« Il faut que j’entre à l'Assemblée. »

Son poignet bascula brutalement, et une bonne partie du contenu de la bouteille se déversa sur sa blessure. Il eut l'impression qu'on lui appliquait un fer chauffé à blanc directement sur l'épaule. Une flopée de jurons s'échappa de ses lèvres ; il lâcha la bouteille, qui roula sur la commode en continuant de répandre son continu – et Theo de répandre des grossièretés, en allemand comme en anglais.

« Que tu quoi ? » lâcha-t-il entre deux injures, scandalisé, tout en ramassant la bouteille et en éloignant de lui son bras ruisselant d'alcool.

Le tournis le rattrapa alors, et il s'accrocha à la commode d'une main. Les mot se mirent à trébucher,  eux aussi :

« Mais... tu... On parle de l'Assemblée. »

La façon dont il grimaça ce dernier mot résumait toute sa pensée.
Mais il savait déjà que Lucien ne changerait pas d'avis. Il lui dirait que Theo ne lui avait pas laissé le choix – et Theophil se sentit alors comme un gosse, à qui l'on infligeait une punition à cause de son comportement. Pire, il savait qu'il réagissait comme un enfant, mais ne pouvait pas s'en empêcher.
Il jeta un regard désespéré à sa bouteille, et regretta qu'elle soit pratiquement vide à présent. La nuit lui semblait de plus en plus difficile à encaisser.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyDim 12 Juil - 18:12


  • Lucien réfléchissait, serrant ses paumes l’une contre l’autre. Oui, il ne voyait pas d’autre échappatoire à la situation. Même s’il s’avérait que personne n’avait de doute sur les agissements de Theophil -et ce serait certainement un miracle, vu que cet olibrius était aussi discret qu’un bœuf lancé au galop- il arriverait toujours un accroc, à un moment ou à un autre, qui lui ferait regretter de ne pas avoir agi. Non qu’entrer à l’Assemblée le mette à l’abri de tout soupçon, loin de là. Il voyait assez d’anciens partisans de la République passer sur l’échafaud au fil des jours. Mais ce serait toujours mieux que rien. A l’heure actuelle, il était, au mieux, considéré avec une gêne modérée, au pire, comme un dangereux vestige de l’ancien régime à éliminer. Il y avait probablement peut-être même des idiots pour penser qu’il soutenait secrètement Armand. Quelle plaisanterie sinistre. En l’occurrence, avec des bruits de couloir de la sorte, faire profil bas, bien qu’il ait essayé de se voiler la face, ne serait bientôt plus suffisant pour assurer sa survie et celle de son cercle. Il allait devoir se mêler de la vie politique du pays. Dire qu’il s’y était toujours refusé au temps des Princes… C’était assez ironique. Il n’aurait jamais imaginé en être réduit à de telles extrémités. C’était rageant.

    Il prit un instant pour envoyer toutes les malédictions possibles et imaginables contre les responsables de sa décision. Avec un peu de chances, ils seraient engloutis par les flammes de l’Enfer avant qu’il ait eu le temps de faire quoi que ce soit.

    Au moins, cela lui avait permis d’ignorer Theophil se livrant à toutes sortes d’activités répugnantes se basant sur l’insertion d’aiguille sous peau et autres, ce qui ne le réjouissait que légèrement. C’était bien fait pour lui, mais il aurait apprécié ne pas assister au spectacle.

    Il poussa un soupir devant les injures proférées par son compagnon. Décidément, celui-ci manquerait toujours d’élégance. Il voulait bien comprendre que son annonce avait quelque chose de déstabilisant, mais un peu de retenue n’avait jamais fait de mal à personne. Il allait falloir que Theophil apprenne à se contrôler s’il voulait atteindre son objectif.

    Au moment où il proférait cette pensée, il vit Theophil manquer de trébucher, se rattraper à la commode, et le jaugea d’un regard sceptique.

    « Tu es dans un bel état. Si j’avais besoin des services de mon garde du corps maintenant, tu me serais certainement d’une grande utilité. »

    Il ne laissait pas le choix à Theophil. Pourquoi aurait-il eu voix au chapitre ? Il était à son service. Il le payait pour qu’il obéisse. Mais il s’était tout de même senti obligé de l’informer de ses intentions. Et il l’autorisait à rester chez lui alors qu’il représentait une menace. Le garde ne cessait-il donc jamais de causer du chambardement dans son existence ? Il pinça les lèvres. Non, s’il décidait d’entrer à l’Assemblée, c’était parce que c’était l’aboutissement le plus logique à la situation. Rien à voir avec Theophil. Il ne protégeait pas les imbéciles.

    « Ne me fais pas répéter stupidement. Je sais qu’on parle de l’Assemblée. »

    Il savait que bien Theophil ne serait pas ravi -mais pourquoi se serait-il bien soucié de ce qu’il en pensait ? Pour un crétin qui idolâtrait le régime précédent, ce qui avait pris sa place devait être le diable en personne. Lucien n’avait jamais compris l’attachement du garde à la monarchie. Lucien avait ses privilèges, une situation, une vie aisée, de l’argent, mais quels avantages Theophil avait-il pu tirer du gouvernement des princes ? Une poignée de gardes crasseux en guise de compagnons, des rondes sous la pluie en pleine nuit, des meurtres au coin des rues ? Comment avait-il pu apprécier une existence pareille, qui révulsait Lucien au point qu’il en aurait frissonné ? (surtout la partie sur la crasse. Il aurait fallu balancer tout le bas peuple sous une cascade et les y laisser quelques jours pour leur faire retrouver une hygiène passable). Quelles raisons obscures pouvaient bien présider l’affection de Theophil pour un système qui n’avait vraisemblablement rien à lui offrir ? En comparaison, la République semblait un choix bien plus judicieux.

    « Si j’avais annoncé ma décision de devenir conseiller des Princes, cela t’aurait-il semblé plus honorable ? »

    Du moment qu’on pouvait vivre sa vie confortablement, quelle importance ? Le climat de suspicion s’était probablement décalé au point qu’il se trouvait à présent dans la ligne de mire, ce qu’il trouvait effectivement assez désagréable, mais les deux régimes lui semblaient assez similaires par bien des aspects.

    Par le nombre de victimes qu’ils écrasaient chaque jour, par exemple.




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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyVen 17 Juil - 16:44


« Tu es dans un bel état. Si j’avais besoin des services de mon garde du corps maintenant, tu me serais certainement d’une grande utilité. »

A cet instant, Theophil prit conscience de ce dont il devait effectivement avoir l'air : torse nu, l'épaule barbouillée de sang, le bras poisseux de vodka, les cheveux qui gouttaient dans son dos, le pantalon trempé et boueux. Le soldat était encore accroché à la commode, comme un marin s'accroche à la rambarde d'un bateau qui tangue pour éviter de basculer par dessus bord.
Non en effet, il n'y avait pas de quoi faire le fier.

Mais il avait d'autres préoccupations, plus immédiates que son apparence : entre autre, Lucien souhaitait rentrer à l'Assemblée. S'il espérait s'être fait des idées, avoir mal entendu ou même – et pourquoi, il était désespéré après tout – que le noble lui ait fait en vérité une plaisanterie douteuse dont lui seul avait le secret, Lucien coupa court à ses illusions :

« Ne me fais pas répéter stupidement. Je sais qu’on parle de l’Assemblée. » Merde. Mais Lucien enchaîna avec pire, ne lui laissant même pas le temps de réellement digérer l'information : « Si j’avais annoncé ma décision de devenir conseiller des Princes, cela t’aurait-il semblé plus honorable ? »

Theophil ouvrit la bouche, avec l'évidente intention de répliquer que oui, évidemment, c'était dans l'ordre des choses qu'un noble serve son souverain, et que la Monarchie s'était toujours montrée plus clémente avec ses sujets que la République avec ses citoyens – mais aucun son ne franchit ses lèvres. Il referma la bouche et fronça les sourcils, tandis qu'une petite voix s'insinuait dans sa tête : vraiment ? Était-ce réellement le cas ?

Theophil ne s'était jamais senti chez lui nulle part, avant d'arriver dans le Royaume. Il avait détesté la ville de son enfance, Wien ; il avait détesté ce monastère perdu dans les montagnes autrichiennes, il n'avait guère aimé parcourir les routes du St Empire des Habsbourg en tant que courrier, n'avait pas apprécié davantage les quelques années passées en Pologne puis en Russie, à effectuer divers travaux de ferme et à pelleter de la neige des heures durant.
Il avait sans cesse cherché un ailleurs qui soit mieux qu'ici.
Dans son sac, il y avait toujours un petit livre à la reliure de cuire usée, qu'il avait dérobé à un oblat du monastère de son enfance, et qui n'était pas écrit en allemand. Il avait fini par apprendre qu'il s'agissait d'une pièce de théâtre anglaise. Il sortait le livre de temps à autre, pour le montrer à un voyageur capable de lui en traduire des passages – et puis un jour de ras-le-bol, un jour de coup de tête, Theo s'était embarqué sur un bateau, avait appris des bases d'anglais pendant la traversée, et était arrivé dans cet étrange Royaume.
Il avait continué à apprendre la langue du pays. Il s'était engagé comme soldat de la Garde Royale. Pour la première fois de sa vie, il s'était fait des amis, des ennemis, des attaches.
Puis le Roi était mort. Assassiné, disait-on, mais Theophil n'avait pas voulu y croire. On lui avait demandé de se salir les mains, de traquer des rebelles qui avaient soif de pouvoir et qui étaient prêt à verser le sang des habitants. Il avait arrêté des gens, en avait tué d'autres, qui n'étaient parfois que des gamins de son âge, mais Theophil n'avait pas voulu voir. Les Princes étaient paranoïaques, disait-on, ils étaient mauvais, mais Theophil n'avait pas voulu écouter.
Il voulait juste conserver le Royaume tel qu'il était quand il l'avait trouvé, sans comprendre que ce monde était déjà mort depuis longtemps.

Combien de temps s'était-il voilé la face ?

Décidément, cette nuit ne lui épargnait rien.

Il jeta un regard noir à Lucien. Le Comte ne le méritait même pas, pour une fois – même si ses stupides propos lui retournaient la cervelle, peut-être Theo jugerait-il un jour qu'ils avaient au moins le bénéfice de lui avoir ouvert les yeux, mais le soldat n'avait aucune envie de lui concéder cela pour l'instant. Il avait failli crever il y a moins de deux heures, il était épuisé, il avait un mal de chien à l'épaule, pour couronner le tout il avait un début de nausée à force d'avoir le tournis : il n'avait pas besoin, en plus de tout ça, qu'on lui mette ses erreurs sous le nez.

Theophil attrapa les linges souillés de sang et la bassine d'eau sale, en bougonnant « Je vais changer l'eau. » puis sortit de sa chambre. Il avait besoin d'être un peu seul.

Le reste de la maison était plongé dans l'obscurité et le silence. Il descendit discrètement jusqu'à la cuisine, raviva les braises dans la cheminée, et y jeta ses bandages usés. Il regarda un instant les flammes lécher et grignoter lentement les coutures, puis, n'y tenant plus, il sortit dehors.
Il accueillit avec soulagement l'air frais et la pluie légère.
C'était la même porte qu'il avait utilisé en revenant de son escapade, cette nuit. Elle donnait sur le jardin, calme et sombre, tranquille. Tout comme lorsqu'il était rentré, plus tôt, cette vision l'apaisa. Il resta debout un instant dans la fraîcheur de la nuit, attentif au clapotement tranquille de la pluie, mettant de l'ordre dans ses pensées. Lorsqu'il se sentit enfin plus calme, que la nausée lui passa, Theo retourna à la cuisine chercher sa bassine pour la vider dans les plantes du jardin. Il avisa une fois de plus ses mains, incrustées de sang séché, et soupira. Un passage par la salle d'eau devenait urgent.

Une dizaine de minutes plus tard, Theophil se trouvait enfin globalement propre, et avait entouré son épaule d'un bandage neuf, qui, à son grand soulagement, était resté blanc. Il se sentait plus serein, et s'était dit qu'il prêt à affronter le reste de cette nuit exténuante – et même, pourquoi pas, à discuter avec Lucien de la façon dont il comptait s'y prendre pour entrer à l'Assemblée.
C'était ce qu'il s'était dit, tandis qu'il remontait tranquillement les marches de la demeure.
Malheureusement pour lui, tout en cheminant, il avait sortit le pistolet de l'étui à sa ceinture, avec l'idée de regarder son état avant de le nettoyer une fois arrivé à sa chambre.

Theo s'était figé un instant dans l'escalier, et son sang s'était glacé dans ses veines. Puis il avait lâché le plus gros juron de la nuit – et pourtant, il en avait proféré, des insultes – et avait regagné sa chambre en courant.

« Ce n'est pas mon arme. » lança-t-il à Lucien en entrant, horrifié.

Theo jeta le pistolet sur le lit, à côté du noble, comme si le simple fait de le tenir plus longtemps en main finirait par lui brûler les doigts.
Une bouffée de colère l'envahit de nouveau – contre lui-même, contre le républicain mort qui devait bien se marrer depuis l'au-delà, contre cette foutue nuit en générale.

« C'est un putain de pistolet de la Garde Républicaine. »


Il se demanda si ce n'était pas le moment de ras le bol de trop, qui lui indiquait qu'il était temps de remonter sur un bateau pour repartir loin, très loin.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyJeu 6 Aoû - 15:07

  • Lucien s'était attendu à ce que Theophil lui réponde férocement, comme il en avait l'habitude. Il ne s'était pas attendu à la tempête de sentiments qu'il devinait sous sa tignasse blonde, alors même que le garde restait en face de lui, réduit au silence. Cela le mit étrangement mal à l'aise. Il s'était préparé à devoir ignorer un Theophil tempêtant contre sa morale déviante et son sens de la loyauté absent, mais pas à ce mutisme déprimant. Dans un sens, il aurait dû s'en réjouir. Mais il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui pouvait bien le faire réfléchir. Il avait lancé sa pique un peu au hasard, comme souvent, en espérant toucher juste. Mais visiblement, son questionnement ne trouvait pas la même résonance en lui et pour le jeune homme qui lui faisait face. Lucien aurait été curieux de connaître ses pensées en cet instant, bien qu'il aurait détesté le reconnaître -hormis s'il avait pu justifier ce fait par un énième argument tourné à son avantage. Au final, il connaissait très peu de choses sur le garde. Ils avaient beau se côtoyer depuis un moment déjà, la discussion n'avait jamais été leur point fort, les confidences à cœur ouvert encore moins. Non qu'il l'aurait souhaité. Mais il était étrangement frustrant de constater que malgré leur proximité, tout un pan de la personnalité de Theophil lui restait totalement hermétique.

    Cependant, avant qu'il ait pu dire quoi que ce soit pour tenter de remuer tout ce que la tête de Theophil pouvait bien renfermer, celui-ci sortit de la chambre sous une excuse bancale incluant la nécessité de changer de l'eau. Lucien n'avait beau ne pas bien s'y connaître en guérison de blessures, et celle du soldat lui paraître plutôt sérieuse, tout cela lui semblait davantage une fuite déguisée qu'une réelle nécessité. Il s'abstint de tout commentaire. Il se retrouvait donc seul dans la chambre, livré à lui-même et à ses réflexions. Comment s'imposer dans l'Assemblée ? Son chef, Cyrus, était aimé du peuple et plutôt populaire -auprès de ses partisans en tous cas, car ceux qui sentaient le couperet tomber non loin de leurs têtes ne le portait pas dans leur cœur, mais il n'était pas certain qu'il serait automatiquement bien disposé envers sa demande. Par ailleurs, faire une proposition frontale lui semblait impensable. D'abord parce qu'il avait sa fierté, ensuite parce que c'était le plus sûr moyen de s'exposer à un refus direct, sans plus aucune marge pour manœuvrer. S'il ratait son coup la première, il était fini -dans tous les sens du terme. Alors que s'y prendre petit à petit lui permettrait de se retourner au cas-où.

    Il ne lui restait plus qu'à espérer que Cyrus et les siens verraient tout l'intérêt que représentait la présence de nobles dans leur nouveau système gouvernemental. Ils pourraient ainsi s'attirer la sympathie d'une couche de la société qui, pour l'instant, boudait leurs faveurs, se laissaient décimer avec plus ou moins de panache, ou choisissaient de partir lorsqu'ils en avaient l'opportunité. Or, Lucien n'avait ni l'intention de s'exiler, ni celle de finir sur l'échafaud. Il lui fallait donc une autre solution, et c'était, pour l'instant, la seule qui daignait lui venir à l'esprit.

    Il en était là de ses réflexions quand il entendit la porte s'ouvrir et se tourna naturellement vers elle. Il eut juste une seconde pour apercevoir les traits défaits de Theophil, se dire qu'il devait y avoir un problème, et prier pour les Républicains ne soient pas déjà à leurs portes.

    Ce qui sortit de la bouche du garde ne fut que légèrement moins pire. Lucien crispa les mains, partagé entre l'idée de renvoyer le pistolet dans la figure de son compagnon ou de le jeter par la fenêtre en espérant qu'ils pourraient faire comme s'ils n'avaient rien entendu. Il resta un instant silencieux, son regard passant de l'arme au visage qui lui faisait face. Ses doigts tambourinaient contre son genou.

    « J'en viens à me demander si tu ne le ferais pas exprès. Ne serais-tu pas finalement un espion républicain venu faire tomber ma maison ? »

    Dans les situations complexes, le sarcasme ne pouvait pas le quitter. C'était l'ultime arme quand le monde avait décidé de lui cracher à la figure. Il poussa un soupir -pour la centième fois depuis le début de la soirée, lui semblait-il.

    « Dans ce cas, aurais-tu l'amabilité de me faire savoir où se trouve le tien ? »

    Il ne savait même pas s'il était encore vraiment en colère. Cette nuit lui paraissait beaucoup trop surréaliste pour correspondre encore à ses critères. Avait-il vraiment participé à des soirées mondaines, il n'y avait de cela que quelques mois ? Ses principales préoccupations, alors, consistaient à éconduire les jeunes femmes insistantes et à courir après les dettes de ses comparses.

    Visiblement, il était depuis tombé au stade où il devait craindre pour sa vie. Quelle glorieuse promotion c'était là.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptySam 29 Aoû - 20:14


Comme à chaque fois qu'il était énervé, Theophil s'était mis à arpenter la chambre de long en large.
La fatigue accumulée cette nuit semblait s'être muée en une énergie nouvelle – malsaine et désespérée, peut-être, mais toujours bonne à prendre, surtout en cet instant. Apparemment, il n'était pas prêt de se coucher encore.
Comme il avait été idiot ! Dans sa précipitation, il avait fallu qu'il manque un détail, un seul et  unique, et ce foutu détail avait le pouvoir de tout ruiner.
Theo parcourait la pièce, les épaules tendues et ses doigts cherchant un exutoire à son agitation, tantôt passant sur sa nuque, tantôt se serrant dans ses poings. Lucien tendait visiblement à faire la même chose en les tapotant contre son genou – juste avant de lui balancer un nouveau sarcasme. Le soldat se contenta de lui retourner un regard furieux, dans le genre « Ouais, très drôle ». C'était pas comme s'il avait vraiment besoin de s'exprimer par des mots dans ces moments-là, avec Lucien.
C'était souvent comme ça qu'ils se disputaient, tous le deux : Theophil faisant les cent pas, Lucien, le dos droit, se contentant de lui jeter des railleries. Oh, comme il aurait préféré se disputer de la sorte pour une énième broutille, plutôt !

« Dans ce cas, aurais-tu l'amabilité de me faire savoir où se trouve le tien ? » soupira Lucien.

Theo cessa ses aller-retours pour le fixer. Évidemment qu'il se le demandait, ce fichu noble.
Pas besoin de se creuser la cervelle à la recherche de la réponse : le garde la connaissait déjà. Il se souvenait parfaitement avoir ramassé un des deux pistolets au sol pour le passer à sa ceinture, tandis que l'autre arme allait rejoindre le cadavre vers le lieu de son dernier repos.

« Dans le fleuve, très certainement. » répondit-il.

Et le regard qu'il lui coula signifiait clairement qu'il ne fournirait aucune explication supplémentaire. Pas besoin que Lucien en sache davantage.
Il eut une pensée pour son propre pistolet, qu'il avait obtenu à son entrée dans la garde il y a quelques années et dont il avait toujours pris soin depuis. Il l'avait toujours entretenu presque amoureusement, s'attirant souvent des moqueries de la part des autres gardes ou de Lucien à ce propos, mais en retour le pistolet s'était révélé être un compagnon fidèle. Cette nuit-là, entre les mains de son adversaire, la balle n'était pas sortie du canon, ce qui lui avait sauvé la vie. Comme si l'arme refusait de trahir son maître. Il soupira en chassant cette pensée – c'était vraiment pas le moment d'être stupidement ému pour un flingue.
Theophil se remit à faire les cents pas, réfléchissant. Cette inversion était-elle si grave ? Pas si le corps du républicain n'était pas retrouvé, sans doute... Peut-être ne le serait-il jamais. Peut-être que personne ne se soucierait jamais de le chercher. Après tout, nombreux étaient les soldats à déserter. Peut-être y aurait-il seulement un avis de recherche à son nom, qui tomberait peu à peu dans l'oubli et serait recouvert par d'autres affiches... Mais il ne pouvait pas compter là-dessus. Si le républicain était retrouvé, ce serait forcément avec une autre arme que la sienne : Theo avait pris soin de ranger le pistolet dans l'étui du mort. « Ça alourdira davantage le cadavre » s'était-il dit, et il s'était senti bêtement efficace à cette pensée, avant de pousser le corps de l'homme dans l'eau. Stupide, stupide précaution ! Que pouvait-il faire à présent ? Fouiller les berges du fleuve à la recherche du cadavre pour ré-échanger les pistolets ? Non seulement l'entreprise était absurde, mais en plus elle ne manquerait pas d'attirer l'attention sur lui. Theophil se mit à se mordiller le pouce.

Non, il n'avait actuellement aucun moyen de remédier à ce problème-là. Son seul espoir était que le corps ne soit jamais retrouvé, et concernant ce fait, il n'avait aucun pouvoir : il ne pouvait s'en remettre qu'à la chance, au hasard, ou même à Dieu. C'était bien ce qui le faisait le plus rager.
Dans l'immédiat, la seule chose dont il pouvait s'occuper était le pistolet du républicain, reposant insolemment sur son lit. Ça, c'était un problème à sa portée, et qui n'avait pas trente-six solutions.
Il s'arrêta de nouveau et plongea son regard dans celui de Lucien :

« J'y retourne. Il faut que je m'en débarrasse. » lança-t-il, résolu, en désignant l'arme.

Il avait à peine fini de parler qu'il était déjà devant son armoire, en train d'enfiler une nouvelle chemise. Plus tôt ce serait fait, mieux ce serait. Mais, à vrai dire, il n'avait encore aucune idée de la façon dont il pourrait se débarrasser du pistolet. Le balancer dans le fleuve, lui aussi ? Le camoufler au loin, dans la forêt ? Le jeter non loin de la Cour des Miracles, en espérant faire porter le chapeau à ses habitants ? Ou bien tout simplement l'enterrer sous un massif dans le jardin du Comte ? Il ne manquerait plus que le jardinier ait la mauvaise idée de creuser la terre fraîchement retournée. Lucien non plus n'apprécierait guère la surprise... La moindre des choses serait de lui demander l'autorisation.  Cependant, il n'avait toujours aucune envie de faire de Lucien son complice – pas plus qu'il ne l'était déjà, du moins. S'acharnant sur un bouton un peu difficile de sa chemise, Theophil s'entendit malgré tout demander d'un ton faussement léger :

« Des idées de lieux, pour ma promenade ? »
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyVen 29 Jan - 22:58


  • Lucien avait toujours trouvé Theophil un tantinet irritant, mais il était probable qu’il ne lui ait jamais tant tapé sur les nerfs qu’en cet instant. L’attente, l’heure tardive, sa décision d’entrer à l’assemblée, la panique liée au problème du pistolet, tout se mélangeait en un cocktail explosif qui lui donnait à la fois envie d’aller se coucher dans la minute en espérant que tout se serait arrangé demain, et de tordre le cou au garde qui, décidément, n’était pas en veine ce soir. Ce qui signifiait que Lucien ne l’était pas non plus, puisque le risque était grand qu’il se prenne les conséquences des actes imbéciles de l’autre ahuri sur le coin de la figure. Les Républicains n’attendaient sûrement qu’une occasion en or de ce genre-là pour ajouter un noble de plus à leur tableau de chasse.

    Il aurait bien laissé Theophil se débrouiller. Malheureusement, à son grand dam, il semblait que le destin du jeune homme ne lui était pas égal, et que se détacher de lui était plus difficile que prévu. Il se trouvait donc inextricablement lié à ses ennuis, puisque dans l’impossibilité de lui faire prendre ses clics et ses clacs en même temps que le chemin du retour. Il aurait payé cher pour lui souhaiter bon vent sans regrets.

    Il se hérissa inconsciemment lorsque Theophil lui répondit évasivement sur le lieu où se trouvait son pistolet. Il aurait aimé, à défaut de ne pas subir ses frasques, obtenir au moins une explication décente, étant donné son actuelle implication dans l’affaire, mais visiblement on s’entêtait à le laisser dans l’ignorance comme un vulgaire laquais. Il était noble, il dirigeait cette maison, il entendait obtenir des explications quand il les demandait, sans avoir à faire des pieds et des mains. N’importe quel autre de ses domestiques se serait répandu en excuses et lui aurait donné les tenants et les aboutissants de l’affaire. Lelio aurait devancé ses demandes et lui aurait fourni des informations qu’il n’aurait même pas pensé à demander. Mais non, Theophil s’évertuait, même en situation d’urgence, à être une tête de mule, opiniâtre et bornée.

    Il laissa échapper un ricanement quand le soldat affirma avec aplomb retourner se débarrasser de l’arme. Alors qu’il était plus qu’à moitié ivre, blessé et qu’on était au milieu de la nuit, l’idée relevait du génie à l’état pur. Lucien n’eut pas le temps de lancer un sarcasme -éminemment justifié par le critique de la situation- que déjà il enchaînait.

    Non, il n’avait pas d’idée pour sa « promenade » dont il n’approuvait déjà pas le bien-fondé. Pour ce qu’il en savait, aucun lieu parfaitement sûr ne lui venait à l’esprit, parce que le hasard était bien trop imprévisible pour espérer avec certitude que le pistolet ne serait jamais retrouvé.

    « Non, je n’en ai pas, parce qu’il est hors de question que tu bouges d’ici. Tu en as assez fait pour cette nuit. »

    Cependant, il fallait bien trouver une solution. Ils ne pouvaient pas décemment garder un pistolet de la garde républicaine sous leur toit. On n’était jamais à l’abri des fouineurs, surtout en ces temps troublés. Par contre, il doutait franchement du bien-fondé de s’y rendre en pleine nuit, où quiconque évoluant dans les rues apparaissait comme un suspect potentiel. Du moins, il l’imaginait, car à sa grande honte, il n’osait plus braver la nuit depuis quelques temps, alors qu’il s’était toujours moqué du couvre-feu des princes.

    « Réfléchis un peu à ce qui se passerait si on te trouvait en pleine nuit avec ce pistolet avant de te lancer dans des actions inconsidérées. Même si au vu des événements de cette nuit, cela ne semble pas être ton fort. »

    Lui-même devait réfléchir. Quel serait le dernier endroit où ils pourraient mettre cet objet du diable, le meilleur, celui qui pourrait faire en sorte que l’on ne remonte jamais jusqu’à eux ? Il supposait que le mieux serait de le jeter dans le fleuve. L’eau était à tout le monde, c’était un lieu publique, il supposait que cela serait le plus neutre possible. Personne ne pourrait les soupçonner -à condition de faire ça en toute discrétion.

    « Donne-le-moi. »

    Theophil étant l’être le plus têtu qu’il lui ait été donné de rencontrer, il était certain que s’il le laissait en possession de l’objet du délit, il passerait outre ses ordres et se lancerait dans la nuit, contre vents et marées, pour s’en débarrasser sans son consentement -en récoltant probablement au passage d’autres ennuis, puisqu’il semblait qu’il n’était jamais à court de ce côté-là.
    Il n’était pas prêt à endurer de nouveau de longues heures d’attente, sans avoir aucune idée de ce qui pouvait se passer au-dehors. Les précédentes avaient déjà été bien trop éprouvantes à son goût. Il était épuisé, à bout de nerfs, et la seule chose qu’il désirait en cet instant, c’était mettre le pistolet en lieu sûr le temps de prendre quelques heures de repos.

    Il tendit la main pour appuyer son propos.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptySam 13 Fév - 14:03


Toujours sur sa lancée, Theophil avait enfilé ses bottes à peine sèches (titubant légèrement au passage, certainement autant à cause de la précipitation que de la vodka) et venait d'attraper le pistolet qui traînait sur le lit lorsque le Comte lui répondit.
Évidemment, cela aurait été trop demandé que Lucien soit d'accord avec lui, pour changer.

« Non, je n’en ai pas, parce qu’il est hors de question que tu bouges d’ici. Tu en as assez fait pour cette nuit.
- Justement, laisse moi assumer ! » s'emporta le garde.

Theophil en avait plus que marre de ce sentiment de culpabilité, qui s'acharnait de plus en plus sur lui au fur et à mesure que la nuit avançait. D'abord, il avait failli se faire avoir par les républicains, manquant d'entraîner tout son entourage dans sa chute. Puis Lucien l'avait pris sur le fait, et était devenu dès lors un des premiers concernés par ses actes. Le noble allait devoir manœuvrer pour entrer à l'Assemblée, par sa faute, il était obligé d'entrer de lui-même dans l'implacable engrenage politique qu'il avait pris soin d'éviter jusqu'à là. Et enfin, comme si tout cela n'était pas suffisant, Theo rapportait un objet compromettant – directement sous son toit.
Et le pire, le pire de tout cela, était que toutes ces actions avaient été menées en vain. Il s'était battu pour des idéaux corrompus. Il s'était rebellé pour rien. Il avait tué pour rien.
Alors maintenant qu'il les avait mis dans les emmerdes jusqu'au cou, lui et Lucien, c'était à lui de faire ce qu'il pouvait pour les en sortir.

« Réfléchis un peu à ce qui se passerait si on te trouvait en pleine nuit avec ce pistolet avant de te lancer dans des actions inconsidérées, poursuivit Lucien. Même si au vu des événements de cette nuit, cela ne semble pas être ton fort. »

Theophil se stoppa, et ce fut comme s'il avait voulu enjamber un fossé mais qu'il avait mis le pied en plein dans le trou à la place. Il se trouvait pris entre, d'un côté, son impulsivité habituelle qui l'encourageait à se débarrasser au plus vite de l'arme et de l'autre, la prudence dictée par Lucien, qui mettait en évidence les risques liés à toutes « actions inconsidérées ».
Et s'il se faisait prendre ? Il était loin d'être au mieux de ses capacités, actuellement. La blessure et la fatigue, et ce foutu tournis qui le reprenait, étaient loin d'être des aides. Lucien avait raison, il avait déjà fait prendre trop de risques à tout le monde. C'était tellement rageant.
Il lâcha un soupir empli de frustration, serrant de toutes ses forces la crosse de l'arme traîtresse entre ses doigts. Il regardait le pistolet, comme s'il avait pu le faire disparaître par ce seul regard empli de haine, lorsqu'il entendit l'ordre :

« Donne-le-moi. »

Le garde releva la tête vers Lucien. Le ton était implacable. Il tendait la main pour appuyer ses dires.
Et pendant un instant, ce fut tellement tentant d'obéir. De léguer le pistolet et tous les soucis qui était liés à l'objet, de laisser quelqu'un d'autre s'en charger et prendre le contrôle de la situation.
C'était pourtant hors de question.

« Non. »

Sa voix était aussi ferme que celle de Lucien.

« Ce n'est pas à toi de t'en occuper. Tu es déjà assez impliqué comme ça ; j'ai fait une connerie, c'est à moi de la régler. »  Il ajouta, plus renfrogné : « Je n'irai pas ce soir, si c'est ce que tu veux. Mais l'arme reste ici : si elle doit être trouvée, mieux vaut que ce soit dans ma chambre. »

Tout en parlant, il rangea le pistolet dans son propre étui, lequel fut placé dans l'armoire à sa place habituelle : cela n'aurait rien de suspect aux yeux des domestiques, au moins.
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MessageSujet: Re: I help you hate me ♪ [PV Lucien]   I help you hate me ♪ [PV Lucien] EmptyMar 16 Mar - 21:41

  • Lucien leva les yeux au ciel. Il aurait dû parier sur l’incapacité de Theophil à répondre correctement à un ordre simple. Comment ce garçon avait bien pu survivre dans la garde royale sans se faire rosser à mort par ses supérieurs resterait à jamais un épais mystère. En tous cas, lui aurait volontiers envoyé un bon coup de canne dans les mollets du réfractaire pour lui apprendre à respecter ses supérieurs, mais il doutait que la leçon rentre de cette manière dans son crâne dur. A son grand dam, il avait déjà essayé, sans résultats.

    D’autant qu’il avait bien d’autres soucis en tête que dresser des bourriques. Il n’avait aucune idée de comment on entrait dans les hautes strates d’une société républicaine. Il n’avait jamais eu aucun effort à faire pour briller dans l’aristocratie -pour autant que l’on puisse briller au milieu de donzelles sans cervelle et de barbons décadents. En l’occurrence, il allait non seulement devoir intégrer un régime qui lui était, pour le mieux indifférent, au pire franchement hostile, mais également se forger une posture politique alors qu’il avait jusqu’ici toujours fui ce genre de billevesées comme la peste -voire pire, car au moins, on pouvait se remettre de la peste, ou en mourir, alors que les politiques s’accrochaient à la vie publique comme des sangsues sur une plaie ouverte, et n’avaient même pas la bonne grâce de trépasser de leur plein gré. Il fallait souvent attendre qu’on les trépasse à leur place, et non seulement cela créait du grabuge, mais c’était également des spectacles d’un vulgaire achevé. Décidément, la politique n’était une bonne chose ni pour les gens qui y faisaient la pluie ou le beau temps, ni pour ceux qui la subissaient. Quelle plaie.

    Toujours était-il qu’il allait bien devoir se frayer un chemin, bon an mal an. Au pire, il serait décapité en place publique. Il n’avait rien à perdre, en somme.

    Il se retint une nouvelle fois de rappeler à Theophil que s’il était impliqué, c’était entièrement de sa faute et de son habitude de ne pas réfléchir avant d’agir. Il imaginait que revenir sur le même sermon pour la douzième fois de la soirée ne ferait nullement avancer la situation -bien qu’il meure d’envie d’avoir le dernier mot et de rabattre le caquet de l’impudent. Et puis, il n’allait pas se battre pour gagner le droit de se promener, par une nuit froide et solitaire, un pistolet coupable à la poche, au nez et à la barbe des républicains. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’avait jamais été un homme d’action -et qu’il ne comptait jamais l’être, merci bien, on avait inventé les domestiques pour ça et ils s’en sortaient à merveille. Si Theophil tenait tant que ça à risquer sa vie et à salir ses vêtements dans de viles tâches, c’était son problème. Il faudrait juste qu’il chapeaute l’opération pour éviter de nouveaux débordements, étant donné que le garde avait l’air de réfléchir plus souvent avec une partie de son corps destinée habituellement aux flatulences qu’avec son cerveau. Mais là encore, ce n’était que son humble avis.

    « Très bien. J’espère que tu feras montre de davantage de jugeote pour la suite des opérations. Sinon, que le pistolet soit trouvé dans ta chambre ou sur ton cadavre dans la rue, je doute que cela fasse grande différence. »

    Il n’était pas certain que les républicains feraient preuve de beaucoup de clémence s’ils flairaient quelque sombre affaire mettant en scène un ancien garde royal, un noble infidèle au régime, et toute sa clique de domestiques qui auraient mieux fait de mettre les voiles dès les premières têtes tombées. Ils seraient tous mis dans le même panier, et avec un peu de chance, on penserait même que Lucien avait commandité l’ensemble pour faire tomber le nouveau gouvernement. Il serait retenu dans l’histoire comme un noble antagoniste aux forts idéaux politiques, ce qui, il devait l’avouer, était d’une ironie qui ne serait pas pour lui déplaire.

    Il amorça un mouvement pour sortir, se relevant du lit, et commença à se diriger vers la porte.

    « Je n’oublie pas que tu n’as toujours pas daigné me répondre sur tes agissements de ces dernières semaines. »

    Ce qui l’irritait assez, il devait l’avouer. Le fait qu’il ait mis tant de temps à se rendre compte de ce que le garde trafiquait dans son dos blessait sa fierté, tout comme ses refus répétés de céder à ses questions.

    « J’attendrai, mais je ne suis pas patient. »

    Sur ces dernières paroles, il referma la porte derrière lui, soulagé de n’y découvrir aucune oreille indiscrète, ni froissement trahissant la fuite d’un gêneur. Il étouffa un juron. Au-dehors, l’aube se levait. Il n’avait pas dormi de la nuit, et les pensées qui tournoyaient dans sa tête l’en empêcheraient sûrement une bonne partie de la journée, bien qu’il ne rêve que de s’écrouler sur n’importe quelle surface moelleuse ressemblant de près ou de loin à un lit.

    Les jours prochains n’allaient pas être une partie de plaisir.

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